La mondialisation n’est pas morte. Les intentions souvent exprimées de rapatrier l’activité industrielle pour s’affranchir de pays comme la Chine ne se sont pas encore traduites clairement dans la réalité au Canada, constate une étude de Desjardins.

« Ce qu’on observe, c’est qu’il y a des signes de relocalisation de la production au Canada, mais ces signes sont faibles et limités à certains secteurs, indique l’auteur de l’étude, Benoit Durocher, dans un entretien avec La Presse. Le phénomène est très marginal encore et c’est difficile de savoir comment ça va évoluer. » Ça pourrait être des turbulences passagères ou une transformation majeure des relations commerciales, selon lui.

Après des décennies de mondialisation, les entreprises semblent s’interroger sur les bienfaits qu’il reste à en tirer, selon lui. Elles soupèsent les coûts supplémentaires du rapatriement de leur production, en salaires surtout, et ses avantages, notamment sur le plan environnemental. « C’est un ajustement qui peut prendre des années », estime-t-il.

Des signes timides

L’économiste a examiné l’évolution récente des importations du Canada, plus précisément la part des importations dans tout ce qui est produit au pays. « Une diminution de ce ratio est un signal qu’une plus grande proportion de la production est effectuée localement au lieu de provenir de l’étranger », explique Benoit Durocher.

Il constate que la part des importations dans la production totale a augmenté jusqu’en 2008 et qu’elle tend à se stabiliser depuis. « Ça peut être un signe de la volonté de produire plus localement », estime-t-il.

Toutefois, il n’y a pas de tendance claire de la baisse du ratio des importations dans la production, ce qui indique que la relocalisation n’est pas très répandue.

Dans le secteur de la fabrication

Les signes de relocalisation sont plus évidents si on se concentre sur le secteur de la fabrication. « Ce secteur affiche depuis des années une tendance à la baisse de son ratio d’importations sur la production », a découvert Benoit Durocher. La situation varie selon les activités, et c’est la fabrication de produits informatiques et électroniques qui semble avoir été le plus rapatriée. Particulièrement depuis 2022. « Ce n’est pas une surprise considérant la pénurie de puces électroniques qui est apparue durant la pandémie, ce qui a sans doute incité plusieurs entreprises canadiennes à trouver des sources alternatives d’approvisionnement », analyse l’économiste.

Hausse des investissements

La volonté des entreprises de rapatrier leur production peut aussi être détectée dans leurs intentions d’investissements. Selon une enquête de Statistique Canada, de plus en plus d’entreprises ont l’intention d’agrandir leurs installations au cours des prochains mois.

« Le rapatriement d’une partie de la production effectuée à l’étranger nécessite habituellement d’importants investissements locaux afin de développer de nouvelles capacités de production », précise l’économiste. Le ralentissement économique mondial a refroidi les entreprises canadiennes récemment, mais la tendance des trimestres précédents donnait des signes de relocalisation.

Pas si nécessaire

Dans les faits, le Canada n’a pas besoin de faire beaucoup d’efforts pour rapatrier sa production puisqu’il est moins vulnérable que beaucoup d’autres pays industrialisés. Les importations du Canada proviennent en grande majorité de pays « amis », souligne Benoit Durocher.

Plus de 60 % des importations du Canada viennent des États-Unis, qui sont une source d’approvisionnement stable et fiable. Si on inclut l’Union européenne, le Royaume-Uni, le Mexique et le Japon, avec lesquels le Canada entretient de bonnes relations commerciales, cette proportion grimpe à 79 %.

Les États-Unis ne sont pas dans la même situation. Le pays est plus dépendant de la Chine, notamment, d’où la grande offensive du gouvernement Biden pour inciter les entreprises américaines à rapatrier les activités qu’elles ont délocalisées au cours des dernières décennies.