Après avoir observé deux années de relative accalmie sur le marché des transactions entre entreprises, l’année 2024 devrait donner lieu à un regain d’activité partout au pays sur le front des fusions et acquisitions en raison de la baisse attendue des taux d’intérêt et d’une abondance de capitaux accumulés par les firmes d’investissement privé.

Voilà le pronostic que formule KPMG Canada à la suite d’un récent sondage que la firme de services-conseils a réalisé auprès de PME qui sont leurs clientes sur l’ensemble du territoire canadien.

On le sait, le phénomène des propriétaires d’entreprise qui partent à la retraite et qui ne peuvent pas compter sur une relève familiale pour assurer la poursuite des activités continue de s’accélérer et fait pression sur la vente d’un nombre important de PME de taille intermédiaire.

Les propriétaires de ces entreprises qui réalisent un chiffre d’affaires de 25 à 100 millions se tournent de plus en plus vers des fonds d’investissement privés pour réaliser une transaction parce qu’ils peuvent vendre une grosse partie de leur entreprise tout en conservant une participation minoritaire qui peut faciliter la transition.

Ces fonds ou ces firmes d’investissement, comme le Fonds de solidarité, Claridge, Partenaires Walter Capital, la Corporation financière Champlain, Phoenix ou BDG, sont nombreux et se multiplient avec l’accumulation de capital qui se libère à la suite de la vente d’entreprises par d’ex-propriétaires qui veulent réinvestir leurs gains en capital…

Il y a eu moins de transactions en 2022 et 2023 parce que le contexte y était moins favorable en raison de la hausse des taux d’intérêt. Ce qui fait qu’il y a beaucoup de capitaux disponibles au sein des fonds d’investissement privé – ce qu’on appelle de la poudre à canon – qu’on va vouloir utiliser en 2024.

Jean-Philippe Parent, directeur général pour le Québec et associé, Financement corporatif KPMG

Selon le sondage du cabinet comptable, 64 % des PME souhaitent réaliser une fusion, établir une coentreprise ou réaliser une acquisition au cours des trois à cinq prochaines années. Par ailleurs, 69 % des PME disent avoir l’intention de vendre à une autre entreprise ou à un tiers au cours des trois prochaines années. Est-ce qu’il s’agit d’intentions contradictoires ?

« Peut-être à première vue, mais pas nécessairement, non. Plusieurs PME ont l’intention de réaliser une acquisition qui va les rendre plus désirables en vue d’une vente éventuelle. Même chose pour les fusions : on veut aller chercher des expertises qui vont avoir une valeur de revente », estime le spécialiste.

Taux d’intérêt et capital disponible

Selon KPMG, la hausse des activités de fusions et acquisitions en 2024 sera en partie commandée par la baisse des taux d’intérêt attendue au cours des prochains mois, une lecture que partage Éric Phaneuf, le PDG du fonds d’investissement privé Partenaires Walter Capital.

« Ce n’est pas tellement en raison de l’ampleur de la baisse attendue, mais plutôt parce que cette baisse marque le début d’une stabilisation qui va mettre fin à l’incertitude qu’on a vécue au cours des deux dernières années », souligne Éric Phaneuf.

La baisse des taux d’intérêt va notamment relancer l’appétit des fonds d’investissement privé américains qui comptent beaucoup plus sur l’effet de levier lorsqu’ils réalisent une transaction. Ils empruntent une somme souvent équivalente à celle qu’ils vont investir en capital, ce qui n’est pas le cas de Partenaires Walter Capital et de plusieurs autres fonds d’investissement privé québécois.

« On a réalisé 15 acquisitions au cours des cinq dernières années et notre approche est de ne pas prendre de risque démesuré avec la dette ; on préfère investir dans le capital des entreprises et réinvestir au besoin », précise Éric Phaneuf.

KPMG observe par ailleurs que les PME qui souhaitent trouver un repreneur vont profiter davantage des capitaux des fonds d’investissement privé parce qu’ils ont réduit leur sortie de capitaux en 2023 et qu’ils subissent maintenant des pressions pour le redéployer.

Au cours des deux dernières années, ce sont davantage des acquéreurs stratégiques qui ont réalisé des acquisitions de PME intermédiaires pour renforcer leur bilan ou développer de nouveaux marchés, les fonds d’investissement devraient être plus actifs.

Selon une compilation réalisée par la firme Refinitiv, KPMG a été en 2023 la firme qui est intervenue à titre de conseiller financier dans le plus grand nombre de transactions conclues au Canada avec un total de 45, ce qui place la firme tout juste devant BMO Marchés des capitaux et RBC Marchés des capitaux, qui en ont réalisé 44 chacune.

Il n’y a pas de secteur d’activité plus sujet à la réalisation de transactions qu’un autre. Le portrait général, c’est un entrepreneur âgé de 55 à 65 ans qui n’a pas de relève familiale, qui souhaite trouver un repreneur pour assurer la pérennité de son entreprise réalisant un chiffre d’affaires entre 25 et 100 millions.