L'être humain est ainsi fait. Il veut toujours aller plus haut, plus vite. À quoi cela sert-il de grimper l'Himalaya? À rien. Alors pourquoi le faire? Parce que la montagne est là! Le même «raisonnement» déraisonnable s'applique à l'automobile. Pourquoi vouloir rouler plus vite que les autres? Pour le défi, tout simplement.

Il n'est pas surprenant, donc, que la quête de vitesse et de records soit née avec l'automobile à la fin du XIXe siècle. Et si notre Jacques national parvient aujourd'hui à dépasser allègrement les 300 km/h sur la ligne droite des Hunaudières, sur le circuit des 24 Heures du Mans, bien d'autres avant lui ont tenté l'expérience au volant de machines diaboliques. En voici quelques-unes qui remontent à l'aube de l'automobile et que nous avons eu le privilège de découvrir, d'admirer et d'entendre...

Ford 999, 1902

Cette réplique exacte de la Ford 999 1902 (l'originale est au Musée Ford) est animée par un quatre cylindres en ligne de 18,8 litres de 70 chevaux. Baptisée 999 en hommage aux records réalisés par une locomotive du chemin de fer New York Central en 1893, cette voiture conçue par Henry Ford a coûté 5000$, une somme considérable au début du siècle dernier. Ford a confié sa voiture à Barney Oldfield (1878-1946), le premier homme à piloter une voiture à 60 m/h, qui a réussi à battre le record américain sur le circuit de Grosse Pointe, au Michigan.

En 1966, Ford a décidé de faire construire cette réplique pour l'Expo. Elle se trouve normalement au Motorsport Hall of Fame, à Novi, au Michigan.

Olds Pirate, 1903

Il est difficile de croire que cette frêle machine est une voiture de course. Il s'agit de l'Olds Pirate, construite sur le châssis dénudé d'une Olds Curved Dash Runabout, la voiture la plus populaire d'Amérique en 1903. Cette année-là, Ransom E. Olds a inscrit la Pirate à la première tentative officielle de record de vitesse sanctionnée par l'American Automobile Association (AAA).

C'est l'ingénieur Horace T. Thomas, au volant de la Pirate, qui a décroché le premier record à 83 km/h dans la catégorie des voitures de 1000 livres avec moteur à essence. À noter, les longerons du châssis constitués de longs ressorts semi-elliptiques et les réservoirs d'essence et d'huile aux formes profilées. Quant au moteur, il s'agit d'un monocylindre de 1,5 litre de 7 chevaux à 500 tours/minute. Le pauvre pilote devait prendre place dans un minuscule baquet perché en équilibre précaire à l'arrière de la voiture.

«Blitzen» Benz, 1909

Resplendissante dans sa robe blanche agrémentée de quatre énormes tuyaux d'échappement sortant du côté gauche du capot, cette Benz 1909 a fait trembler l'air lorsque son intrépide pilote a mis «le feu aux poudres». Avec un incroyable volume de 21,5 litres, ce moteur d'avion à quatre cylindres fait 200 chevaux. Imaginez-vous à quelques pas de cet énorme moteur à échappement libre, sans aucun silencieux!

Surnommé «Blitzen Benz» en raison de sa vitesse vertigineuse pour l'époque, ce bolide créé par Barney Oldfield et Bob Burman a fait sensation en 1909, en battant le record mondial de vitesse pour le kilomètre lancé à 200 km/h sur l'anneau de vitesse de Brooklands, en Angleterre. Cette performance a été suivie du double record pour le mille lancé et le kilomètre lancé (respectivement 224 et 226 km/h), réalisé le 23 avril 1911 à Daytona Beach. Précisons que la Blitzen Benz roulait deux fois plus vite que l'avion le plus rapide de l'époque...

Cummins Diesel, 1931

Si les bolides à moteur diesel réussissent aujourd'hui à humilier les meilleures voitures à essence dans les épreuves d'endurance, l'idée d'une voiture de course à moteur diesel remonte à bien longtemps. C'est ainsi que nous avons découvert cette Duesenberg à moteur diesel conçue pour les 500 Milles d'Indianapolis. C'est la Cummins Engine Company, de Columbus, en Indiana, qui décide en 1931 d'inscrire à la célèbre course ce bolide construit sur un châssis Duesenberg.

Le quatre-cylindres Cummins diesel de 5,9 litres (360 po3) est tellement plus économique que les moteurs à essence concurrents que la voiture, pilotée par Dave Evans accompagné du mécanicien Thane Houser, boucle les 500 milles en 5 heures et 48 minutes à une vitesse moyenne de 133 km/h, sans un seul arrêt de ravitaillement. Si seulement la Peugeot diesel de Jacques Villeneuve avait pu faire moins d'arrêts aux puits lors des récentes 24 Heures du Mans, il aurait décroché le «Grand Triplé» (F1, Indy 500 et Le Mans).

Terminons en précisant qu'en 1931, la Cummins Diesel pilotée par Clessie Cummins, le fondateur de l'entreprise, a battu le record du monde de vitesse pour une voiture à moteur diesel à plus de 160 km/h. Comme quoi le diesel est une vieille solution d'avenir.