Les sorties d’album de Kanye West se suivent et se ressemblent. Controverses, délais, changements de dernière minute. Bref, elles sont chaotiques. Vultures 1, lancé samedi, ne fait pas exception.

Vingt ans après College Dropout

Ce n’était assurément pas le plan initial, considérant les mois de report, mais Vultures 1 a finalement paru 20 ans jour pour jour après College Dropout, premier album de l’artiste de Chicago qui a fait de lui l’un des plus novateurs de sa génération. À mesure que son génie musical s’est déployé, ses frasques se sont toutefois multipliées.

Lui qui n’en était pas à sa première remarque antisémite a commis ce qui est possiblement sa plus grave offense en octobre 2022 en publiant un tweet mentionnant qu’il passait en « death con 3 » pour illustrer son état d’alerte par rapport à la « menace juive ». Dans les semaines qui ont suivi, Adidas a mis fin à sa collaboration avec celui qui est aussi designer pour sa collection Yeezy. West n’a d’ailleurs pas de maison de disques pour appuyer cette dernière offrande et semble peiner à trouver des endroits pour accueillir ses prochains spectacles.

Il a exprimé des regrets avec maladresse à plus d’une reprise. Le plus récent exemple peut être entendu sur Vultures, premier extrait avec Bump J et Lil Durk offert en trois versions sur un microalbum lancé quelques jours plus tôt : « How I’m Antisemitic ? I just fucked a Jewish bitch. » Afin que l’on comprenne bien l’incompatibilité de ses valeurs et de ses actions, le beat s’arrête à l’instant où West les explique…

L’apport salutaire de Ty Dolla $ign

On n’a mentionné que Kanye jusqu’ici, mais Vultures 1 est également l’œuvre de Ty Dolla $ign. Prolifique auteur-compositeur-interprète de Los Angeles, Ty ajoute beauté et mélodie au disque de 16 morceaux. Ses paroles ne sont pas exemptes de vulgarité et de superficialité, mais elles sont chantées avec assez de justesse et d’âme pour élever l’album dans son ensemble.

Extrait de Burn, de Kanye West et Ty Dolla $ign
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Burn, qui sonne comme du « vieux Kanye », bénéficie particulièrement de l’apport de Ty Dolla $ign. Son refrain est accrocheur et lumineux. La chanson rappelle à quel point West excelle dans l’intégration d’éléments soul à ses compositions. Alors qu’il échantillonnait des morceaux du genre par le passé, il utilise ici la voix de son collaborateur, qui se démarque aussi sur Do It et Problematic.

Encore beaucoup d’amis… et de nouveaux ennemis

À en juger par la liste d’artistes qui ont contribué à Vultures 1, Kanye West n’a pas épuisé toutes ses amitiés. Du côté des musiciens, notons la participation de Timbaland, James Blake – de façon très évidente sur Talking –, No I.D., 88-Keys, JPEGMafia et Christian.

Extrait de Carnival, de Kanye West et Ty Dolla $ign
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Le mandat en studio semble avoir été de créer de gros succès pouvant électriser les foules. On en entend littéralement une scander le refrain sur Carnival. Dans sa première version, jouée lors de séances d’écoute publiques, celle-ci incluait un échantillon d’Iron Man, de Black Sabbath. Vendredi, le leader du groupe, Ozzy Osbourne, a écrit sur X que West avait demandé la permission pour l’utilisation du classique métal, mais qu’elle lui avait été refusée « parce qu’il est antisémite ». La femme et gérante du chanteur, Sharon, a menacé de poursuivre Ye, et Iron Man n’apparaît pas sur Vultures 1.

Good (Don’t Die) comprend une réinterprétation du succès I Feel Love de Donna Summer, qui n’a pas non plus été autorisée par les ayants droit du catalogue de la regrettée reine du disco. J. Rey Soul chante à la place de cette dernière, mais il s’agirait tout de même d’une violation de droits d’auteur.

On retrouve également au micro sur Vultures 1 Freddie Gibbs, qui livre un couplet bien acerbe sur Back to Me – on imagine bien le sourire de Kanye en l’écoutant –, Travis Scott, Playboi Carti, Quavo, Chris Brown, YG et North, la fille de West, qui rappe sur Talking.

Du bon malgré tout

Il n’y a pas que rimes douteuses et emprunts clandestins sur cet album de Kanye West et de Ty Dolla $ign. Il est franchement plus digeste que Donda. Stars est une intro puissante qui rappelle Ultralight Beam sur The Life of Pablo. Paid fait hocher de la tête de manière incontrôlable. L’extrait du film Dogma, de Kevin Smith, dans Back to Me est hilarant. Le beat de Do It, qui devient celui de Back That Azz Up de Juvenile, nous ramène en 1998 un court instant.

Extrait de Do It, de Kanye West et Ty Dolla $ign
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En dépit de quelques bons moments, force est d’admettre qu’on n’arrive pas à apprécier ceux-ci pleinement en raison du personnage que Kanye West est devenu au fil des années. On ne ferme pas les yeux de la même façon sur sa misogynie par rapport à celle d’autres artistes. Son humour noir fait rire jaune. Et l’étalage de ses étiquettes sur King Crazy, bipolar, antisemite/And I’m still king – n’inspire de notre part aucune empathie. Que va-t-il dire de plus sur les deux autres Vultures prévus ?

Vultures 1

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Kanye West et Ty Dolla $ign

YZY