L’innovation

Une structure portable de 3,5 kg attachée au dos qui diminue l’effort musculaire. Cet « exosquelette » destiné aux travailleurs de la construction emmagasine avec des ressorts à air comprimé l’énergie mécanique quand on se penche, et la redistribue lorsqu’on se relève, réduisant d’au moins 30 % l’effort du dos pour un poids pouvant aller jusqu’à 27 kg.

Qui ?

À partir de 2013, quatre étudiants en génie mécanique à Polytechnique Montréal – Samuel Lecours, Laurent Blanchet, Guillaume Gaudet et Mathieu Ramananarivo – mettent au point divers prototypes d’exosquelettes. « On travaillait sur des prothèses de main, des exosquelettes pour la marche, pour les épaules, chacun avait un peu ses propres projets, raconte Laurent Blanchet. Mais en arrière-plan de tout ça, on avait un peu une idée entrepreneuriale aussi. »

Biolift est finalement fondée en mars 2019 avec un objectif plus précis : mettre sur le marché un exosquelette pour préserver le dos des travailleurs appelés à lever de lourdes charges, notamment sur les chantiers de construction.

Mon père est entrepreneur général : quand j’étais plus jeune, j’ai été journalier sur des chantiers, j’en ai balayé de la poussière. J’ai côtoyé plein de travailleurs qui avaient les épaules détruites, le dos démanché. Tout le monde en construction dit à un moment ou un autre : j’ai mal quelque part.

Laurent Blanchet, PDG de Biolift

Notamment grâce aux contacts paternels, les fondateurs de Biolift rencontrent des responsables d’Eurovia Québec, une filiale du groupe français Vinci, un des principaux acteurs mondiaux de la construction.

« Ils avaient des problèmes majeurs chez leurs équipes de bordures et trottoirs, des blessures au dos, aux poignets, aux épaules, explique le PDG. C’est à ce moment-là qu’on a proposé le projet de développer l’exosquelette. Ils nous ont aidés de loin. Ça nous a permis d’avoir un premier client, c’est si important. »

Le premier exosquelette a été vendu en 2021. Biolift compte aujourd’hui une vingtaine de clients, essentiellement au Québec, et emploie dix personnes. Trois des quatre fondateurs font toujours partie de l’équipe, seul Guillaume Gaudet est parti en juin 2022.

Le produit

Le cœur de la structure de l’exosquelette conçu par Biolift est en aluminium, un matériau léger qui a la solidité et la souplesse pour supporter les poids à porter et la force musculaire humaine. Tout est assemblé par Biolift à partir de composantes produites « à 90 % par des sous-traitants au Québec », précise M. Blanchet.

Pas de moteurs ou de pièces électroniques, ce sont des ressorts qui emmagasinent l’effort musculaire et le redistribuent « de façon intelligente pour certaines tâches ». « Rien ne se perd, rien ne se crée : on prend l’énergie du corps humain et on la déplace. »

Le résultat, c’est que cet exosquelette peut lever des poids jusqu’à 27 kg en réduisant de façon considérable l’effort du travailleur – au moins de 30 %, selon des tests préliminaires. Biolift s’occupe des ajustements et de la formation, minime, pour utiliser l’exosquelette.

On réduit l’effort, on prévient le risque, mais on n’est pas en mode Iron Man. Et ça marche. On a des gens qui ne travailleraient plus sans exosquelette. Ils arrivent à la maison, ils n’ont plus mal au dos, on a des succès qui changent des vies.

Laurent Blanchet, PDG de Biolift

L’exosquelette est vendu aux entreprises, pas à des particuliers, à un coût allant de 3000 $ à 5000 $ l’unité.

Les défis

Trouver les bons éléments, durables tout en étant souples, a été un bon défi de conception. « Si je pèse 80 kg, juste par le poids de mon torse, je peux créer des tensions de 40 kg. On avait testé des pièces d’acier d’un demi-pouce qui ont fini par tordre. On a fini, avec l’aluminium, par trouver la bonne façon de le placer dans les bons axes. »

Proposer une nouveauté dans l’industrie de la construction, « un endroit où le changement n’est pas évident », est un défi. Il a fallu déterminer le marché, « cibler les bonnes entreprises, les bons métiers, trouver le bon marché où on a le plus d’impact. Les premières années, ç’a été beaucoup d’exploration ». Outre les chantiers, on a trouvé une niche dans le paysagement, notamment pour la pose de pavé uni.

L’avenir

Après le Québec – et quelques présences à Ottawa –, Biolift souhaite s’attaquer à tout le marché nord-américain dès l’an prochain. « On est inscrits à toutes les foires commerciales, tous les congrès qui s’en viennent, on va aller montrer ça à tout le monde », annonce le PDG.

Pour le moment, ce sont les partenariats avec les entreprises qui sont le modèle d’affaires de Biolift. Ils ne sont pas fermés, « à plus long terme », à offrir l’exosquelette aux consommateurs.