Des alumineries, des centres de données à la pelle, des mineurs de cryptomonnaies et une pénurie d’électricité. C’est le Québec ? Non, c’est l’Islande, où ce qui arrive actuellement ressemble à s’y méprendre à ce qui se passe ici.

Comme le Québec, l’Islande est bénie des dieux avec une abondance d’énergie verte. La totalité des besoins de chauffage et d’électricité des habitants de l’île nordique est comblée par la géothermie et l’hydroélectricité. À un coût très bas.

C’est ce qui a attiré les producteurs d’aluminium, toujours à l’affût des aubaines énergétiques. L’Islande a 370 000 habitants et trois grosses alumineries. Les producteurs américains Alcoa et Century s’y sont installés, de même que Rio Tinto, qui y exploite une usine depuis 1969. Le pays produit 750 000 tonnes d’aluminium par année, aussi 100 % vert que celui fabriqué au Québec.

Les mineurs de cryptomonnaies et les centres de données ont aussi mis le cap sur Reykjavik, pour profiter de l’énergie à bas prix et du fait que la fraîcheur du climat islandais rend inutile le refroidissement des serveurs, ce qui réduit encore plus le coût de ce genre d’activités.

L’Islande est devenue en quelques années la capitale mondiale du bitcoin et autres cryptomonnaies, selon le site spécialisé Hashrateindex.com.

La demande d’électricité a augmenté, et le fournisseur national, Landsvirkjun, l’Hydro-Québec locale, a fini par être incapable de répondre à cette augmentation. Ses dirigeants avaient bien sonné l’alerte, mais ils n’ont pas été entendus par les élus.

« À maintes reprises, Landsvirkjun a mis en garde contre la possibilité d’une situation à laquelle nous sommes maintenant confrontés, écrit son président dans une lettre à ses clients. Le système électrique fonctionne à pleine capacité, et il y a une pénurie d’électricité prévisible lorsque la demande n’est pas satisfaite pour soutenir la croissance moyenne des industries en Islande. »

Ce qui était impensable pour les Islandais s’est produit. L’Islande a manqué d’électricité et a dû rationner les usines et utiliser du pétrole et du charbon pour le chauffage des maisons.

En Islande comme ailleurs dans le monde, la transition énergétique pousse la demande d’électricité à la hausse et accroît les besoins pour d’autres usages, comme le transport.

La question qui tue

Des investissements dans l’augmentation de la production d’électricité sont prévus, mais le bilan énergétique reste serré, selon le président de l’entreprise nationale.

Il a osé poser la question qui tue : qui profitera de l’augmentation de la production d’électricité ? Le gouvernement doit décider s’il est nécessaire de fermer les usines les plus énergivores afin de pouvoir répondre à la demande d’électricité de la population pour les 15 années à venir.

Les trois alumineries islandaises consomment 80 % de toute l’électricité produite dans le pays.

En 2020, Rio Tinto a menacé de fermer son usine si elle n’obtenait pas des tarifs d’électricité plus avantageux. L’entreprise a fini par conclure une entente à sa satisfaction en 2021.

Les alumineries pèsent lourd dans l’économie. Mais l’autre atout important de l’île nordique, c’est sa nature encore vierge et ses paysages époustouflants, qui attirent les touristes du monde entier.

L’industrie du tourisme représentait près de 8 % du produit intérieur brut de l’Islande en 2022. La multiplication des infrastructures énergétiques, même renouvelables et vertes, améliore rarement les paysages.

L’abondance des ressources énergétiques renouvelables a été une bénédiction pour l’Islande, dont la petite économie axée sur la pêche a prospéré. Son héritage énergétique est maintenant plus convoité que jamais, et le gouvernement doit maintenant le partager, comme c’est le cas au Québec.

En savoir plus
  • 8000 térawattheures
    C’est la consommation totale d’électricité de la Chine en 2022, la plus importante au monde. Les États-Unis et l’Inde suivent. Le Canada est au 6e rang.
    source : Enerdata