Congédié de façon abrupte le mois dernier, l’ex-PDG de Gildan passe à l’attaque pour tenter de protéger sa réputation ternie dans les dernières semaines par le conseil d’administration du fabricant montréalais de vêtements.

Dans une sortie publique où il indique avoir envoyé une mise en demeure au conseil pour qu’il cesse ses « tactiques de perturbation », Glenn Chamandy dit vouloir remettre les pendules à l’heure sur trois principaux points : sa performance à titre de PDG, l’ultimatum que le conseil l’accuse d’avoir lancé en présentant un plan d’acquisitions jugé à haut risque, et un traitement préférentiel qu’il aurait accordé à l’actionnaire Browning West qui mène la campagne pour sa réintégration.

« Je n’ai pas eu d’interactions individuelles inappropriées avec un représentant ou un agent d’un actionnaire de Gildan », dit Glenn Chamandy dans une communication transmise mardi.

Depuis le congédiement survenu le 10 décembre, le conseil d’administration de Gildan a fait plusieurs déclarations pour préciser pourquoi il avait graduellement perdu confiance en Glenn Chamandy.

Les administrateurs ont notamment mentionné que Glenn Chamandy semble avoir traité Browning West différemment des autres actionnaires en accueillant des représentants de Browning West et des investisseurs de ce fonds de couverture américain à l’occasion d’une visite exclusive des installations de fabrication de Gildan au Honduras.

Glenn Chamandy affirme que l’équipe chargée des relations avec les investisseurs chez Gildan avait planifié cette visite depuis longtemps et que cette visite devait initialement avoir lieu en septembre dernier avant d’être reportée en novembre en raison de conflits d’horaire. D’autres membres de la direction et de l’équipe de fabrication de la société ont assisté à cette visite, selon l’ex-PDG.

« L’allégation selon laquelle il n’existe aucune trace dans l’histoire récente d’un autre actionnaire de Gildan ayant été accueilli par le chef de la direction pour une visite exclusive d’une installation de Gildan est tout simplement fausse. Des visites semblables de l’usine au Honduras ont été organisées par l’équipe de relations avec les investisseurs de la société pour d’autres actionnaires, y compris Coliseum Capital, pas plus tard qu’en juin dernier », dit Glenn Chamandy.

Le conseil a affirmé que Glenn Chamandy éprouvait des difficultés à trouver de nouvelles avenues de croissance interne à long terme dans les dernières années et que Gildan présente un taux de croissance annuel des revenus sur huit ans inférieur à 1 %. Au cours de cette période, le conseil mentionne que le montant encouru par les radiations et restructurations dépasse 450 millions de dollars.

Les anciens patrons de Glenn Chamandy prétendent également qu’il n’avait pas de vision pour l’avenir et qu’il a tenté de conserver son poste en disant au conseil d’approuver une stratégie d’acquisitions et le plan de relève qui en découlait à défaut de quoi il quitterait et vendrait ses actions.

Le cofondateur de Gildan dit avoir présenté à la fin octobre, à la demande du conseil, une proposition de planification à long terme et soutient avoir examiné diverses options inorganiques comme chaque année, mais qu’il n’y a jamais eu d’engagement concernant les options inorganiques. « Et il n’y a jamais eu d’ultimatum concernant ces options. »

Glenn Chamandy précise qu’un mois plus tard – à la fin novembre – peu après la publication des plus récents résultats trimestriels de l’entreprise, il a informé le conseil par écrit qu’il était intenable de la part du conseil de continuer d’agir en supposant qu’il était toujours le chef de la direction, alors que la décision concernant la nécessité de mettre fin à ses fonctions avait déjà été prise sans avoir été communiquée alors que Gildan venait tout juste de discuter avec les actionnaires qui étaient dans l’ignorance du plan du conseil.

« J’ai averti le conseil qu’il optait pour une voie menant à la destruction de la valeur et mettant l’entreprise en danger. J’ai exigé des clarifications immédiates, et seule cette démarche aurait pu être interprétée comme un ultimatum », dit le cofondateur de Gildan.

Le conseil soutient que contrairement à ce que l’ex-PDG affirme, la présentation faite par Glenn Chamandy à la fin octobre n’était pas un exercice de stratégie annuel de routine, mais plutôt une proposition de stratégie en bonne et due forme.

En réponse au conseil qui a laissé entendre qu’il était un dirigeant inefficace qui manquait d’engagement, et que cela aurait progressivement érodé la confiance à son égard depuis quatre ans, celui qui a dirigé l’entreprise de 2004 à 2023 affirme qu’aucune de ces allégations n’a été portée à sa connaissance.

« Cette approche contrevient sans contredit aux propres décisions de la société en matière d’information du public et de rémunération », dit Glenn Chamandy en laissant ainsi sous-entendre que si ces allégations étaient vraies, le conseil aurait dû le congédier bien avant le mois dernier.

« Les décisions du conseil relatives à ma rémunération – y compris la réalisation des objectifs – et les informations publiées à ce sujet ne laissent aucunement entendre que l’évaluation de mes performances par le conseil ait été nulle autre qu’excellente tout au long de l’année. Les déclarations faites ou approuvées par le conseil sur mes performances sont seulement remplies de commentaires élogieux. »

Des projets personnels de Glenn Chamandy ont également été mis en avant pour justifier son manque d’engagement. En plus d’affirmer qu’il se présentait rarement au bureau et qu’il n’envoyait plus que quelques courriels professionnels par jour, le conseil soutient qu’il tournait de plus en plus son attention sur l’aménagement d’un club de golf à la Babarde.

Glenn Chamandy prétend que ses projets personnels ont été explicitement communiqués chaque année à l’entreprise et n’ont jamais été remis en question de quelque manière que ce soit par le conseil. Il prétend aussi que son style de gestion n’a pas changé au cours des dernières années. « J’étais profondément engagé sur tous les plans. J’ai encouragé le président du conseil à rencontrer en privé nos vice-présidents pour recueillir leurs commentaires. Dans le cadre de ce processus de rétroaction, le président [du conseil] n’a jamais remis en question le moindre aspect de mon niveau d’engagement. »

Cette sortie de Glenn Chamandy survient alors que des actionnaires institutionnels pressent Gildan de convoquer sans délai une assemblée extraordinaire pour voter sur son retour en poste et la reconstitution du conseil d’administration.

Une dizaine d’actionnaires institutionnels contrôlant environ 35 % des actions de Gildan ont publiquement exprimé leur opposition au congédiement de Glenn Chamandy dans les dernières semaines.