Au moins six syndicats menés par l’Union des artistes du Québec (UDA), la Guilde des musiciens et musiciennes du Québec (GMMQ) et l’Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec (ARRQ) demandent au gouvernement du Québec de « redéfinir les mécanismes d’attribution, de distribution et de circulation des fonds publics ».

« Malgré des investissements importants en culture dans les dernières années, les artistes et artisans québécois continuent de s’appauvrir, ce qui génère une crise de confiance envers les différentes institutions publiques de l’écosystème de notre industrie culturelle. Pour certains, il est devenu impossible d’exercer leur métier avec dignité », écrivent-ils.

Les six syndicats, qui comptent également – outre l’UDA, la GMMQ et l’ARRQ – l’Association québécoise des techniciens et techniciennes de l’image et du son (AQTIS), la Guilde canadienne des réalisateurs (DGC) et la Société des auteurs de radio, télévision et cinéma (SARTEC), dénoncent les inégalités dans l’attribution des fonds publics.

PHOTO FOURNIE PAR L’UDA

La présidente de l’Union des artistes, Tania Kontoyanni

« Nous constatons des zones d’ombre dans la répartition de l’argent public attribué à l’industrie culturelle, et cela nous inquiète, détaillent-ils. Le financement de la culture semble être une manne lucrative pour certains, au détriment des artistes et des artisans, qui sont au cœur de la création, de sa diversité, de sa qualité et de sa renommée. »

Dans leur lettre adressée au ministre de la Culture et des Communications, Mathieu Lacombe, ainsi qu’au premier ministre, François Legault, les six syndicats soulèvent un certain nombre de questions qui causent de plus en plus de malaises dans le milieu artistique.

Comment des boîtes de production, qui reçoivent des subventions, peuvent-elles siéger sur les conseils d’administration des sociétés qui accordent elles-mêmes ces subventions, alors que les artistes y sont absents ?

Extrait de la lettre des syndicats adressée au gouvernement Legault

« Pourquoi certaines grandes compagnies tant dans le secteur audiovisuel qu’en musique se voient-elles accorder un important financement récurrent, amaigrissant ainsi la part attribuée aux petites compagnies qui pourraient accomplir des projets innovants, mais qui peinent à obtenir du financement ? Comment des compagnies de production qui ne vivent que de l’argent public peuvent-elles devenir si lucratives que des consortiums cotés en bourse les achètent ? »

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Le réalisateur Martin Villeneuve

Le cinéaste Martin Villeneuve (Mars et Avril, Les 12 travaux d’Imelda, Red Ketchup) a soutenu l’appel au changement lancé par ces syndicats.

« Il est grand temps de revoir notre système, où notamment les fonctionnaires de la SODEC et de Téléfilm Canada ont trop de pouvoir, au détriment des cinéastes, a-t-il écrit dans une lettre envoyée à La Presse. Comme le disait Jean-Claude Lauzon : “Les fonctionnaires à la culture gagnent leur vie avec le cinéma, mais pas moi.” Les cinéastes font les films, pas les fonctionnaires, pourtant ces derniers décident du sort des projets et des carrières au Québec. »

Lisez la lettre de Martin Villeneuve

Le ministre Lacombe veut entamer une réflexion

L’Association québécoise de la production médiatique (AQPM), qui représente environ 160 entreprises dans les secteurs de la production indépendante en cinéma, télévision et web, a pris la défense du gouvernement du Québec dans un communiqué publié lundi après-midi, qualifiant les arguments des six syndicats d’« allégations fallacieuses ».

« Le ministre Lacombe nous a, depuis plusieurs mois déjà, fait part de son intention de lancer un chantier afin d’examiner le financement de notre industrie, écrit sa présidente, Hélène Messier. Le récent rapport des experts sur la découvrabilité des contenus francophones déposé le 31 janvier dernier recommandait également d’effectuer un examen des mécanismes de financement de la production de contenus culturels au Québec, notamment pour veiller à ce que les contenus financés soient diffusés dans l’environnement numérique, pour diversifier ces contenus […]. »

De son côté, le ministre Mathieu Lacombe n’a pas nié l’importance de repenser le financement public. « J’ai rencontré l’ensemble des signataires au cours des derniers mois, les producteurs et de nombreux autres membres de l’industrie. Le constat auquel j’en suis venu est clair : le système actuel, hérité d’une autre époque, ne fonctionne plus. Je l’ai d’ailleurs exprimé à plusieurs reprises à de nombreuses tribunes. On s’entend tous : le temps est venu d’entamer une réflexion sur le modèle québécois de financement de l’audiovisuel. »