On s'est rendu à Sunday River, dans le Maine, il y a une dizaine de jours, curieux de voir ces «pick-up» de 900 chevaux dévaler les pentes du centre de ski à plus de 160 km/h. Les images de l'événement organisé pour la première fois l'an dernier étaient spectaculaires à souhait, il fallait aller voir de visu, d'autant plus que c'est à moins de quatre heures de Montréal. Pas de doute, ça valait le détour.
L'idée de transplanter des camions Pro-4 dans un décor hivernal est venue de Peter Brinkerhoff, un natif de la Nouvelle-Angleterre qui s'est lui-même déraciné jusqu'à Reno, au Nevada. «La première fois que j'ai vu une épreuve de la série Lucas Oil, ça m'a vraiment impressionné, nous a raconté l'amateur de sports de glisse. Je me suis dit que ce serait bien de faire découvrir le sport au public de la Nouvelle-Angleterre, mais dans un environnement qui lui est familier. J'ai donc pensé à une course en hiver, dans un centre de ski.»
Il a soumis son idée à Red Bull, qui a immédiatement été intéressé. On a tout de suite proposé au pilote Ricky Johnson de l'associer au projet. Ce dernier ne s'est pas fait prier et, cinq mois plus tard, en février 2013, il s'élançait au volant de son camion sur les pentes de Mount Snow, au Vermont, pour une démonstration qui allait faire des petits.
Les premiers tests avaient pourtant été moins concluants: «Au départ, on a essayé avec des pneus hors route standard, mais on n'a pas fait cinq mètres, a indiqué le septuple champion de motocross converti depuis les années 90 aux courses hors route. Les roues se sont mises à patiner à un point tel que le camion s'est enfoncé tout droit dans la neige... Il a fallu des câbles pour le dégager.»
BF Goodrich a choisi de fixer des crampons à ses pneus, si bien que l'adhérence n'est plus un problème. Au contraire. «Avec de tels crampons, la surface se détériore cinq fois plus rapidement que dans les courses de désert, a indiqué Bryce Menzies, nouveau champion du Frozen Rush. On doit donc être extrêmement précis dans notre pilotage, sans quoi ça peut nous coûter de précieuses secondes.»
Déjà un incontournable
Dans le paddock couvert et chauffé (belle initiative quand il fait -20°C), on trouvait cette année la crème des pilotes hors route nord-américains. Et tous s'entendent pour dire que l'événement vaut le déplacement, malgré le froid particulièrement mordant pour ces pilotes du désert. «Ça va se développer, c'est certain. Ce serait bien que ça devienne un incontournable parmi les courses hors route. Le genre d'épreuve comme l'Indy 500, qui attire les gens même s'ils n'aiment pas vraiment ça!», nous a assuré en rigolant Rob MacCachren, vainqueur du dernier Baja 1000.
Plusieurs pilotes rencontrés aimeraient même voir le Frozen Rush se développer en une série hivernale à part entière. Ricky Johnson émet ses réserves: «J'aime bien le fait qu'il s'agisse d'un événement unique, comme le Super Bowl, a-t-il indiqué. Parfois, un championnat a pour effet de diluer le niveau de compétition, les pilotes prennent moins de risques de façon à préserver leur position au classement. À la limite, ça pourrait évoluer vers une triple couronne ou quelque chose du genre.»
«Il n'y a aucun doute que le Frozen Rush a un potentiel de croissance, a avoué de son côté Peter Brinkerhoff. On ne sait pas encore ce que l'avenir nous réserve, il ne faut surtout pas brûler les étapes.»
Une course au Québec, peut-être? Qui sait, on peut se permettre de rêver, non?
À la télé: Red Bull Frozen Rush, 1er mars, 14h, NBC.
Une piste sculptée à flanc de montagne
• Les pilotes s'engagent chacun sur une partie distincte du circuit de 2,74 km, négociant à tour de rôle les sections rouge (1508 mètres) et bleue (1234 mètres). Les deux sections convergent pour le dernier saut, le dernier virage et la ligne de départ-arrivée.
• Cinq sauts sont construits - le plus important dispose d'une rampe de lancement de 3 mètres de haut -, avec une rampe d'atterrissage aménagée 15 mètres plus loin.
• Il y a 2 virages inclinés sculptés dans de la neige durcie: un premier de 2,5 mètres de hauteur au sommet de la piste et un deuxième de 3,7 mètres au bas du circuit.
900 chevaux, 700 clous
C'est normalement à des milliers de kilomètres au sud et à l'ouest du Maine que se trouve le terrain de jeu habituel des camions Pro4. Deux séries mettent en vedette ces bêtes à quatre roues motrices de 900 chevaux: la Lucas Oil Off-Road Series (LOORS), qui concentre ses activités sur le sud-ouest des États-Unis; et The Off-Road Championship (TORC), présente principalement dans le Midwest. Pour affronter les rigueurs de l'hiver, il a toutefois fallu que BF Goodrich fixe sur chaque pneu 684 crampons de métal de 2,5 cm, histoire de trouver de l'adhérence sur une surface qui en offre normalement très peu...
Bryce Menzies, médaillé d'or, 27 ans
Mesa, Arizona
Troisième au Frozen Rush en 2014
Principaux titres
Baja 500: Champion en 2011, 2012 et 2014
Mint 400: Champion en 2013
TORC: Champion Pro-2 en 2011, 2012 et 2013
«Le Red Bull Frozen Rush est un événement unique. Je suis toujours heureux d'y participer. En fait, ce serait bien que ça se développe en une série hivernale de quelques événements.»
Ricky Johnson, médaillé d'argent, 50 ans
El Cajon, Californie
Champion du Frozen Rush en 2014
Principaux titres
Baja 1000: Champion en 1997 et 2003
TORC: Champion Pro-2 en 2010, champion Pro-4 en 2011 et 2012
Champion mondial Pro 4x4 en 2012
«À chaque course, je ressens la même pression. Pour moi, chaque épreuve est comme le Super Bowl.»
Rob MacCachren, médaillé de bronze, 49 ans
Las Vegas, Nevada
Quatrième au Frozen Rush de 2014
Principaux titres
Baja 1000: Champion en 2007 et 2014
San Felipe 250; Champion en 2011 et 2012
LOORS: Champion Pro-2 en 2010 et 2013
«C'est vraiment génial que nous puissions obtenir toute cette visibilité, car notre sport n'est pas si connu que ça. Pour moi, le Frozen Rush est déjà l'une des plus importantes courses de la saison,
après le Baja 1000 et le Mint 400.»