Dans L’argent et le bonheur, notre journaliste Nicolas Bérubé offre chaque dimanche ses réflexions sur l’enrichissement. Ses textes sont envoyés en infolettre le lendemain.

Pour célébrer Noël, allons-y avec un courrier de l’amygdale. C’est sympathique, apaisant la plupart du temps, et ça donne l’impression de discuter tranquillement au coin du feu.

Débutons avec Guylaine, qui écrit : « Je suis toujours estomaquée de voir les longues files d’attente aux différents services à l’auto pour un café dans les Tim Hortons ou McDonald’s de ce monde, et ce, à toute heure du jour. Ces nouvelles habitudes de vie me paraissent aberrantes tant sur le plan budgétaire que de la santé. Pourquoi pas un petit café à la maison et une bonne bouteille d’eau de la maison pour la route ? L’autre jour, j’ai vu de jeunes parents entrer chez Costco avec chacun un immense verre de café. Il ne me serait jamais venu à l’idée d’aller me chercher un grand verre de café avant d’aller chez Costco ! »

Je remarque les mêmes choses que vous, et ça me surprend autant que vous. J’ai l’impression que ça vient en partie du mimétisme (ce que font les autres devient accepté et définit en retour ce qui est « normal » à nos yeux). Cela vient aussi d’un malentendu. Bien des gens pensent qu’une dépense de 20 $ ou moins est insignifiante, n’a rien à voir avec notre enrichissement et ne mérite pas notre attention. Pourtant, deux personnes qui dépensent chacune 20 $ par jour laissent filer 211 000 $ de richesse potentielle par décennie, comme le montre la règle de 752.

Lisez la rubrique du 5 novembre : « S’enrichir avec la règle de 752 »

Peut-être qu’elles sont au courant, et qu’elles acceptent ce niveau de dépenses. Mais peut-être que non.

Tant qu’on ne réalise pas que nos dollars peuvent travailler beaucoup plus fort que nous, il n’en coûte rien de les remettre à un restaurateur pour un café ou autre chose, selon nos envies du moment. On se dit qu’on n’est pas PDG, juge ou médecin, qu’on ne sera jamais riche de toute façon, alors à quoi bon ?

Ce qui nous amène à Réal, qui n’est pas impressionné par ce qu’il lit ici. Il écrit : « Certains de vos conseils sont justifiables, mais… vous ne semblez pas accorder de place à la qualité de vie des gens. Souvenez-vous que les coffres-forts ne suivent pas les corbillards… Alors peut-on profiter un peu de la vie sans se faire culpabiliser ? À chacun ses choix. Vous êtes parfois désolant ! »

En lançant cette rubrique il y a un peu plus d’un an, je m’attendais à recevoir beaucoup de courriels comme celui-là, mais finalement non, c’est rare. Le point que vous soulevez est toutefois valide : se priver pour épargner et pour mourir riche est sans doute l’une des pires façons de mener sa vie.

Personnellement, ma vie déborde de luxes : excellent logement, amis fiables, voyages intercontinentaux, plus de paires de souliers que de paires de pieds, une demi-douzaine de sacs gonflables prêts à me sauver la vie quand je file sur l’autoroute à bord d’une caisse de métal de 1200 kg pour aller en ski.

Ma famille et moi avons collectivement vécu près de 33 000 repas au cours de la dernière décennie et, contrairement à des millions de familles, nous avons mangé à notre faim dans 100 % d’entre eux.

Notre monde excelle à combler nos besoins. Il excelle encore davantage à nous en créer de nouveaux.

Profiter de la vie peut vouloir dire dépenser toute sa paye en plus de s’endetter pour les 2920 prochaines journées pour se déplacer au volant d’un VUS neuf. Ça peut aussi vouloir dire travailler, avoir du plaisir, rire, voyager et ne plus avoir besoin des banques avant même d’avoir trouvé son premier cheveu gris.

À chacun ses choix, comme vous dites.

Poursuivons avec Sylvie, qui est intriguée lorsqu’elle se connecte à son compte d’investissement.

« Sur ma plateforme de courtage à escompte, on me donne une analyse des prévisions de croissance pour chaque action, écrit-elle. À court, moyen et long terme. Le problème c’est que la prévision à long terme, par exemple une hausse, peut devenir une baisse trois jours plus tard… Tu parles d’un long terme ! De plus, des actions notées très surévaluées continuent de monter, alors que des actions sous-évaluées poursuivent leur baisse… C’est à n’y rien comprendre ! Avez-vous des explications logiques à tout cela ? »

Bravo, Sylvie. Vous vivez ce que j’appelle avec beaucoup de bienveillance le passage à l’âge adulte de l’investisseur.

Lorsqu’on s’y intéresse de loin, les prévisions de croissance des analystes au sujet de différentes entreprises ou secteurs semblent logiques. Mais lorsqu’on les regarde de plus près, on réalise que ces prévisions ont globalement une fiche de route atroce. Je n’ai qu’à écrire les mots « Lion Électrique » et « Lightspeed » pour faire prévaloir mon point de vue.

C’est pour cette raison qu’acheter le marché au complet, comme je l’ai récemment expliqué, est généralement une meilleure idée pour 99 % des investisseurs que de tenter de choisir des actions à la pièce.

Lisez la rubrique du 16 avril : « Comment investir en Bourse quand on n’y connaît rien »

Je me suis toujours demandé si les analystes qui font des recommandations d’achat ou de vente les mettaient en application dans leur portefeuille personnel. Une partie de moi trouve que ce serait une bonne idée, un peu comme un chef qui mange les plats qu’il cuisine. Mais une autre partie craint le résultat que cela aurait sur la capacité de leurs placements à croître. Ou à exister.

Finalement, une lectrice écrit : « Les FNB diversifiés que vous recommandez me semblent “pépères”. Pourquoi n’avez-vous pas choisi un FNB indiciel S&P 500, dont le rendement moyen me paraît nettement plus intéressant ? »

PHOTO JIN LEE, ARCHIVES BLOOMBERG

Ce n’est que depuis le krach de 2008-2009 que les actions américaines ont véritablement décollé. La décennie 2000-2010 avait été mauvaise pour le S&P 500, et les actions américaines avaient cessé de fasciner.

Beaucoup de lecteurs posent cette question. La raison pour laquelle le S&P 500, l’indice qui représente les 500 plus grandes entreprises cotées en Bourse aux États-Unis, capte notre attention est qu’il a bien performé récemment. Dix mille dollars investis il y a dix ans dans les actions canadiennes en valent 19 000 $ aujourd’hui, contre 29 000 $ s’ils avaient été investis dans le S&P 500.

Or, dix ans, c’est court en investissement. À long terme, les marchés boursiers canadiens et américains ont eu des rendements comparables, autour de 9 % par année en moyenne. Ce n’est que depuis le krach de 2008-2009 que les actions américaines ont véritablement décollé. Très peu d’investisseurs avaient vu cela venir : la décennie 2000-2010 avait été mauvaise pour le S&P 500, et les actions américaines avaient cessé de fasciner.

En investissement, c’est tentant de croire que ce qui a bien fait récemment va toujours bien faire et que ce qui est impopulaire va toujours rester impopulaire. La meilleure façon de ne pas tomber sous l’emprise de cette idée est d’avoir un portefeuille diversifié qui comprend des actions canadiennes, américaines et internationales, de même que des obligations.

Un tel portefeuille va toujours faire moins bien qu’un indice ou l’autre. Mais, globalement, il nous donne l’occasion de saisir la croissance, d’où qu’elle provienne.

Sur ce, je vous souhaite un joyeux Noël et je vous remercie d’être si nombreux à me lire chaque semaine !