Tranquilos, je regardais mon À cœur battant cette semaine en picorant des noix crues (ça manque cruellement de sel, beurk) et en sirotant une canette d’eau pétillante La croix à la framboise noire, bien meilleure que n’importe quelle saveur de Bubly – déchirez votre chemise ici.

La pauvre Annie Briand (Lynda Johnson), paraplégique, déprimée et isolée de son entourage, enregistrait une vidéo de suicide, quasiment forcée à se tuer par son conjoint maniaque Laurent Lenoir (André Robitaille), qui la trompait avec un autre homme marié, voyons !

C’est le cauchemar de toute personne vulnérable et clouée à un lit d’hôpital : tomber entre les mains d’un crosseur qui joue publiquement au bon samaritain, mais qui, en privé, vous maltraite et vous humilie.

Annie a mis fin à ses jours, incapable d’obtenir l’aide médicale à mourir, et a placé sa note d’adieu dans un endroit inusité : son vagin. La lettre de suicide, qui exposait la violence de son mari Laurent, a d’abord été glissée dans un flacon (vide) de médicaments, qu’Annie a ensuite inséré dans son sexe, « le seul lieu sûr où elle pouvait cacher son témoignage de maltraitance », observe la procureure Gabrielle Laflamme (Ève Landry), dans l’épisode de mardi prochain, déjà sur l’Extra de Tou.tv.

Une affaire tordue et choquante comme seule la scénariste Danielle Trottier sait les raconter. « Mon vagin aura été le gardien de ma vérité », a écrit la pauvre Annie dans sa dernière missive.

À cœur battant a aussi mis le doigt sur un sujet brûlant d’actualité en explorant l’intimidation à l’école dans deux cas franchement remuants. Difficile de ne pas penser ici au père de famille de 42 ans qui a pété les plombs, lundi après-midi, et qui a menacé, puis brassé l’intimidateur de son fils de 13 ans, à l’école secondaire Pierre-de-Lestage de Berthierville, dans Lanaudière.

Dans la première histoire d’À cœur battant, l’adolescente Léane (Charlotte St-Martin) se fait frapper et jeter par terre par un garçon de son âge, qui lui marche directement sur le dos. D’autres élèves de la polyvalente bousculent ensuite Léane, qui désire porter plainte à la direction de l’école. Son amie Émilie (Marion Vigneault) freine son élan : « ça donnera rien et ça va être pire après ». Ça ressemble drôlement aux « vrais » intimidateurs de Berthierville, que l’école n’arrive pas à contrôler malgré les drapeaux rouges levés par les parents.

L’identité du tourmenteur de Léane vous saisira assurément. C’est la prof d’éducation physique Juliette Lehouillier (Maripier Morin) qui épaulera l’adolescente agressée avec l’aide de l’intervenant Christophe L’Allier (Roy Dupuis).

Pour la deuxième intrigue, Danielle Trottier braque sa loupe sur deux étudiantes, dont Nora Dupuy (Romane Bonpunt), une personne non binaire qui utilise des pronoms féminins et qui porte une barbe. La pilosité faciale de Nora dérange Fé Mabata (Audrey Roger), qui la harcèle sans relâche jusqu’à un point de bascule. Et le bourreau enfile sournoisement les habits de la victime.

Comme le sergent-détective Fabien Gauthier (Maxime Mailloux), nous avons été plusieurs à soupirer devant nos écrans : que Nora rase sa barbe et tous ses problèmes disparaîtront, point final. Mais Nora refuse de se conformer et embrasse ses deux identités d’homme et de femme. A-t-elle le droit de vivre sa vie en paix, sans craindre pour sa sécurité ?

Voilà pourquoi j’aime les téléromans québécois, qui gardent les ondes de septembre à avril, contrairement aux téléséries, qui durent huit ou dix épisodes. Ces feuilletons télévisuels parlent de notre société et d’enjeux super actuels.

Souvent, nos téléromans deviennent les miroirs de vrais cas qui secouent l’actualité. Ça se produit régulièrement dans STAT, À cœur battant et Indéfendable, qui se collent sur les manchettes des rubriques judiciaires des journaux.

Ça prend du souffle, de l’investissement et de l’imagination pour pondre un téléroman. C’est une tâche costaude, que de moins en moins d’auteurs veulent accomplir. Dans le milieu de la télé, voyez-vous, écrire un téléroman demeure moins prestigieux que de plancher sur une minisérie destinée à une plateforme numérique. Le téléroman, c’est pour les vieux et les « madames », entend-on régulièrement. D’ailleurs, il n’y a presque pas de relève – c’est la pénurie – pour succéder aux Anne Boyer, Michel d’Astous, Danielle Trottier, Chantal Cadieux, Sylvie Lussier et Pierre Poirier de l’industrie.

C’est vraiment dommage. Car le téléroman permet à ses créateurs de pousser l’exploration des personnages très loin, sur une longue période. Si un épisode de la saison est moins bon, il en reste une vingtaine d’autres pour se rattraper.

Les cotes d’écoute le démontrent au quotidien : le public québécois raffole de ses téléromans, à commencer par STAT et Indéfendable.

Le téléroman donne un rendez-vous à ses fidèles. Il s’inscrit dans une routine familiale. C’est toujours agréable de savoir qu’un épisode de STAT (ou d’Indéfendable) nous attend après une grosse journée de travail. Et ça nourrit une dépendance pas mal moins grave que celle de Tarek Renaud (Madi Chirara) envers son cellulaire.

Je lévite

Avec Julie Roussel dans Sorcières

La talentueuse comédienne Julie Roussel est dans le jus les lundis à 20 h. À Radio-Canada, elle incarne la dévouée Gladys Thompson de 5Rang. Et à TVA, elle campe l’intense mairesse de Sorcières, Véronique Côté, qui a été bouleversante pendant les scènes d’aide médicale à mourir de son père Camil (Roger La Rue). On y a découvert une femme vulnérable, terrifiée et brisée, qui porte un terrible secret. C’était déchirant.

Je l’évite

Les plateformes obscures et coûteuses

J’ai vraiment, vraiment le goût de regarder la minisérie Feud : Capote vs The Swans, à propos de l’écrivain Truman Capote et de ses « amies » de la haute société new-yorkaise. Au Canada, cette production de Ryan Murphy se cache derrière le mur payant de l’application CityTV+ ou il faut s’abonner à la chaîne câblée FX pour la suivre. Ça commence à être lourd. Dernière option : acheter tous les épisodes de Feud pour 19,99 $ sur Apple TV. Merci, mais non merci. Trop compliqué, trop cher. À un moment donné, faut faire des choix entre une émission de télé et une livre de beurre à l’épicerie.