Les négociations pour le renouvellement de la convention collective des employés syndiqués du Groupe TVA achoppent, et ce, dans un contexte de mises à pied massives. Les craintes d’un lock-out pointent.

Le Syndicat des employé(e)s de TVA, affilié au Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), a quitté lundi la table de négociation avec la partie patronale. Un pas de recul qui n’est en rien un désaveu du processus de négociation, a indiqué en entrevue avec La Presse le conseiller syndical Steve Bargoné.

« On a décidé de se retirer pour faire un pas en arrière, mais on a toujours l’intention de poursuivre les négociations la semaine prochaine », assure-t-il. La prochaine rencontre en présence du conciliateur est prévue le 7 février.

Dans une lettre envoyée à ses membres sur Facebook mardi, le comité de négociation a expliqué qu’« avant même que les discussions ne reprennent, l’employeur a informé le conciliateur qu’il ne possédait aucun mandat afin de sauver des emplois coupés illégalement le 2 novembre dernier ».

Le comité de négociation a estimé qu’il était « hors de question » de demeurer à la table dans ces conditions.

En novembre dernier, Québecor a annoncé la mise à pied de près de 550 employés, créant une onde de choc dans l’industrie médiatique.

Rumeurs de conflit de travail

Un conciliateur pour la signature d’une nouvelle convention collective est impliqué dans le dossier depuis le mois de décembre. Son mandat arrive à terme le 11 février. Si les deux parties n’arrivent pas à une entente, une grève (du côté des employés) ou un lock-out (du côté patronal) pourraient être déclenchés le 4 mars.

Aucune grève n’est prévue du côté syndical, soutient M. Bargoné. « La grève ou le lock-out, ce n’est pas dans nos options, tranche-t-il. La seule option est de tenter d’éviter tout conflit, et de tenter de s’entendre avec l’employeur avant la date fatidique. »

Or, des rumeurs voulant qu’un lock-out soit décrété circulent. Mercredi, l’Alliance québécoise des techniciens et techniciennes de l’image et du son (AQTIS) – syndicat qui représente quelque 7000 pigistes – a publié un communiqué encourageant ses membres à demeurer solidaires des syndiqués de TVA.

« Une rumeur persistante semble indiquer que TVA offrirait des contrats de travail à certain-e-s de nos membres pour pourvoir ses postes en cas de conflit de travail, grève, ou lockout », souligne l’AQTIS. « Nous voulons vous rappeler que nos consœurs et confrères de TVA, comme nous membres de la FTQ, ont droit au respect et à la solidarité. »

Steve Bargoné n’a pas voulu commenter la rumeur. « Ce n’est pas dans nos discussions, et jamais l’employeur n’a évoqué directement en ma présence la possibilité de faire un lock-out le 4 mars », affirme-t-il.

« On reste concentrés sur l’objectif de tenter à tout prix de régler la convention collective et, évidemment, tout ce qui entoure le présent débat sur les coupures. On essaie de trouver un terrain d’entente. »

Des employés inquiets

La décision syndicale de quitter la table de négociation lundi en a toutefois fait réagir plusieurs sur les réseaux sociaux.

Le journaliste Félix Séguin a décrit sur Facebook la décision syndicale comme un « jeu extrêmement dangereux, tant pour ceux qui devront partir, que pour ceux qui devront rester ». « À bref et moyen termes, je crois que cette posture ne fera que des perdants », s’est inquiété l’animateur de J.E.

« Se retirer de la table de conciliation alors qu’il restait encore du temps et que le conciliateur nommé par le fédéral est l’un des plus habiles de sa profession, selon plusieurs, vraiment ? », a aussi lancé le chef d’antenne de la chaîne d’information en continu LCN Paul Larocque.

« TVA n’est pas une entreprise en pleine croissance comme Netflix », a aussi souligné le journaliste sportif Renaud Lavoie. « Si vous continuez à nier la réalité, c’est tous les syndiqués que vous mettez en péril, tant ceux qui partent que ceux qui restent. »

En ligne, d’autres employés syndiqués de TVA ont plutôt fait appel à la solidarité et à la confiance dans le processus de négociation, particulièrement pour ceux mis à pied.

« Je comprends très bien les membres d’être insécurisés face à un potentiel conflit », dit M. Bargoné. « On ne peut pas empêcher ça, mais nous, on reste dans la mission de régler et d’éviter un conflit. »

Négociations sur fond de licenciements

Le 2 novembre, le patron de Québecor Pierre Karl Péladeau avait annoncé le licenciement de 547 employés, soit près du tiers de ses effectifs. Le tout en raison d’une situation jugée « critique » pour l’entreprise médiatique. Elle a notamment décidé de mettre fin à sa production télévisuelle interne en la transférant à l’externe.

Une façon de se faire une « passe sur la palette », avait alors dénoncé le syndicat. « TVA va pouvoir continuer de faire exactement la même chose, mais les travailleurs, plutôt qu’avoir une job syndiquée avec un régime de retraite et des assurances, deviendront pigistes chez des producteurs indépendants liés à TVA », avait estimé M. Bargoné.

Une dizaine de jours plus tard, Pierre Karl Péladeau se soustrayait à une rencontre avec le syndicat en raison de ses accusations publiques, dénonçait-il. C’est dans ce contexte que se sont ouvertes les négociations pour une nouvelle convention collective pour les employés du Groupe TVA, en décembre dernier. Leur dernière convention collective avait pris fin un an plus tôt.

Des précédents

Le lock-out du Journal de Montréal, aussi propriété de Québecor, a fait date, étant le plus long de l’histoire de la presse au Canada. Il a duré 764 jours, du 24 janvier 2009 au 26 février 2011. Pendant cette période, le Journal a continué d’être publié, avec l’aide de cadres, de pigistes et des employés non syndiqués de l’agence QMI.

En ce moment, les employés d’une autre filiale de Québecor, Vidéotron, à Gatineau, sont en lock-out depuis la fin d'octobre.