Forcément, certains vont hausser les épaules en découvrant nos deux protagonistes. Le Pilot surtout, avec ses formes cubiques et sa partie avant massive et presque verticale.

Moins évident à cataloguer que les vrais utilitaires, moins joli que le CX-9 - l'un des rares multisegments du marché dessiné avec élégance - et moins original que le Flex, «notre» duo du jour peut sans doute inspirer la perplexité. Qui cherchent-ils à imiter?

 

À l'usage, la démarche de Honda et de Chevrolet se révèle pourtant moins artificielle qu'il n'y paraît. Sans pour autant réinventer le genre, les concepteurs des Traverse et Pilot ont pris au pied de la lettre le concept, très actuel, de «Crossover» que l'on peut définir comme une opération de métissage de plusieurs espèces automobiles pour en arriver à un seul modèle.

En assumant ouvertement ici de ne porter que les apparences d'un 4x4 (Pilot) ou d'une fourgonnette (Traverse) pour mieux adopter certains des attributs d'une berline (confort, comportement routier, etc.). Laquelle parvient le mieux à concilier le tout?

Ils ont l'apparence d'une vaste familiale perchée sur de grosses roues (toutes motrices, dans bien des cas), avec une importante surface vitrée et, bien sûr, quantité d'accessoires et d'équipements susceptibles de vous faire croire que vous pourriez héberger tous les petits amis de vos enfants et même grimper dans un arbre.

Avec les multisegments, l'industrie automobile réalise enfin que le véritable intérêt (il y en a assurément d'autres, moins importants) des utilitaires tient à la position de conduite surélevée. L'espace intérieur? Celui d'une fourgonnette devrait suffire. Et le comportement routier? On le voudrait aussi dynamique que celui d'une automobile.

Pour obtenir le comportement routier voulu, les multisegments devraient logiquement reposer sur une plateforme d'automobile plutôt que de camion. Ce n'est pourtant pas exactement le chemin suivi par les deux constructeurs invités à ce match. Le Pilot reprend en effet plusieurs composantes de fourgonnettes, tandis que le Traverse repose sur une architecture (nom de code Lambda) qui devait, à l'origine, servir de base à la future génération de fourgonnettes GM.

Avec le Pilot, la direction de Honda rappelle à notre bon souvenir que rien ne se perd, rien ne se crée, mais que tout se transforme en ce bas monde. En d'autres mots, le Pilot n'est pas aussi nouveau qu'il le prétend. Sceptiques? Alors, prenez d'abord une Acura MDX (qui émane de la fourgonnette Odyssey), qui n'est ni un 4x4 coulé dans le moule traditionnel ni la cousine d'une familiale. Ensuite, dépouillez-la de certains de ses attributs de luxe (offrez-les plutôt en option), histoire d'en abaisser le prix. Voilà, le tour est joué. Enfin presque.

N'allez pas croire que l'offre de Chevrolet est plus exclusive pour autant. En effet, à l'heure où le géant de l'automobile répète sur toutes les tribunes l'importance de réduire la duplication des modèles (Badge Engineering), voilà qu'il nous décline un multisegment quasi identique aux actuels Buick Enclave, GMC Acadia, Saturn Outlook. Était-ce bien nécessaire?

Vie à bord

À bord du Pilot, la position de conduite est haute et la visibilité, impeccable, surtout vers l'avant. L'accès, le confort et le maintien des baquets sont très bons. Même chose pour le Traverse, qui nous hisse, lui aussi, au-dessus de la faune automobile, mais n'offre hélas pas une visibilité vers l'extérieur aussi sécurisante. En revanche, les principales commandes sont aisément accessibles et faciles à reconnaître. Plus que chez Honda, qui serait bien avisé de faire le ménage de sa console centrale, encombrée d'un nombre époustouflant de touches qui invitent à consulter le manuel du propriétaire deux fois plutôt qu'une.

En revanche, le Honda se distingue avantageusement de son rival au chapitre des rangements. De fait, l'aménagement intérieur du Pilot vous paraîtra beaucoup plus fonctionnel, avec son levier de vitesse planté à la verticale contre la paroi du tableau de bord dans le but de vous faire bénéficier de rangements additionnels.

Contrairement au Traverse, le Pilot est doté d'une console centrale où l'on peut déposer tous les objets essentiels à la vie moderne (cellulaire, verres fumés et agenda électronique) et capable aussi d'avaler une quantité impressionnante de disques compacts. Et ce n'est pas tout, le Pilot offre aussi une boîte à gants géante et des vide-poches de bonnes dimensions.

Rien de tout cela à bord du Chevrolet. D'accord, les rangements sont nombreux, mais pas toujours pratiques. Étant donné la taille de ce véhicule, nous nous attendions à beaucoup plus de créativité.

Le Pilot conserve l'avantage côté confort à la suite de notre visite dans sa partie médiane. La banquette est confortable et le dégagement supérieur à tous points de vue. Bref, c'est à bord du Honda que vos passagers préféreront se retrouver. Le Traverse? Les sièges manquent de moelleux et de support.

Toutefois, contrairement au Pilot, le Traverse permet de modeler la deuxième rangée de deux manières: baquets ou banquette. À vous de choisir. Peu importe la configuration, le dispositif «Smart Slide» imaginé par GM pour faciliter l'accès à la troisième rangée est offert de série. Celui-ci n'est pas aussi simple à utiliser que ses concepteurs le prétendent (avec la banquette surtout); mais, avec un peu d'entraînement, on finit par s'y habituer. La troisième rangée, juchée sur un petit promontoire, offre un dégagement adéquat pour de jeunes enfants.

Dans ce domaine, le Pilot ne fait guère mieux. En fait, à l'exception d'offrir un meilleur dégagement pour les hanches et les épaules, la troisième banquette du Pilot est, elle aussi, destinée à des adultes de petite taille ou à des enfants.

Et vos valises, elles? Elles devront composer avec un espace de chargement plus étriqué à bord du Pilot que du Traverse. Plus long, le Chevrolet nous fait bénéficier d'un volume de chargement nettement supérieur (1951 litres contre 1351 litres), une fois les sièges repliés. En revanche, la différence entre nos deux protagonistes s'amenuise considérablement, une fois tous les sièges en place (558 litres contre 518).

Au chapitre des accessoires, le Traverse en met plein la vue: démarreur à distance, système Onstar, hayon à commande électrique, etc. En revanche, il fait l'impasse sur des éléments basiques comme les baquets chauffants, la sellerie de cuir ou les points d'ancrage ajustables à l'arrière. Compte tenu de la somme exigée pour la version mise à l'essai (52 260$), l'absence de ces équipements apparaît injustifiable face à un Pilot Touring offert lui, pour un peu moins de 50 000$.

Sur la route

Quelques kilomètres suffisent pour «démasquer» les origines du Traverse. Il se conduit pratiquement comme une fourgonnette. Lourd, empesé, ce Chevrolet réagit avec une certaine mollesse aux changements de cap à basse et moyenne vitesses.

Son encombrement (plus de 5 mètres de long) fait qu'on n'aime guère le promener en ville. Son rayon de braquage le pénalise et, surtout, la piètre visibilité arrière pose un problème pour se garer. Un radar de stationnement s'impose. Et ce problème se répète sur route et autoroute, où l'on se surprend à regarder deux fois plutôt qu'une avant de déboîter pour un dépassement, en raison des montants arrière qui réduisent considérablement la visibilité de trois quarts arrière.

Même si il ne vire guère plus court, le Pilot se révèle nettement plus agréable à conduire, plus sécurisant aussi. Sa position de conduite surélevée est plus naturelle et son immense surface vitrée donne confiance.

Une fois sorti de la cité, le Pilot fend l'autoroute de sa proue nickelée avec beaucoup plus d'aisance. Relativement précis, le train avant manque cependant de finesse et de fluidité. En revanche, la direction est correctement assistée et permet de tailler les virages avec plus de précision qu'avec le Traverse.

Si le Pilot prend l'avantage en matière d'agrément de conduite, le Traverse marque des points au chapitre du confort. Ses éléments suspenseurs lissent avec plus de souplesse les raccords et compressions rencontrés sur leur passage.

Avec plus de 2000 kg à «traîner», le moteur V6 de 3,6 litres qui équipe le Traverse exige beaucoup de ses 281 chevaux. Les accélérations n'ont rien de sidérant, pas plus que les reprises d'ailleurs, surtout lorsque toutes les places sont occupées ou lorsque le véhicule est chargé.

Qu'à cela ne tienne, le Chevrolet s'est révélé plus rapide que le Pilot, et ce, malgré une transmission automatique à six rapports qui souffre parfois d'étourderie. Le moteur 3,5 litres de Honda ne démérite pas (voir notre tableau sur les performances), mais sa consommation nous a laissé pantois.

En dépit de la présence d'un dispositif de désactivation des cylindres, le moteur du Pilot pèche par sa forte gourmandise en hydrocarbures et son rejet plus élevé, selon les normes gouvernementales, de gaz à effet de serre.

Budget

Si vous optez pour un modèle de gamme supérieure, le Pilot représente le choix le plus avantageux. Sa valeur de revente supérieure, ses équipements plus nombreux et sa polyvalence en font une mouture de choix. Seule sa consommation plus élevée jette une ombre à sa victoire.

En revanche, l'intérêt du Traverse réside dans sa gamme plus complète, surtout si vous considérez une version à deux roues motrices (traction) plus économique à l'achat comme à la pompe. En effet, Honda ne vous laisse guère le choix (une LX ou rien) contrairement à Chevrolet, qui propose différentes saveurs (LS, LT, LTZ). Voilà qui pourrait faire pencher la balance du côté de l'américaine.

L'auteur tient à souligner l'apport de Jean-François Guay à l'élaboration de ce match.