Mathieu*, 53 ans, et Lucie*, 49 ans, sont mariés et parents de deux adolescents de 15 et 17 ans. Leur train de vie familial est très actif, mais géré de façon raisonnable en fonction de leur revenu, tout en prenant soin d’entretenir un bon bilan d’actifs et libre de dette. Leur prochain grand projet : racheter le chalet des parents âgés de Lucie pour le conserver dans le patrimoine familial, tout en continuant son usage partagé entre la famille immédiate et des locations occasionnelles à des amis et connaissances.

La situation

Cet achat du chalet parental est prévu aux environs de 300 000 $, une somme que Mathieu et Lucie comptent financer par un nouvel emprunt hypothécaire et du comptant extrait de leurs comptes d’épargne libre d’impôt (CELI) ou régimes enregistrés d’épargne-retraite (REER), selon les conseils de l’analyste.

Par ailleurs, ils anticipent que l’achat du chalet parental impliquera l’ajout de quelque 20 000 $ en dépenses (hypothèque, taxes, entretien, etc.) à leur budget familial. Ce budget passerait ainsi de 75 000 $ aux environs de 95 000 $ par année.

« Considérant notre train de vie familial déjà bien rempli, mais encore raisonnable par rapport à nos revenus [environ 165 000 $, auxquels pourraient s’ajouter quelques milliers de dollars en locations occasionnelles du chalet], est-ce que nous avons les moyens de racheter le chalet parental sans trop peser sur notre budget courant et notre planification financière à long terme ? », demandent Lucie et Mathieu au cours d’un entretien avec La Presse.

Aussi, ajoutent-ils, « comment optimiser le financement de cet achat du chalet parental en fonction de [leur] situation financière et fiscale à court et moyen terme ? »

Pour le moment, le bilan financier familial de Lucie et de Mathieu apparaît plutôt favorable. On y compte quelque 628 000 $ en actifs financiers (REER, CELI, régimes enregistrés d’épargne-études – REEE – des ados), auxquels s’ajoute la résidence familiale évaluée à 530 000 $, qui est libre de dettes hypothécaires.

Quant à leur planification financière de la retraite, prévue dans une dizaine d’années, Mathieu et Lucie peuvent déjà compter sur des rentes viagères provenant de régimes de retraite des secteurs publics au fédéral et au provincial.

La situation de Mathieu et de Lucie a été soumise pour analyse-conseil à Alexandre Beaulieu, qui est planificateur financier et conseiller en sécurité financière chez DMA Gestion de patrimoine, situé à Brossard, sur la Rive-Sud.

M. Beaulieu est aussi membre du conseil d’administration de l’Institut québécois de planification financière (IQPF).

Les chiffres

Mathieu, 53 ans

– Rente viagère de retraite hâtive : 58 000 $

Actifs financiers :

– En régime enregistré d’épargne-retraite (REER) : 133 000 $
– En compte d’épargne libre d’impôt (CELI) : 62 000 $
– En compte d’épargne courante : 12 000 $

Lucie, 49 ans :

– Revenu d’emploi : 107 000 $

Actifs financiers :

– En régime enregistré d’épargne-retraite (REER) : 243 000 $
– En compte d’épargne libre d’impôt (CELI) : 90 500 $
– En compte d’épargne courante : 18 000 $
– En régime de retraite du secteur public québécois (RREGOP) : prévu à 40 % du salaire à partir de 62 ans

Actifs au bilan familial :

– Résidence principale : 530 000 $ (libre de dettes)
– En régimes enregistrés d’épargne-études (REEE) : 70 000 $

Revenu familial annualisé : 165 000 $

Débours familiaux annualisés : 75 000 $

(20 000 $ pour la résidence familiale, 48 000 $ pour le style de vie familial, 7000 $ en cotisations aux comptes d’épargne enregistrés)

Les conseils

Avant de considérer les options de financement du projet d’achat du chalet parental par Mathieu et Lucie, Alexandre Beaulieu tient d’abord à les rassurer sur leur situation financière en vue de la retraite.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Alexandre Beaulieu, planificateur financier et conseiller en sécurité financière chez DMA Gestion de patrimoine

« Ils ont l’avantage d’avoir des régimes de retraite à prestations déterminées avec indexation, en plus de leurs actifs d’épargne dans différents comptes enregistrés. À défaut de coûteux imprévus au fil des prochaines années, Mathieu et Lucie sont en excellente situation financière pour le maintien de leur train de vie courant jusqu’à leur décès, constate M. Beaulieu.

« Et ce, même en cas d’une retraite devancée à 62 ans pour Lucie, comme le lui permettrait son régime de retraite. »

Cela dit, en ce qui concerne les options de financement de l’achat du chalet parental, Alexandre Beaulieu en suggère deux en particulier :

– un financement traditionnel avec emprunt hypothécaire en utilisant les liquidités accessibles (dans les comptes d’épargne courante et les comptes CELI) pour la mise de fonds ;

– un financement par une marge de crédit hypothécaire qui est liée à la valeur nette de leur résidence principale déjà libre de dettes.

« Chaque option comporte ses avantages et ses inconvénients en matière de planification financière. Mais avec chaque option, Mathieu et Lucie auront avantage à maximiser le remboursement de cette dette en fonction de leur capacité budgétaire au fil des ans », signale M. Beaulieu.

Hypothèque traditionnelle

Ainsi, avec l’option d’un emprunt hypothécaire traditionnel, soit une somme de 240 000 $ au taux fixe de 5,6 % sur un terme de cinq ans, Alexandre Beaulieu suggère à Mathieu et à Lucie de constituer leur mise de fonds (à 20 % ou 60 000 $) en puisant de façon égale (30 000 $ chacun) dans leurs comptes d’épargne courante et leurs comptes CELI (épargne enregistrée libre d’impôt).

À ces conditions, il estime à 17 800 $ par année les débours de financement du chalet (intérêt et capital) que Mathieu et Lucie devraient ajouter dans leur budget familial, en plus des divers coûts de propriété et d’usage du chalet (taxes foncières, énergie, entretien, assurance, etc.) qu’il estime aux environs de 9000 $ par année.

Au total, c’est au moins 27 000 $ en débours additionnels que Mathieu et Lucie devront intégrer à leur budget familial durant les cinq à dix premières années de leur propriété du chalet familial.

Marge de crédit hypothécaire

Quant à la deuxième option de financement de l’achat du chalet, c’est-à-dire par une marge de crédit hypothécaire liée à la valeur nette de leur résidence familiale, Alexandre Beaulieu souligne deux éléments à considérer par Mathieu et Lucie.

D’abord, parce que « les institutions financières accordent normalement un maximum de 65 % de la valeur de la propriété en marge de crédit hypothécaire », Mathieu et Lucie pourraient l’utiliser jusqu’à hauteur de 340 000 $.

« Ils auraient tout l’espace financier nécessaire pour l’achat du chalet », constate Alexandre Beaulieu. Cependant, « comme le taux d’intérêt [sur marge de crédit hypothécaire] est supérieur à celui d’un emprunt hypothécaire conventionnel, il leur serait d’autant plus pertinent de réduire la somme empruntée en utilisant le maximum de liquidités accessibles dans leurs comptes d’épargne et leurs comptes CELI pour augmenter la mise de fonds ».

Avantages et précautions

Quel avantage à procéder ainsi ?

« Puisqu’il s’agit d’une marge de crédit hypothécaire, Mathieu et Lucie auront la flexibilité d’effectuer des remboursements de capital – en plus des paiements d’intérêt de base – à des montants et à des moments différents selon l’évolution de leur budget familial au fil des ans, explique Alexandre Beaulieu, avant d’ajouter quelques précautions d’usage concernant les marges de crédit.

D’abord, « afin de conserver le même amortissement sur 25 ans comme pour un prêt hypothécaire conventionnel, Mathieu et Lucie devraient budgéter des paiements sur la marge de crédit (intérêt + capital) d’au moins 2100 $ par mois ».

Ensuite, avertit M. Beaulieu, ils doivent considérer qu’une marge de crédit hypothécaire est « beaucoup plus risquée » qu’un emprunt hypothécaire traditionnel puisqu’il s’agit d’un levier de financement basé sur la valeur de leur résidence principale, et qu’il pourrait devenir lourd de conséquences en cas de détérioration marquée du contexte économique et du marché immobilier.

Enfin, pour faciliter l’optimisation fiscale de leurs éventuels revenus de location du chalet, Alexandre Beaulieu conseille à Mathieu et à Lucie d’utiliser la marge de crédit seulement pour financer l’achat du chalet, plutôt que de financer d’autres dépenses de train de vie.

Pourquoi cette précaution ?

C’est afin de bien identifier les intérêts payés sur la marge de crédit pour l’achat du chalet, et donc déductibles des revenus de location du chalet avant leur inclusion dans leur revenu imposable personnel en tant que propriétaires d’une résidence secondaire à revenus.

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, les prénoms utilisés sont fictifs.

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