En laissant inchangé pour la quatrième fois de suite son taux directeur à 5 %, la Banque du Canada a confirmé mercredi qu’on était bel et bien arrivé à la fin du cycle de resserrement des conditions de crédit. Ce qui signifie que lentement – mais sûrement, ajouteront les optimistes –, les taux d’intérêt devraient commencer à baisser et que le secteur de l’immobilier résidentiel devrait commencer à se relever cette année.

On le sait et on ne cesse de le redire depuis le début de l’année, 2023 a été désastreuse pour le secteur immobilier, tant pour les constructions de nouveaux logements que pour le volume des transactions immobilières sur le marché secondaire.

L’activité immobilière a été durement frappée par les hausses successives et brutales des taux d’intérêt qui se sont amorcées en 2022 et qui, heureusement, semblent maintenant terminées depuis la dernière hausse du mois de juillet dernier.

Mais le mal a été fait. La hausse des taux hypothécaires, conjuguée à une mauvaise conjoncture dans le monde de la construction – pénurie de main-d’œuvre et hausse des coûts –, a fait reculer à 38 900 le nombre de nouvelles mises en chantier au Québec, une baisse de 32 % par rapport aux 57 100 enregistrées en 2022.

C’est notamment la première fois depuis 1955 qu’il se construit aussi peu de nouvelles maisons unifamiliales au Québec.

En fait, la piètre performance québécoise est pratiquement responsable du recul de 7 % du nombre de mises en chantier au Canada en 2023. Sans le Québec, le recul national n’aurait été que de 2 %, selon Statistique Canada.

La hausse des taux a aussi passablement réduit l’activité immobilière sur le marché de la revente où l’on a enregistré en 2023 une baisse de 13 % du nombre de transactions par rapport à 2022, selon l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec.

Le recul du nombre de transactions a été observable en 2023 dans toutes les catégories de propriétés et ce sont les régions métropolitaines de Gatineau, Montréal et Sherbrooke qui ont encaissé les plus forts reculs avec des baisses respectives de 15 %, 14 % et 14 %.

La hausse des taux d’intérêt a notamment freiné l’ardeur des premiers acheteurs de maison, ceux-ci préférant attendre une embellie de ce côté, tout comme les taux élevés ont amené les vendeurs à reporter leur projet de réaliser une transaction.

Un renversement de tendance

Or il semble que l’embellie espérée soit bel et bien en train de se produire. C’est la quatrième fois depuis le mois de juillet que la Banque du Canada décide de laisser inchangé son taux directeur, ce qui marque une stabilisation du contexte inflationniste et laisse envisager une baisse prochaine des taux d’intérêt.

Cet optimisme est déjà observable dans le comportement des emprunteurs hypothécaires qui ont recommencé à réaliser des transactions, comme me l’explique Sylvain Mantha, directeur général de la firme de courtage Multi-Prêts Hypothèques.

Le marché a cassé en 2023, observe le spécialiste, alors qu’on a enregistré une baisse de 37 % du nombre de transactions hypothécaires en début d’année parce que le contexte demeurait fortement incertain et que les taux continuaient d’augmenter à chaque nouvelle annonce de la Banque du Canada.

Depuis que la banque centrale a cessé de hausser son taux directeur en juillet, le recul du nombre de transactions a chuté à 20 % par rapport à l’année précédente alors qu’en décembre dernier, on n’enregistrait plus qu’une baisse de 5 % par rapport à l’ensemble de 2022.

Durant les six derniers mois de 2023, on a été en croissance. Les gens comprennent qu’on ne reviendra pas à des taux de 1 ou 2 %, comme c’était le cas avant la pandémie.

Sylvain Mantha, directeur général de la firme de courtage Multi-Prêts Hypothèques

« Il faut se rappeler que de 2017 à 2020, même si les taux d’intérêt étaient à la hausse, nos volumes annuels de transactions sont passés de 11 000 à 19 000. Les gens cherchent la stabilité », constate Sylvain Mantha.

En 2020, lorsque les taux ont baissé à leur niveau le plus bas, 88 % des gens ont pris des prêts hypothécaires à taux fixe sur des termes de trois à cinq ans.

Cette année, ce sont plus de 295 000 emprunteurs qui vont devoir renouveler leur prêt hypothécaire, ce qui va générer en soi de l’activité alors que beaucoup vont vouloir prendre des hypothèques à taux variables pour espérer profiter des baisses attendues.

« Les gens comprennent maintenant que des hypothèques à 5 ou 7 %, c’est ça la normalité et qu’ils doivent s’ajuster à cette réalité. À moins que l’économie ne tombe en récession solide, on s’attend à un rebondissement de l’activité immobilière en 2024 », anticipe Sylvain Mantha.