La semaine dernière, une nouvelle loi fédérale sur la conduite sous l'influence de drogue est entrée en vigueur. Elle facilite la tâche des policiers qui veulent faire passer un test de drogue aux automobilistes qu'ils soupçonnent d'être intoxiqués.

L'organisme Mères contre l'alcool au volant (MADD) a applaudi la mesure. Mais l'Association canadienne de justice pénale, qui regroupe des criminologues et des avocats, s'inquiète des objectifs ambitieux de la loi par rapport aux techniques de détection des drogues.

N'empêche, des pas énormes ont été faits ces dernières années. «On est maintenant capables de détecter plusieurs drogues, dont la marijuana, dans la salive, avec un lien assez fort avec la détérioration des capacités de conduire, estime Doug Beirness, chercheur au Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies à Ottawa. Ce n'est pas parfait, les tests sont meilleurs avec le sang, tout comme pour l'alcool. Mais c'est beaucoup mieux que ce qu'on avait il y a quelques années.»

L'autre problème, c'est qu'il n'y a pas de limite légale pour les drogues. C'est donc l'équivalent de la tolérance zéro pour l'alcool. Plusieurs avocats ont souligné dans les médias qu'il s'agissait probablement d'un motif de contestation d'une condamnation pour conduite sous l'effet de la drogue. Mais M. Beirness réplique que le nombre de drogues est tout simplement trop important pour qu'on puisse établir un seuil acceptable pour chacune d'entre elles. D'ailleurs, souligne-t-il, il serait pour le moins curieux d'avoir une limite légale pour une drogue illégale.

L'auteur de la seule étude qui ait évalué le comportement d'automobilistes ayant fumé du cannabis sur des routes réelles, Jan Raemakers, de l'Université de Maastricht, aux Pays-Bas, ajoute un élément à ce problème: le taux de THC variant beaucoup d'un joint à l'autre, il sera difficile pour les automobilistes de surveiller leur consommation comme pour l'alcool (une bière à l'heure), même avec une limite légale.

«Il suffit d'une simple bouffée de cannabis pour atteindre ce niveau, dit M. Raemakers. Mais le taux redescend plus rapidement si on n'a pas beaucoup fumé. Pour une intoxication «normale», il faut deux ou trois heures pour redescendre en deçà de ce niveau.»

Alcool versus drogues

Ce qui est une différence importante par rapport à l'alcool, dont on peut prendre une ou deux portions avant d'atteindre le 0,08. La courbe descendante est par contre similaire: il faut en moyenne une heure pour éliminer une portion d'alcool. Donc, si on a pris deux ou trois verres de trop (de trois à cinq consommations pendant un repas de deux heures), on doit attendre deux ou trois heures pour redescendre sous le 0,08.

Au Québec, la SAAQ a publié en 2004 une étude montrant que le cannabis double le risque d'accident mortel, alors qu'une alcoolémie de 0,08 l'augmente de 24 fois. Le cannabis mélangé à une alcoolémie de 0,08 augmente le risque de 200 fois.

Une autre étude faite en 2000 par la SAAQ montre que la présence de drogues dans l'urine multiplie par trois le risque d'accident mortel, alors que l'alcool le multiplie par sept; le cannabis multiplie ce risque par deux.

Selon une étude réalisée en 2002 par le gouvernement britannique, la marijuana réduit la «capacité de pistage»: les automobilistes peinent à rester au milieu de la route. Par contre, ils ont tendance à surestimer leur intoxication et donc à ralentir, contrairement aux conducteurs ivres, qui ont tendance à accélérer.

La SAAQ a basé son étude de 2000 sur l'urine, ce qui pourrait mener à sous-estimer l'impact des drogues sur la conduite parce que l'urine conserve la trace des dérivés de la marijuana pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines après la consommation.