Autoroute urbaine, culs-de-sac résidentiels, rues marchandes, places piétonnes: au Centre de design de l'UQAM, cet automne, la rue est disséquée sous toutes ses coutures. L'exposition La rue est à nous...tous va d'Europe en Asie, en passant par les États-Unis et l'Australie, pour explorer les différentes manières de concevoir cet espace public.

Les conservateurs parisiens (l'exposition a été adaptée pour le Canada par le Centre de design) n'ont consacré qu'une partie de leur réflexion à la voiture. Mais ils ont résolument pris le pari de la cohabitation avec piétons et vélos, s'élevant notamment contre le concept des «sept vitesses», ou 7V, qui a mené à la séparation des villes en zones industrielles, commerciales et résidentielles avec des liens autoroutiers.

«L'idée d'éloigner l'industrie des résidences fait partie du mouvement hygiéniste», explique Mireille Apel-Muller, de l'Institut pour la ville en mouvement à Paris, qui est l'une des conservatrices. «Ce n'est plus aussi nécessaire aujourd'hui avec la délocalisation des industries les plus polluantes dans les pays où la main-d'oeuvre est moins chère, et les lois environnementales moins sévères. L'industrie des services peut très bien cohabiter avec l'habitation. On peut donc imaginer des quartiers mixtes où tout est à proximité, et qui ont donc moins besoin d'accès rapide aux autoroutes.»

Le concept de mixité a mené à la fin du règne des voies rapides. Mais les voies piétonnes sont aussi menacées. «C'est sûr qu'on aura toujours besoin d'autoroutes pour aller dans les villes, et de zones piétonnes», dit Mme Apel-Muller en entrevue téléphonique. «Mais de plus en plus, la conversion des autoroutes en boulevards urbains s'accompagne d'une transformation des zones piétonnes en îlots partagés. Devant la gare à Genève, par exemple, la zone piétonne a été transformée en îlot partagé où la vitesse est limitée à 20km/h, et où il n'y a pas de frontières physiques entre les différents usagers, notamment pas de trottoirs.»

Les îlots partagés sont basés sur la reconnaissance que l'automobile est parfois indispensable.

«Il faut penser à la livraison, aux besoins des personnes âgées qui veulent être reconduites à la porte des commerces ou de leur résidence. L'établissement des zones piétonnes a parfois été suivi d'un appauvrissement, tant au plan économique que de l'activité.»

À l'extrême, comme dans certaines villes des Pays-Bas, la mixité a été favorisée par le démantèlement de la signalisation routière, comme les feux rouges. «L'incertitude rend tout le monde plus prudent. Mais il faut que cette approche soit limitée aux pays où la motorisation est bien ancrée, où les gens savent comment se comporter au volant. En Chine, par exemple, la civilisation de l'automobile est trop récente.»

Des remèdes imaginés en Europe peuvent-ils être transposés en Amérique du Nord, où la densité des villes est beaucoup moindre? «C'est une fausse perception, estime l'urbaniste parisienne. Paris n'est pas typique des villes françaises, où 70% de la population vivent dans des périphéries d'une densité qui approche celle des États-Unis.

La rue est à nous... tous. Au Centre de design de l'UQAM jusqu'au 14 décembre.