Et si, plutôt que de prédire 2024, nos chroniqueurs tentaient d’imaginer ce qui n’arrivera pas ?

Lorsqu’il est question d’économie, vous conviendrez qu’il est plutôt hasardeux de jouer les prévisionnistes. L’histoire nous a démontré assez souvent que les experts, même les plus convaincus, peuvent être drôlement surpris par les évènements. J’évite donc la futurologie, tant que faire se peut.

Mais puisque je dois ici respecter le thème imposé « ce qui n’arrivera pas en 2024 », je vais sauter sur la glace, comme on fait dans les ligues d’improvisation. Sans toutefois tomber dans la fiction, la réalité étant assez riche en sujets.

Un récent sondage de la Banque TD nous apprenait que 53 % des Québécois n’ont pas cotisé à leurs placements, en 2023. Ce n’est assurément pas idéal comme situation, mais ce qui a surtout retenu mon attention, c’est qu’il s’agit du taux le plus élevé au pays. Dans les autres provinces, la moyenne est de 45,8 %.

Il est toujours fascinant de voir à quel point les Québécois sont différents en matière de finances personnelles. Dans les sondages, les études, les écarts sont significatifs avec le reste du pays. Qu’il soit question d’épargne, d’attitude face à l’argent ou de comportements. Au Québec, on est toujours plus insouciant, plus confiant, moins prévoyant, en somme.

Un autre exemple : 57 % des Canadiens ont craint au cours de l’été de ne pas être en mesure de rembourser leur hypothèque ou de payer leur loyer. Au Québec ? Seulement 34 % des ménages ont ressenti cette peur, selon un sondage Léger.

Présentes d’un océan à l’autre, les banques sont très bien placées pour observer les différences.

« C’est une habitude dans les autres provinces de faire une mise à jour annuelle avec son conseiller financier. C’est comme aller chez le dentiste pour un nettoyage tous les six ou douze mois, il y a plus de régularité », m’a raconté Émile Khayat, directeur régional principal chez Gestion de patrimoine TD.

Au Québec, on se déplace moins en succursale pour planifier, davantage pour un besoin précis comme cotiser à son REER ou contracter un prêt. Le niveau de discipline n’est tout simplement pas le même, et ça ne changera pas en 2024, malgré la situation économique, les taux hypothécaires et la hausse du taux de chômage. C’est trop dans l’ADN.

La comparaison avec le dentiste illustre bien le constraste entre les francophones et les anglophones, selon Jean-Marc Léger, économiste, cofondateur de la firme Léger et coauteur du livre Le Code Québec. Après des décennies à analyser en profondeur les humains qui vivent au Canada, il n’a plus de doute : le rapport à l’argent est une « différence clé » entre les deux solitudes.

« Le facteur le plus important, c’est le fait que les Québécois sont dans une dynamique d’ici et maintenant, alors que la communauté anglophone prépare l’avenir. Les Québécois sont très court terme dans leur planification. »

Lorsqu’il est question des dons de charité, par exemple, 80 % des anglophones savent combien ils donneront au cours d’une année. C’est dans leur budget. Seulement 20 % des Québécois adoptent ce comportement. « Ici, on se dit qu’on va donner quand ils vont nous achaler ! », lance Jean-Marc Léger en riant.

Idem en ce qui concerne la retraite. Les Canadiens anglais épargnent pour leurs vieux jours, tandis que la préoccupation principale des francophones qui cotisent à leur REER est d’économiser de l’impôt l’an prochain, relate le sondeur. Dès la naissance d’un enfant, poursuit-il, les anglophones vont se demander quelle université il fréquentera et commenceront à économiser. Une préoccupation assez rare au Québec.

Se doter d’un plan d’action précis, c’est pourtant l’équivalent d’une recherche sur Google Maps avant de sauter dans son auto pour aller quelque part. Connaître d’avance son parcours, l’état de la circulation et l’heure d’arrivée contribue à réduire le stress.

Une simple vision globale de sa situation financière, même si elle est précaire, fait aussi baisser la pression. « Le fait de comprendre clairement votre revenu et vos dépenses actuels et de créer un plan financier pour l’avenir peut procurer un sentiment de contrôle », résume d’ailleurs le site strategiesdesantementale.com. De nombreuses études démontrent que les personnes dotées d’un plan sont moins anxieuses, notamment lorsque la Bourse recule.

L’autre grand avantage de la planification financière, c’est que le processus amène une réflexion. D’ailleurs, Émile Khayat, de la TD, estime que son travail est « plus psychologique que technique », puisqu’il pose beaucoup de questions.

Bien sûr, il faut tomber sur la bonne personne, celle avec qui on sera à l’aise de parler d’argent sans se sentir jugé. Le taux de roulement dans les succursales fait en sorte, malheureusement, qu’il n’est pas toujours possible de développer un lien de confiance avec un conseiller d’expérience. Il faut aussi passer par-dessus sa crainte de ne pas comprendre tout le jargon de la finance, et relativiser le risque de tomber sur une personne qui veut juste vendre ses produits sans considérer nos véritables besoins.

Je ne crois pas que la nature humaine puisse changer en deux temps trois mouvements, mais en y mettant l’effort, nous pouvons tous adopter de nouveaux comportements pour notre propre bien.

Suggestion de résolution pour 2024 : améliorer sa littératie financière.