Quelque 18 000 élèves du primaire et du secondaire sont attendus au Salon du livre de Montréal lors des trois premiers jours de l’évènement, les 22, 23 et 24 novembre. Ces dates coïncident avec les journées de grève supplémentaires annoncées récemment par le front commun syndical et la Fédération autonome de l’enseignement (FAE). Ces sorties risquent donc d’être annulées, tout comme d’autres vers les théâtres jeunesse.

Le Salon du livre de Montréal navigue en pleine incertitude depuis quelques jours. Lundi dernier, le front commun syndical, qui réunit 420 000 travailleurs des secteurs public et parapublic, dont des enseignants, a annoncé qu’il serait de nouveau en grève du 21 au 23 novembre. La semaine précédente, c’est la FAE et les 65 000 enseignants qu’elle représente qui faisaient part de leur intention de déclencher une grève générale illimitée dès le 23 novembre.

Le conflit opposant le gouvernement et ses employés connaîtra-t-il un dénouement avant ces dates ? Olivier Gougeon, directeur général du Salon du livre de Montréal, l’espère.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Olivier Gougeon, directeur général du Salon du livre de Montréal

C’est notre devoir de trouver des moyens et de tout mettre en œuvre pour que les 18 000 jeunes du primaire et du secondaire puissent, malgré la grève, trouver une façon de venir : avec leurs parents, avec des accompagnateurs…

Olivier Gougeon, directeur général du Salon du livre de Montréal

Près de 70 % des élèves attendus au Salon du livre en semaine proviennent d’écoles publiques qui pourraient annuler leur présence en cas de grève. Pour le moment, les quelques annulations reçues ont été remplacées par d’autres groupes scolaires, les écoles privées n’étant pas touchées par le conflit de travail.

L’organisation de l’évènement réfléchit actuellement à différents moyens pour que ces jeunes puissent tout de même profiter de ce rendez-vous annuel très prisé. « On discute avec les écoles qui vont être en mouvement de grève et on leur propose de remettre les billets aux enfants », avance par exemple Olivier Gougeon, qui invite parents et grands-parents à prendre la relève pour accompagner les enfants au Salon du livre.

L’option d’offrir une entrée gratuite à l’adulte accompagnateur est aussi envisagée. « On va tout faire pour faciliter l’accueil de ces parents ou de ces accompagnateurs », souligne-t-il.

Malgré la menace de grève qui plane, l’équipe a décidé de ne pas modifier sa programmation. « Les seules activités qui seraient annulées, c’est celles qui sont en collaboration avec des écoles », note Olivier Gougeon.

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La pièce de marionnettes Furioso a été présentée au théâtre Les Gros Becs à Québec, l’an dernier.

Sorties au théâtre annulées

Le Salon du livre n’est pas seul à subir les contrecoups de la grève. À la Maison Théâtre, lieu qui se consacre entièrement au jeune public, la nouvelle pièce 176 pas, présentée du 15 au 25 novembre, sera touchée en cas de débrayage.

Sept représentations scolaires de ce spectacle de marionnettes, écrit par Fanny Britt et dont la musique est signée Ariane Moffatt, sont au calendrier dans la semaine de mobilisation. Si les journées de piquets de grève ont bel et bien lieu, seulement deux de ces représentations seront maintenues, révèle Isabelle Boisclair, directrice générale de la Maison Théâtre. Les élèves qui y assisteront proviendront d’établissements privés.

À Belœil, L’Arrière Scène prévoit également d’annuler une représentation du spectacle Coucou en lien avec la grève, indique son directeur artistique, Jean-François Guilbault.

« Chaque jour de grève va entraîner des annulations de spectacle, affirme aussi Jean-Philippe Joubert, directeur général et codirecteur artistique du Théâtre jeunesse Les Gros Becs, à Québec. Est-ce qu’on va être en mesure de déplacer ces élèves-là ailleurs en saison pour qu’ils aient une expérience culturelle ? Rien n’est moins sûr parce que notre capacité d’accueil sur une saison est limitée. »

Moins de sorties

Au-delà des journées de grève, les répercussions des moyens de pression des enseignants se font sentir depuis le début de l’année dans le milieu culturel jeunesse. Les membres de la FAE ont notamment reçu le mot d’ordre de ne pas s’occuper de l’organisation de sorties culturelles si elle n’était pas prévue dans leur tâche.

PHOTO PATRICE LAROCHE, ARCHIVES LE SOLEIL

Jean-Philippe Joubert, directeur général et codirecteur artistique du Théâtre jeunesse Les Gros Becs

La position de la FAE est très dommageable pour l’accès des élèves à la culture.

Jean-Philippe Joubert, directeur général et codirecteur artistique du Théâtre jeunesse Les Gros Becs

Au Théâtre Les Gros Becs, les réservations scolaires cette saison ne correspondent qu’à 64 % des chiffres habituels. Les billets sont aussi en baisse à la Maison théâtre. « Si on compare à l’année dernière à pareille date, on avait beaucoup plus de billets qui avaient été achetés », souligne Isabelle Boisclair.

« On a vu, depuis le début de l’année, qu’il y avait moins de sorties », confirme Sylvain Martel, président du Regroupement des comités de parents autonomes du Québec, qui trouve dommage que les jeunes soient ainsi pénalisés. « Espérons qu’une fois le conflit réglé, on pourra rattraper ces sorties. »

Impact sur les artistes

Pour les producteurs en théâtre jeune public, les écoles sont des partenaires très importants. « Les représentations scolaires, ça peut aller jusqu’à 70 % des représentations qu’ils donnent en une année », illustre Isabelle Boisclair.

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Isabelle Boisclair, directrice générale de la Maison Théâtre, en compagnie de la directrice artistique, Sophie Labelle

Bien qu’elle soit « solidaire des revendications des enseignants », elle s’inquiète de l’impact que pourrait avoir une grève prolongée sur les artistes.

Questionné à ce sujet, le Conseil des arts et des lettres du Québec se veut rassurant. « Nous établirons un portrait de la situation au cours des prochaines semaines, ce qui nous permettra de prendre les décisions adéquates. Notre objectif sera alors de tout mettre en œuvre afin de nous assurer de limiter l’impact de cette situation sur la santé financière des organismes concernés », a indiqué, par courriel, Honorine Youmbissi, directrice des communications et de la promotion des arts et des lettres.