L’année 2024 ne risque pas d’être ennuyeuse sur le plan économique. On a l’impression que tout et son contraire pourraient survenir durant les prochains mois. L’actualité économique se déploie de façon imprévisible et cette confusion risque de contribuer à rendre chaotique l’évolution des marchés, comme on l’a bien constaté mardi sur les Bourses nord-américaines.

Dans l’infolettre matinale de mercredi du New York Times, le chroniqueur financier David Leonhardt ouvre sa chronique avec une formule qui résume bien l’état de confusion qui caractérise le contexte économique actuel.

« L’économie se dirige probablement vers une récession. Non, elle est de nouveau en plein essor. L’inflation est en chute libre. Non, elle est en train de repartir à la hausse », écrit-il en précisant que toutes ces affirmations sont plausibles et qu’elles décrivent des scénarios qui pourraient tous se réaliser.

L’observateur de l’économie américaine rappelle ensuite que cette situation paradoxale où toutes les contradictions semblent aujourd’hui possibles est le résultat d’une séquence d’évènements qui tire son origine dans le boom économique que les États-Unis ont connu durant les mandats à la présidence de Barack Obama dans la foulée de la crise financière de 2008.

Un boom économique qui s’est poursuivi sous Donald Trump, mais qui a pris fin brutalement en mars 2020 avec l’éclatement de la crise de COVID-19.

L’effondrement de l’économie qui a suivi cette crise sanitaire sans précédent a été de courte durée et ses effets ont été limités en raison de l’intervention financière massive du gouvernement fédéral américain qui avait appris des crises antérieures, dont celle de l’immobilier en 2007 qui avait été marquée par une forte hausse du chômage.

Grâce au soutien financier du gouvernement fédéral, les ménages américains ont pu continuer à dépenser malgré le dérèglement généralisé des chaînes d’approvisionnement.

Mais la forte demande des ménages conjuguée à une offre incapable d’y répondre a généré l’inflation que l’on a connue depuis et qui a entraîné la forte hausse des taux d’intérêt que l’on a vécue en 2022-2023.

On en est là aujourd’hui, on tente toujours de juguler l’inflation et on attend pourtant un allégement des taux d’intérêt que l’on espérait dès le mois de mars aux États-Unis.

Une déception qui coûte cher

Voilà pour la genèse de la situation économique américaine, qui teinte évidemment beaucoup la situation économique canadienne et québécoise.

Depuis que la poussée de l’inflation a été maîtrisée et que l’on observe chaque mois un déclin de sa progression, une majorité d’analystes aux États-Unis ont tenu pour acquis que la Réserve fédérale allait procéder à une première réduction de son taux directeur lors de la réunion du comité de la politique monétaire du mois de mars.

Surprise, on a appris mardi que le taux d’inflation, qui était de 3,4 % en décembre aux États-Unis, s’est établi à 3,1 % en janvier, alors que les économistes avaient anticipé une progression sous la barre des 3 % pour ce mois.

La déception a été vive sur les marchés boursiers nord-américains, qui ont tous enregistré des reculs importants durant la séance de mardi, notamment de 1,4 % pour le S&P 500 et de plus de 2 % pour l’indice S&P/TSX.

La certitude que les taux d’intérêt allaient baisser en mars s’est ainsi transformée en espoir que la Réserve fédérale procède à une première baisse au mois de mai, alors qu’une minorité d’analystes plus pessimistes s’attendent à un mouvement de repli seulement en juin prochain.

La réaction excessive des investisseurs qui ont fait reculer 92 % des titres boursiers durant la journée de mardi laisse entrevoir le retour d’une volatilité certaine au cours des prochains mois.

Selon le Financial Post, la séance de mardi est venue interrompre un ralliement qui durait depuis plus de 15 semaines, pendant lequel l’indice S&P 500 s’est apprécié d’un très surprenant 22 %.

En reculant de 1,4 %, le S&P 500 a enregistré mardi sa plus forte chute liée à la publication de l’indice des prix à la consommation depuis septembre 2022, lorsque l’inflation atteignait justement des niveaux records.

Signe que les sursauts boursiers de mardi ont été générés par un regain de volatilité, les principaux indices ont regagné en grande partie mercredi les pertes enregistrées la veille sur le coup d’une déception excessive.

Mais il faut rappeler que l’économie américaine a progressé de 2,5 % au cours de l’année 2023 malgré la plus importante et rapide hausse des taux d’intérêt de l’histoire récente.

Et qu’en dépit des bons chiffres sur l’emploi et la consommation qui continuent d’être régulièrement publiés, de nombreux économistes sont maintenant d’avis que l’économie américaine s’essoufflera en 2024, ce qui va amener la Réserve fédérale à accélérer les baisses de taux à partir de la deuxième moitié de l’année.

Mais ces réductions de taux arriveront trop tard, selon la Banque Nationale notamment, et l’économie américaine devrait entrer en récession en 2025. On le voit bien, ce ne sera pas évident de suivre et de comprendre l’évolution de l’économie tout au long de l’année. Il va falloir y aller un mois à la fois.