Éloïse Harvey ne le cache pas, son ambition est de bâtir avec EPIQ Machinerie un grand équipementier québécois capable de rivaliser avec les puissants groupes industriels européens. La PDG qui a racheté en 2018 l’entreprise Mecfor, établie à Chicoutimi et qui appartenait à son père, n’a pas hésité à en céder le contrôle à un partenaire financier pour mener à bien sa mission. L’entreprise est maintenant propriétaire de trois usines au Saguenay, deux à Saint-Bruno et trois à Pune, en Inde.

Après avoir obtenu un double baccalauréat en génie et en administration, Éloïse Harvey s’est jointe à Mecfor en 1999, où elle est devenue la 12e employée de l’usine qui fabriquait des équipements mécaniques pour l’industrie lourde, notamment les alumineries et les pâtes et papiers.

Son père, Jeannot Harvey, avait racheté Mecfor quelques années plus tôt pour l’incorporer au groupe Ceger, son holding composé de Cegerco, une entreprise de construction, et Cegertec, une firme d’ingénierie qui a été vendue en 2018 à Stantec.

« Le plan était que je prenne la relève de mon père dans le holding et que je dirige le groupe. On a entrepris en 2007 une transition qui devait m’amener à prendre la tête de Ceger en 2017 », m’explique Éloïse Harvey.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Éloïse Harvey, PDG d’EPIQ Machinerie

Je souhaitais être plus indépendante. J’étais présidente de Mecfor, j’avais l’ambition de l’amener à l’international, j’ai donc décidé de la racheter.

Éloïse Harvey, PDG d’EPIQ Machinerie

« J’ai rencontré Pierre Marcouiller [l’ex-PDG de Camso] et je lui ai raconté mes ambitions. Il m’a conseillé d’aller chercher un partenaire financier pour pouvoir réaliser des acquisitions. J’ai discuté avec les gens du Fonds de solidarité, de Fondaction, de Walter Capital et de SeaFort Capital, le fonds d’investissement privé des familles McCain et Sobey, et j’ai décidé de m’associer avec eux. »

SeaFort Capital est un fonds d’investissement patient qui accompagne les entreprises sur le très long terme et qui a pris une position majoritaire dans Mecfor. Une fois la transaction conclue, Éloïse Harvey a réalisé en 2021 une fusion entre égaux avec Advanced Dynamics (AD), un autre fabricant d’équipements lourds, établi à Saint-Bruno.

« Ce qui m’intéresse, c’est plus le potentiel de réalisation de notre entreprise que sa propriété. On travaillait déjà avec AD sur des projets au Moyen-Orient, on était complémentaires. On s’est associés avec la vision commune de devenir le grand équipementier de l’industrie de l’aluminium au Canada », résume la PDG de l’entreprise qui est devenue EPIQ Machinerie (Excellence, Performance, Innovation Québec) à la suite de cette transaction.

Lorsque j’ai rencontré Éloïse Harvey, elle rentrait tout juste d’un voyage éclair en Inde, où elle est allée souligner les dix années de l’implantation d’ADF, une division d’EPIQ Machinerie qui exploite trois usines dans la ville de Pune, au sud de Bombay (Mumbai) – à ne pas confondre avec l’entreprise ADF (Au dragon forgé) de Terrebonne.

« AD était partenaire à 50 % de l’entreprise indienne Fafeco qui est devenue ADF. Là, on vient d’augmenter notre participation à 74 % et on consolide maintenant leurs revenus. ADF fabrique pour nous des composantes pour nos équipements, mais dessert aussi le marché indien qui est en pleine explosion. On a trois usines qui emploient 300 personnes et on va en embaucher 300 autres cette année pour faire face à la demande », explique la PDG.

Expansion et consolidation

EPIQ Machinerie compte 140 employés à Saguenay, 160 à Saint-Bruno et 300 à Pune, et ses ventes ne vont qu’en augmentant pour passer de 55 millions en 2021 à 85 millions en 2023 alors qu’on prévoit qu’elles atteindront 120 millions en 2024.

« Tous nos secteurs d’activité sont en croissance, que ce soit les pâtes et papiers ou les alumineries. On réalise 70 % de nos revenus sur les marchés d’exportation et 30 % au Canada. On a un bureau de services au Moyen-Orient à Bahreïn et un autre en France pour desservir l’Europe. Là, on vise une acquisition aux États-Unis pour nous rapprocher de nos clients », expose la PDG.

Tout juste rentrée de l’Inde, Éloïse Harvey a participé la semaine dernière à Deschambault, en présence du ministre du Développement économique, Pierre Fitzgibbon, à l’inauguration d’un nouveau robot électrique qui permettra d’automatiser plusieurs opérations à l’usine d’Alcoa et facilitera la vie des travailleurs qui font fonctionner les fours de métal en fusion.

« On a développé ce véhicule guidé avancé avec l’entreprise Dynamic Concept de Jonquière et on prévoit l’implanter dans d’autres usines ici, en Europe et au Moyen-Orient », anticipe Éloïse Harvey.

Le plan de développement d’EPIQ Machinerie pour les dix prochaines années est simple : l’entreprise souhaite se diversifier en ajoutant un troisième secteur industriel à desservir tout en poursuivant sa forte croissance organique.

On est dans l’aluminium, qui est un secteur d’avenir, et dans les pâtes et papiers, qui se développent bien, et on veut avoir une troisième patte. Ça pourrait être les aciéries, les chaînes de montage ou les usines de recyclage.

Éloïse Harvey, PDG d’EPIQ Machinerie

« Nos systèmes de manutention peuvent s’adapter à plusieurs usines. Chaque équipement est fait sur mesure », précise Éloïse Harvey.

Le groupe souhaite consolider le marché, qui est encore morcelé, et s’imposer comme un acteur d’envergure internationale capable de concurrencer les grands groupes européens.

Très impliquée dans le monde entrepreneurial québécois, la PDG d’EPIQ Machinerie avoue « triper » sur le monde des affaires. Elle siège au conseil d’administration d’Investissement Québec et à celui du Conseil du patronat du Québec.

« Il n’y a pas de raison de laisser les entreprises étrangères dominer le marché dans le secteur de l’équipement lourd. Une entreprise québécoise comme la nôtre qui innove et qui est performante est capable de prendre sa place dans ce monde-là », assure Éloïse Harvey.