Avec des prix qui ne cessent de grimper et des taux d’intérêt plus élevés, il peut être plus difficile de changer de véhicule. Pourquoi ne pas prolonger la vie de celui que vous avez ? Il suffit d’un peu de planification pour éviter les mauvaises surprises budgétaires.

Payez tout de suite, économisez ensuite

Quand la suspension de son Mazda CX-5 2014 a rendu l’âme au printemps dernier, Geneviève Boucher n’a pas hésité à débourser 2000 $ pour régler le problème. Avec les prix actuels dans les marchés du neuf et d’occasion, il n’était pas question de partir à la recherche d’un véhicule neuf.

« Dans la catégorie que l’on voudrait, on parle d’au moins 40 000 $, raconte-t-elle, en entrevue. C’est dispendieux. Pourquoi changer quand notre véhicule fait encore le travail ? Nous avions prévu cette dépense [la réparation] et nous n’avons pas de paiements mensuels. »

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Geneviève Boucher avec son Mazda CX5

Mme Boucher n’est pas la seule à penser de la sorte. Autant au Canada qu’aux États-Unis, l’âge moyen du parc automobile est en hausse, particulièrement depuis le début de la pandémie. Selon les données de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ), l’âge moyen de 7,5 ans en 2020 avait atteint 8,1 ans l’an dernier.

Plusieurs facteurs expliquent cette progression. La pandémie de COVID-19 a perturbé les cadences des constructeurs automobiles, provoquant une pénurie de véhicules neufs et une hausse de la demande dans le marché d’occasion – une situation qui n’est pas encore tout à fait rentrée dans l’ordre. À cela s’ajoute la montée des taux d’intérêt, ce qui incite un nombre grandissant d’automobilistes à prolonger la durée de vie de leur bagnole plutôt que de la changer.

Philippe Lévesque en est venu à cette conclusion. Après avoir évalué ses options, il a décidé de délier les cordons de la bourse pour offrir une cure de rajeunissement à sa Subaru Impreza 2011, dont l’odomètre affiche environ 140 000 km. Courroie de distribution, nouvelles bougies, soudure de la ligne d’échappement, capteur de pression d’huile... La facture a frôlé les 3000 $, mais à moyen terme, les problèmes semblent réglés.

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Philippe Lévesque a choisi de régler les problèmes de sa Subaru 2011 plutôt que de la changer.

Avec notre pouvoir d’achat qui s’amenuise, étirer la durée de vie de quelque chose vaut la peine. J’ai évalué mes options et c’était trop intense, surtout avec les taux d’intérêt actuels. J’aimais mieux payer d’un seul coup et tourner la page pour un moment plutôt que de m’enraciner dans des paiements mensuels.

Philippe Lévesque

Forte hausse

Selon l’indice des prix d’AutoHebdo, le prix moyen d’un véhicule atteignait 64 215 $ en juin dernier, ce qui constitue une hausse de 27,3 % par rapport à la même période il y a un an. Chez les concessionnaires, les modèles d’entrée de gamme sont parfois moins disponibles que les versions plus coûteuses avec plus d’options, ce qui pousse les prix à la hausse. Cette statistique tient également compte des ventes de véhicules luxueux et camionnettes, dont les prix moyens sont plus élevés.

Dans le créneau des voitures d’occasion, l’augmentation est moins prononcée, mais il fallait néanmoins débourser en moyenne 37 365 $ (+ 5,3 %), selon les données d’AutoHebdo.

« Dans les deux cas, je trouve que ce n’est pas abordable, dit Philippe Lévesque, propriétaire d’une Subaru Impreza 2011. Les réparations ont coûté cher, mais je n’ai pas de paiements mensuels. Je n’avais pas envie de m’embarquer là-dedans. »

Un autre élément explique la montée des prix moyens. Avec les années, la voiture bas de gamme est pratiquement disparue des salles d’exposition. Il ne restait que trois modèles dans le segment prisé pour son abordabilité : la Kia Rio, la Mitsubishi Mirage et la Nissan Versa.

Il en restera bientôt deux puisque la production de la Rio cessera. La version 2023 de cette voiture se détaille 19 909 $. Dans la gamme de prix, on retrouve ensuite le multisegment sous-compact Seltos à 27 809 $. Il y a donc un écart de plusieurs milliers de dollars entre les deux catégories de produit.

« On voit moins de voitures abordables offertes, dit Patrick Saint-Pierre, directeur des ventes au Groupe Monaco, distributeur de pièces automobiles. Des Fit (Honda), Yaris (Toyota) et Micra (Nissan), on n’en vend plus. Pour limiter sa dépense, le consommateur a donc deux options : entretenir son véhicule ou se tourner vers le marché de l’occasion. »

M. Saint-Pierre affirme que les affaires vont bien dans le créneau de la réparation. Le gestionnaire de l’entreprise qui a vu le jour en 1960 affirme que « 2022 a été une excellente année pour l’industrie ».

Durable ?

La tendance pourrait toutefois s’essouffler puisque les stocks chez les concessionnaires se rapprochent des niveaux prépandémiques, affirme Jean-François Champagne, président de l’Association des industries de l’automobile du Canada. Des consommateurs pourraient aussi être tentés par un changement si les taux d’intérêt cessent de grimper.

Historiquement, dès qu’il y a des pressions inflationnistes, on retarde l’achat d’un véhicule. Est-ce que cette tendance va se poursuivre à long terme ? Si ce n’est pas le cas, on va peut-être voir un essoufflement du côté de la durée de vie moyenne des véhicules.

Jean-François Champagne, président de l’Association des industries de l’automobile du Canada

Outre les questions d’argent, il peut aussi y avoir une autre raison qui pousse les automobilistes à payer pour des réparations : l’attente pour les véhicules électriques. Certains n’ont pas envie de se tourner vers une voiture de transition pendant qu’ils attendent un modèle électrique. Ils étirent donc la vie de leur véhicule.

Mme Boucher y pense.

« L’idéal, ça serait d’acheter un modèle électrique dans le même format [que notre CX-5] à l’avenir, raconte-t-elle. Mais les options ne sont pas encore nombreuses. On veut prendre le temps de magasiner. J’ai des amis qui ont attendu un an avant de recevoir leur voiture électrique. Il faut le prévoir. »

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Entretenir adéquatement son véhicule permet des économies à long terme.

Prolonger la vie de son automobile

Combien ça coûte, donner de l’amour à son véhicule ?

On peut économiser en prolongeant la vie de son véhicule, mais il faut lui donner un peu d’amour lorsqu’il en a besoin. Mieux vaut se constituer une réserve pour éviter les mauvaises surprises lorsqu’il faut rendre visite à son garagiste.

La planification est essentielle, affirme Geneviève Boucher. C’est ce qui a permis à sa famille de conserver son CX-5 dans un bon état une fois la garantie terminée.

« Il faut l’entretenir dès le départ, dit-elle. Il faut y mettre un peu de cœur. Si tu négliges ton véhicule, ça se pourrait qu’il soit une poubelle dans 10 ans. »

Calcul du CAA

Mais combien faut-il prévoir dans son budget afin d’entretenir adéquatement son véhicule ? Un outil en ligne développé par CAA visant à calculer les coûts d’utilisation d’une automobile permet d’avoir une idée. En entrant des informations comme l’année, le modèle, le kilométrage et la distance parcourue annuellement, il est possible d’avoir une idée des coûts d’entretien « pour garder le véhicule en bon état de fonctionnement ».

Consultez L’outil de CAA

L’association à but non lucratif explique que les calculs de l’outil tiennent compte du « calendrier d’entretien, mais aussi des imprévus », comme une crevaison ou une batterie à plat.

Dans le cas d’un Mazda CX-5 2014 (le véhicule de Geneviève Boucher), les coûts d’entretien annuels sont estimés à près de 1900 $. Cela n’inclut pas le coût des assurances, le permis de conduire et les frais d’immatriculation. Pour un Ford F-150 2017, la facture annuelle d’entretien passe à près de 2400 $.

« Pour nous, tout était payé avec un budget prévu, raconte Mme Boucher. Avec les années, les pièces coûtent de plus en plus cher. »

L’électronique coûte cher

Au Groupe Monaco, Patrick Saint-Pierre abonde dans le même sens. Dans les ateliers, la facture moyenne augmente également. Avec les années, les véhicules se sont complexifiés, avec l’ajout de modules électroniques qui sont plus dispendieux à réparer ou remplacer.

« L’âge entre toujours en ligne de compte », affirme-t-il.

De façon générale, les véhicules durent plus longtemps, mais quand ils sont équipés d’éléments comme un système de traction intégrale, cela coûte plus cher à réparer.

Patrick Saint-Pierre, directeur des ventes au Groupe Monaco

Selon les données compilées par l’Association des industries de l’automobile du Canada, les propriétaires d’automobile dépensaient en moyenne 818 $ par année en 2016 pour effectuer des réparations ainsi que de l’entretien. Cette moyenne a grimpé de 12 % pour atteindre près de 915 $ en 2021.

Le regroupement ne disposait pas de données plus récentes, mais avec une augmentation de l’âge moyen des véhicules sur les routes, tout indique que cette progression s’est poursuivie.

En savoir plus
  • 1,5 million
    Nombre de véhicules vendus au Canada en 2022
    Source : Banque Scotia
    8,5 %
    Croissance des ventes d’automobiles anticipée cette année
    Source : Banque Scotia