Énergir a reçu le feu vert de la Régie de l’énergie pour imposer le gaz naturel renouvelable (GNR) – et son coût plus élevé – à ses nouveaux clients résidentiels et commerciaux à compter du 1er avril.

« On est très content que la Régie nous ait suivi là-dedans », a commenté la vice-présidente exécutive d’Énergir, Stéphanie Trudeau, lors d’un entretien avec La Presse. « C’est un gros changement. »

« Tout nouveau contrat qu’on va signer avec nos clients résidentiels, commerciaux et institutionnels devra être soit biénergie et GNR, soit 100 % GNR. On n’ajoute plus une molécule de gaz fossile dans le nouveau bâtiment », a précisé Mme Trudeau.

Les clients existants ne sont pas touchés par cette décision, mais les nouveaux clients du distributeur gazier paieront plus cher. Le gaz naturel renouvelable qu’Énergir veut intégrer de plus en plus dans son réseau coûte au moins trois fois plus cher que le gaz fossile.

Énergir ne se berce pas d’illusions, elle n’ira pas chercher beaucoup de nouveaux clients résidentiels avec sa nouvelle proposition.

Pour une maison unifamiliale moyenne chauffée au gaz naturel, la facture annuelle augmenterait de 2109 $ à 3093 $ avec du gaz 100 % renouvelable. La biénergie couplée au GNR ramènerait la facture à 1848 $, ce qui est encore plus cher que tout à l’électricité (1668 $).

Pour un petit commerce de détail, la facture de gaz passerait de 7333 $ en gaz fossile à 9954 $ en GNR. La combinaison biénergie et GNR réduirait le coût à 7396 $, soit un peu moins que l’électricité (7634 $).

Moins de clients et moins de ventes

« On s’attend à brancher moins de clients parce que l’offre 100 % GNR, dans le marché résidentiel, ne sera pas forcément intéressante », convient Stéphanie Trudeau.

Le secteur commercial et industriel, par contre, pourrait y trouver son compte, surtout avec l’option biénergie-GNR, qui ferait baisser sa facture.

La demande d’Énergir d’imposer le GNR à sa nouvelle clientèle ne fait pas que des heureux. La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, entre autres, s’y est opposée en plaidant qu’elle aura « un impact excessif sur les PME qui voudront se raccorder au réseau d’Énergir en leur imposant un surcoût de 50 % ».

La Régie de l’énergie s’est toutefois dite d’avis que le changement demandé par Énergir est dans l’intérêt public, parce qu’il contribuera à l’atteinte des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre du gouvernement québécois.

Énergir s’attend à ce que le nombre de nouveaux branchements dans les secteurs résidentiel, commercial et institutionnel baisse à environ un millier par année, comparativement à plus de 3000 annuellement. Le volume de gaz qui passera par le réseau d’Énergir devrait diminuer de 7,7 millions de mètres cubes par année, selon les documents soumis à la Régie.

La transition énergétique aura donc un coût pour Énergir, mais le distributeur ne s’attend pas à ce que sa rentabilité soit affectée par cet effort de décarbonation de son réseau, une première pour un distributeur gazier en Amérique du Nord, selon l’entreprise.

Hydro-Québec comblera en partie le manque à gagner d’Énergir en lui versant une compensation financière pour les clients qui choisissent la biénergie. Une entente très critiquée notamment parce que la hausse du nombre de consommateurs de gaz naturel au fil des ans est de nature à faire augmenter indéfiniment le versement de cette compensation.

L’entreprise, dont les actionnaires sont la Caisse de dépôt et placement du Québec et le Fonds de solidarité FTQ, projette une expansion de son réseau pour desservir le parc industriel de Bécancour et les entreprises de la filière batterie qui voudront s’y installer.

La clientèle industrielle n’est pas visée par l’obligation d’acheter du gaz naturel renouvelable à un coût plus élevé. Il n’est « pas réaliste » d’imposer cette obligation à la clientèle industrielle pour des raisons de « compétitivité mondiale », estime Énergir.