C’est jeudi prochain que plus de 160 000 PME québécoises qui ont eu recours à l’aide financière du gouvernement fédéral durant la pandémie – via le Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes – devront avoir complété le remboursement de leur prêt si elles souhaitent profiter de la subvention qui était assortie au programme d’aide fédéral.

On s’en souvient, le gouvernement fédéral était intervenu massivement durant la pandémie pour soutenir l’économie canadienne par l’entremise de généreux programmes de soutien financier, que ce soit la subvention à l’emploi pour les entreprises ou la prestation canadienne d’urgence (PCU) pour les travailleurs.

Ottawa a également mis sur pied un programme spécifique pour les PME en créant le Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes, le CUEC, qui accordait au départ des prêts de 40 000 $ qui ont rapidement été bonifiés à 60 000 $ pour permettre aux entreprises de faire face aux restrictions imposées par les confinements successifs.

Les entreprises qui se prévalaient de cette aide financière d’urgence pouvaient transformer une partie du prêt en subvention s’ils effectuaient le remboursement total du prêt avant le mois de septembre 2023. La partie subvention sur un prêt de 40 000 $ s’élevait à 10 000 $ et atteignait 20 000 $ sur un prêt de 60 000 $.

Au Canada, ce sont plus de 900 000 PME qui ont eu recours à cette aide d’urgence qui a entraîné des déboursements de 49,2 milliards d’Ottawa. Au Québec, ce sont 182 923 entreprises qui ont profité de l’aide d’urgence d’Ottawa pour un total de 10 milliards.

En septembre dernier, à la suite de pressions répétées des petites entreprises, Ottawa a accepté de repousser au 18 janvier 2024 la date limite du remboursement des prêts donnant droit à la subvention.

Les entreprises qui n’auront pas remboursé leur prêt à cette date devront repayer à Ottawa la totalité du montant qu’elles ont obtenu à un taux d’intérêt de 5 %, dans un délai de trois ans.

« C’est certain qu’il est plus avantageux de rembourser le prêt et de profiter de la subvention de 20 000 $. Plusieurs de nos entreprises clientes ont remboursé le prêt d’urgence à même leurs liquidités ou en utilisant leur facilité de crédit », m’explique Patrick Lemelin, premier vice-président, Stratégies, solutions, processus Entreprises à la Banque Nationale.

À ce jour, près de 70 % des 30 000 entreprises clientes de la BN qui ont profité de l’aide fédérale d’urgence ont pris des arrangements pour rembourser le gouvernement fédéral, et chaque jour de nouvelles entreprises réalisent le paiement total.

Déjà, en septembre dernier, avant que le gouvernement fédéral ne prolonge la période de grâce jusqu’au 18 janvier 2024, près de 20 % des PME canadiennes avaient remboursé l’aide fédérale d’urgence et pleinement profité de la subvention de 25 ou de 33 %.

Des entreprises en difficulté

La situation n’est cependant pas la même pour de nombreuses PME qui ont été fortement fragilisées par la pandémie et qui ont laborieusement continué d’opérer depuis, notamment dans les secteurs de la restauration, des services, du tourisme et de l’hébergement.

Chez Desjardins, on me confirme que de 30 à 40 % des entreprises qui ont bénéficié de l’aide d’urgence d’Ottawa et qui doivent procéder au remboursement de leur prêt sont actuellement sous pression.

Ce sont plus de 80 000 entreprises clientes du Mouvement Desjardins qui ont majoritairement bénéficié du prêt d’urgence de 60 000 $ durant la pandémie en 2020 et qui doivent aujourd’hui le rembourser totalement si elles veulent profiter de la subvention de 20 000 $.

« On tente d’accommoder nos entreprises clientes via nos différents services, mais il y en a beaucoup qui sont sous pression », me confirme Chantal Corbeil, porte-parole du Mouvement Desjardins.

On parle ici essentiellement de petits commerces, comme des dépanneurs, des salons de coiffure, des restaurants qui ont utilisé l’aide d’urgence d’Ottawa, mais qui peinent aujourd’hui à seulement espérer la rembourser.

Selon un sondage réalisé en mars dernier par la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, plus de 17 % des propriétaires de PME québécoises affirmaient qu’ils allaient être incapables de rembourser leur prêt d’urgence en janvier 2024 et espérer profiter du 20 000 $ de subvention.

« Ce sont plus de 45 000 PME québécoises qui sont à risque et qui pourraient fermer leurs portes si elles doivent rembourser la totalité du prêt de 60 000 $ », évalue Christina Santini, directrice aux affaires nationales de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante.

C’est pourquoi on suggère aux PME de chercher une solution avec leur institution financière d’ici le 18 janvier et de conserver une trace de leurs démarches.

Si une PME n’arrive pas à s’entendre avec son institution financière pour se faire racheter son prêt d’urgence, elle pourra tout de même profiter d’un nouveau délai accordé par Ottawa jusqu’au 28 mars prochain pour lui permettre de trouver une voie alternative de financement et pouvoir toujours profiter de la subvention de 20 000 $.

Tout ce démarchage survient au moment même où la confiance des propriétaires de PME n’a pas été aussi basse depuis la crise de 2008-2009. L’indice de confiance des chefs de PME québécois est tombé sous les 50 points à 42 points, en bas de la moyenne nationale de 45,6 points. Rien pour se réjouir.