À la mi-juin, le chef libéral Stéphane Dion a lancé sa nouvelle plateforme environnementale. Une taxe sur le carbone en est la pièce maîtresse. Et des avantages fiscaux atténueront le choc pour les plus démunis.

M. Dion touche ici un débat qui fait rage chez les économistes depuis quelques années. La question principale: la hausse du prix de l'essence touche-t-elle davantage les pauvres? Les chercheurs se demandent aussi jusqu'à quel point ces hausses - qu'il s'agisse du prix du baril ou des taxes - modifient les comportements, et si les riches trouvent plus facile que les pauvres de s'adapter à la nouvelle donne.

Les économistes à l'œuvre

L'an dernier, l'Institut d'études fiscales de Londres a tenté de répondre à ces questions. Observant que les frais de carburant constituaient 12% des dépenses des ménages les plus pauvres (en divisant la population en 10), mais seulement 4% pour les plus riches, l'économiste Andrew Leicester a calculé qu'une augmentation de 5% des taxes sur l'essence équivaut à une coupe de 0,27% des revenus des plus pauvres, mais de seulement 0,11% pour les plus riches.

En d'autres mots, le doublement du prix de l'essence qu'a connu le Québec depuis le début du millénaire a diminué de 5,4% les revenus des plus pauvres et de 2,2% ceux des plus riches. Évidemment, comme les riches gagnent beaucoup plus en valeur absolue, leur perte nette sera plus élevée que celle des pauvres. Il n'empêche que le jeu des pourcentages est gênant pour les environnementalistes qui croient également à la redistribution des revenus.

C'est ici que l'histoire se complique. Par acquit de conscience, M. Leicester a aussi analysé l'effet d'une hausse du prix de l'essence sur les dépenses des plus pauvres et des plus riches (toujours en divisant la population en 10). Surprise: l'impact est égal en pourcentage.

«Ça veut dire que soit les plus pauvres s'endettent, soit ils puisent dans leurs économies, soit les plus riches ont des dépenses beaucoup moins élevées que leurs revenus, dit M. Leicester. Personnellement, je crois que c'est un mélange des trois. Dans les débats sur la polarisation des revenus, de nombreux économistes ont souligné que l'écart entre les dépenses des plus pauvres et des plus riches s'accroît beaucoup moins rapidement que l'écart entre les revenus. Il y a une limite à dépenser de l'argent une fois que les besoins fondamentaux sont comblés. Mais il est certain que, quand on sonne l'alarme sur le fait que notre société vit au-dessus de ses moyens et n'épargne pas assez pour ses vieux jours et les coups durs, les plus pauvres sont au coeur du problème.»

Modifier ses habitudes

L'autre question qui que se pose M. Leicester est la flexibilité des pauvres et des riches: qui est plus à même de modifier ses habitudes pour tenir compte d'une hausse des prix des carburants? «Passé un certain seuil, les hausses du prix de l'essence ne diminuent pas le pouvoir d'achat parce que les individus changent leurs comportements.

 

Mais on ne sait pas si les riches les changeront davantage que les pauvres. Une proportion plus grande de ces derniers n'a pas de voiture mais, d'un autre côté, ceux qui en ont une s'en servent souvent par nécessité, alors que les riches vont faire des voyages, des balades. Les riches ont aussi, théoriquement, davantage accès à des réseaux sociaux leur permettant de faire du covoiturage pour les parties de soccer des enfants, et même pour se rendre au travail.»