Les termes de 25 ans à taux fixe étaient encore la norme au Canada au milieu des années 1960. On pouvait obtenir à l’époque un taux de 7 % fixé pour 25 ans – une incroyable aubaine, vu rétrospectivement depuis 1981, alors que le taux fixe pour cinq ans avoisinait 20 %.

On n’en voit plus. Les prêts hypothécaires à plus long terme ont été éliminés graduellement à la fin des années 1960 en raison de la volatilité des taux et de l’asymétrie des échéances.

« D’entrée de jeu, c’est plus dur à gérer », avance David-Alexandre Brassard, économiste en chef chez Comptables professionnels agréés du Canada (CPA). « Les banques doivent se garder une plus grande marge de manœuvre qui se traduit ultimement par un taux d’intérêt plus élevé pour le consommateur. Je ne suis pas convaincu que les clients valoriseraient suffisamment la tranquillité d’esprit pour payer un taux d’intérêt plus élevé pendant une longue période. Cela explique peut-être pourquoi cette offre s’est peu développée. »

C’est également une question de concurrence.

Solide !

Le système bancaire canadien s’appuie sur un nombre restreint de solides institutions.

« Ce sont des banques qui ont des clientèles extrêmement diversifiées », constate François Des Rosiers, professeur titulaire de la faculté des sciences de l’administration de l’Université Laval et expert en économie urbaine et immobilière.

Le risque de défaut est donc très faible, contrairement aux banques américaines qui se comptent par milliers.

François Des Rosiers, professeur titulaire de la faculté des sciences de l’administration de l’Université Laval

Stables, mais conservatrices.

« Les banques au Canada suivent des pratiques de prêt prudentes et répondent à des normes élevées de gestion du risque », a fait valoir par courriel la porte-parole de l’Association des banquiers canadiens (ABC), Maggie Cheung.

Les prêts à très long terme ne sont ni populaires ni promus parce qu’un financement sur une longue période coûte plus cher. La longueur du terme et les taux plus élevés entraînent de plus grands risques de remboursement anticipés, donc une néfaste incertitude. Du point de vue des banques, du moins.

0,16 %

Proportion des prêts hypothécaires des banques canadiennes en souffrance (trois mois sans paiement) en date du 30 septembre 2023 (plus récentes données disponibles)

Source : Association des banquiers canadiens

Sans recours

« Au Canada, on parle d’un système qui est beaucoup plus réglementé à la base », observe de son côté Tania Bourassa-Ochoa, spécialiste principale en économie à la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL).

« Aux États-Unis, les prêts hypothécaires sont habituellement sans recours, indique-t-elle. Si l’emprunteur fait défaut, la banque doit se résigner à reprendre la propriété. »

Durant la crise immobilière de 2008, « on voyait les gens qui laissaient les clés sur le comptoir et quittaient la maison. Le prix des habitations avait baissé drastiquement ».

Ces caractéristiques fondamentales se reflètent sur le marché des prêts hypothécaires – car il s’agit d’un marché.

« C’est parce qu’il y a énormément de concurrence aux États-Unis qu’ils donnent des conditions qui avantagent l’emprunteur », relève encore François Des Rosiers.

Le risque penche alors largement du côté de l’institution prêteuse.

« Depuis 2001, il n’y a pas eu une seule faillite de banque au Canada. Il y en a eu 563 aux États-Unis. »