Quand on est un entrepreneur sans fonds de retraite, comment fait-on pour s’organiser une retraite digne de ce nom ?

La situation

Dave* et Isabelle* ont des parcours de carrière si différents qu’ils craignent de ne pas arriver au fil d’arrivée de la retraite en même temps.

« J’aimerais soumettre à votre équipe l’épopée financière de notre famille ! », nous écrit Isabelle.

Alors que cette mère de famille de 43 ans a un emploi depuis des lustres avec un régime de retraite à prestations déterminées, Dave, 50 ans, n’a pas vogué sur un long fleuve tranquille.

Après avoir été consultant en technologie de l’information à son compte, il a décidé de devenir entrepreneur en créant sa propre entreprise avec deux partenaires d’affaires. L’entreprise a progressé jusqu’à une dizaine d’employés et a récolté un bon chiffre d’affaires.

« Arriva ce qui devait arriver, relate Isabelle, après plusieurs excellentes années, la mauvaise planification financière ainsi que plusieurs différends entre actionnaires ont forcé la fermeture et la faillite de l’entreprise. »

La famille s’est appuyée sur un seul salaire, celui d’Isabelle. « Mon conjoint n’a pas été en mesure de contribuer à sa retraite pendant plusieurs années. »

Dave a fini par retrouver des contrats. Il a poursuivi sa carrière de consultant en technologie de l’information, puis a été salarié quelque temps avant de perdre son emploi et de redevenir à son compte avec une entreprise incorporée.

Le couple contribue depuis trois ans au régime enregistré d’épargne-études (REEE) de son enfant de 13 ans. Pour ce qui est de l’hypothèque, elle devrait être remboursée dans 11 ans.

« J’ai la chance d’avoir un emploi avec un régime de retraite à prestations déterminées et j’ai aussi des économies dans mes REER et CELI. Je me demande s’il est nécessaire de continuer à contribuer à mon REER et à mon CELI compte tenu du régime de pension avantageux », se questionne Isabelle, qui veut prendre sa retraite à 60 ans.

Dave a moins d’économies que sa conjointe, mais a une somme intéressante qui dort dans le compte de son entreprise de consultation.

« Il a pu accumuler une bonne somme d’argent, mais ne sait pas comment l’investir, explique Isabelle, ce qui est un beau problème. Il aimerait prendre sa retraite à 60 ans. »

Le couple a besoin d’un plan précis. De quelle façon Dave pourrait-il accumuler les sommes supplémentaires nécessaires pour sa retraite ?

Les chiffres

Dave, 50 ans

  • Salaire : 150 000 $
  • Fonds de retraite : aucun
  • RRQ : 1232 $ à 65 ans
  • REER : 192 800 $
  • CELI : aucun
  • Entreprise incorporée : 358 000 $

Isabelle, 43 ans

  • Salaire : 115 000 $ + 12 % (boni cible)
  • Fonds de retraite à prestations déterminées : 36 750 $/an à 60 ans
  • RRQ : 1506 $ à 65 ans
  • REER : 167 257 $
  • CELI : 4583 $
  • REEE : 18 321 $

Bilan familial

  • Prêt hypothécaire : 256 600 $
  • Coût de vie : 140 000 $

L’analyse

Chantal Matos, planificatrice financière et conseillère financière principale chez Gestion financière MD, s’est penchée sur le cas d’Isabelle et de Dave.

Tout d’abord, la planificatrice incite le couple à continuer les versements dans le REEE. Comme l’enfant est âgé de 13 ans, il reste quatre ans pour rattraper les années non cotisées. Les règles permettent de mettre jusqu’à un maximum de 5000 $ par année, ce qui correspond à deux années de cotisations maximales.

Isabelle et Dave peuvent mettre 5000 $ par année jusqu’aux 17 ans de l’enfant afin d’obtenir le maximum de subventions des deux gouvernements.

Le couple estime son coût de vie annuel à 140 000 $. Lorsqu’il aura terminé de rembourser l’hypothèque, dans 11 ans, ce coût de vie baissera à environ 100 000 $, calcule Chantal Matos.

Prendre ou non des REER et des CELI

Isabelle hésite au sujet de ses contributions à un REER et à un CELI étant donné le généreux régime de retraite de son employeur. Doit-elle continuer ? La planificatrice financière est catégorique.

« Oui, car son régime de pension lui permettra d’obtenir un revenu annuel de 36 750 $, ce qui n’est pas suffisant pour le coût de vie qu’elle souhaite, soutient Chantal Matos. Si elle travaille jusqu’à 65 ans, son régime de pension sera plus intéressant. Elle pourrait recevoir une somme de 70 000 $ par année.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Chantal Matos, planificatrice financière et conseillère financière principale chez Gestion financière MD

Je lui suggère de prendre son boni annuel de 13 800 $ et d’y ajouter 1800 $ pour obtenir une cotisation de 20 000 $ par année. De cette façon, elle pourra récupérer ses droits de REER inutilisés de 51 800 $. D’autres droits de cotisation s’ajouteront chaque année.

Chantal Matos, planificatrice financière et conseillère financière principale chez Gestion financière MD

Isabelle recevra sa rente à partir de 60 ans et pourra combler le manque avec son CELI. À 65 ans, elle aura la rente du Régime de rentes du Québec (RRQ) et la pension de la Sécurité de la vieillesse (SV). Les REER convertis en FERR suivront à partir de 71 ans.

Créer son propre fonds de retraite

Du côté de Dave, son comptable lui a conseillé de se verser un revenu d’entreprise en dividendes à hauteur de 150 000 $ par année. La planificatrice financière n’est pas du même avis.

« Je lui conseille de voir avec son comptable de quelle façon il peut se verser un revenu, car il n’a pas de fonds de pension, explique Chantal Matos.

« Je lui conseille même de se verser le maximum des gains admissibles en salaire chaque année, soit 66 600 $ en 2023, pour cotiser le maximum au RRQ. »

En se versant un salaire, il pourra aussi obtenir des droits de cotisation REER correspondant à 18 % de ce salaire. Les 83 000 $ restants pourront ensuite lui être versés en dividendes.

Dave voulait savoir comment faire pour se créer son propre fonds de retraite.

Dans un premier temps, Chantal Matos lui recommande de cotiser au maximum à son REER. D’où l’importance de se verser un salaire de son entreprise afin d’avoir des droits de cotisation.

« Je lui recommande de cotiser 40 000 $ par année pour récupérer ses droits de cotisation non utilisés de 214 000 $. Des droits de cotisation se rajouteront chaque année. »

Son entreprise génère un chiffre d’affaires annuel de 250 000 $ et Dave prévoit retirer 150 000 $ en revenus chaque année. Après impôt payé, Chantal Matos calcule qu’il pourrait investir de 20 000 $ à 30 000 $ dans le portefeuille de placement de l’entreprise.

Elle lui propose de rencontrer un conseiller en placement. Les 358 000 $ accumulés qui dorment dans son compte d’entreprise pourront alors fructifier.

Selon sa tolérance au risque, il pourrait facilement investir dans un portefeuille équilibré étant donné qu’il n’a pas besoin de retirer de l’argent de ce fonds avant sa retraite, qui sera dans neuf ans.

Chantal Matos, planificatrice financière et conseillère financière principale chez Gestion financière MD

À sa retraite, à 60 ans, Dave se versera des dividendes. La planificatrice calcule qu’il pourra se verser 70 000 $ par année jusqu’à ses 70 ans. Le compte de l’entreprise sera alors vide. Par la suite, Dave pourra compter sur ses REER convertis en FERR.

Pour ce qui est de la rente du Québec et de la pension du Canada, elle lui conseille de les reporter à 70 ans afin d’obtenir le montant maximal.

Si la famille respecte le coût de vie de 100 000 $, l’épargne annuelle de 40 000 $ pour Dave, de 20 000 $ pour Isabelle en plus des 5000 $ dans le REEE, chaque personne pourra espérer prendre sa retraite à 60 ans.