Il y a six ans, la gamme Jeep comptait trois modèles: le Grand Cherokee, le TJ et le Liberty. Ce dernier entreprenait alors sa carrière dans un segment visiblement déchiré par la fable du rat des villes et du rat des champs. Aujourd'hui, les positions sont plus tranchées: il y a les durs et les mous.

La préférence est aux utilitaires mous, ceux-là dont les aptitudes se limitent à l'escalade des bordures de trottoir. Jeep a compris le message et propose depuis quelques mois un duo (Compass-Patriot) susceptible de combler les amateurs, les citadins en mal d'aventure, et laisse au Wrangler (anciennement le TJ) le soin de perpétuer l'idée de l'aventure mécanisée.

Parfait. Mais où se positionne la deuxième génération de Liberty sur ce nouvel échiquier? On se le demande. Surtout que le Wrangler s'est allongé depuis, tout en proposant une version quatre portes des plus fonctionnelles.

À partir de ce constat, où est l'intérêt de cette nouvelle mouture qui, à peu de choses près, reprend les contours du Dodge Nitro, c'est-à-dire une plateforme aux dimensions extérieures accrues? Par chance, elles profitent à l'habitacle et vous n'aurez aucun mal à convaincre vos ados de prendre la route des vacances en votre compagnie, puisque le dégagement (aux genoux et aux jambes notamment) est supérieur à celui de l'ancien modèle. De plus, ils pourront prendre un bain de soleil avec le «Sky Slider» (1525$), un énorme toit ouvrant recouvert d'une toile qui n'est pas sans rappeler celle qui habillait autrefois le pavillon des Renault 5. Voilà qui aidera à faire oublier l'angle d'ouverture particulièrement étroit des portières avant, qui complique l'accès à la banquette.

Et les places avant? Elles apparaissent plus étriquées qu'à l'arrière en raison de la forme biscornue du plancher. Pour ajouter à l'inconfort, la position de conduite, un brin décentrée, est délicate à trouver en raison du manque de relief du baquet et de l'absence de colonne de direction télescopique. Les principales commandes tombent (au sens figuré) sous la main; cependant, le faux nickel qui en enrobe certaines ne parvient pas à masquer la pauvreté des plastiques utilisés, ni la finition légère par endroits du modèle essayé.

Sur le plan fonctionnel, le Liberty fait mieux que son prédécesseur, mais seulement lorsque la banquette arrière est en place (+ 80 litres); en effet, quand elle est rabattue, le volume utilitaire diminue de 136 litres par rapport à l'ancien modèle.

Sans doute pour ne pas nuire au Nitro, le Liberty ne nous fait pas profiter du dispositif LOAD N GO (littéralement «chargez et partez»), qui consiste en un plancher coulissant fort pratique. En revanche, le retrait de la roue de secours rend non seulement la manipulation du hayon plus aisée, mais permet aussi de profiter à plein de la lunette amovible.

Profondément Jeep

Soucieux de se rappeler au bon souvenir des passionnés de conduite hors route qui lui pardonnent difficilement de fabriquer des versions émasculées (Compass et Patriot), Jeep a veillé à ce que les aptitudes de coureur des bois du Liberty soient préservées. Très bien. Mais il y a un prix à payer dans une utilisation quotidienne, même si les concepteurs du Liberty tentent de nous faire croire le contraire.

 

Comme en fait foi la pastille «Trail Rated» épinglée sur ses flancs, le Liberty assure ou rassure (c'est selon) ses disciples qu'ils pourront prendre la clé de champs sans même se soucier, comme certains propriétaires de produits concurrents, de savoir «si ça passe ou pas». Ça passe. Et d'autant plus facilement que le Liberty est doté d'une boîte de transfert (plage de rapports courts) qui lui permettra de se sortir des ornières dans lesquelles resteront pris bon nombre de ses concurrents.

 

Outre son côté «chouette la bouette», cet utilitaire a également pour objectif avoué de rendre la conduite plus stable et surtout plus confortable sur chaussée asphaltée. Mais la rigidité de son châssis et le fait de bénéficier de voies avant et arrière plus larges ne suffisent pas à rendre le Liberty aussi routier que ses concepteurs le prétendent. D'accord, la direction transmet avec acuité le travail des roues directrices, mais le Liberty se révèle tout de même réticent en courbe, surtout si la chaussée est bosselée.

 

La présence d'un correcteur de stabilité électronique (de série) ajoute à la confiance, mais encore. En fait, le Liberty paraît au mieux lorsque la chaussée est lisse. Il apparaît alors d'une stabilité rassurante et s'avère fort plaisant à conduire... pour un camion. Les bruits de roulement sont nombreux et les formes équarries de la carrosserie affrontent le vent, tandis que la toile du toit se met à siffler. À cela s'ajoute une suspension qui tente un compromis pas toujours facile entre confort et tenue de route. En fait, la belle surprise vient des freins, qui comptent maintenant sur des disques à l'arrière. Sûrs, mordants, ils résistent bien à l'échauffement et permettent d'immobiliser le Liberty sur une distance raisonnable.

 

Bien que plus long que le modèle qu'il remplace, le Liberty est étonnamment plus agile. En milieu urbain surtout, où son rayon de braquage réduit de plus d'un mètre facilite les manoeuvres dans les espaces restreints.

 

Soulevons le capot, maintenant, pour constater que le V6 de 3,7 litres est désormais la mécanique de service. Robuste, mais plus sollicité que jamais (le Liberty a gagné plus de 100 kilos par rapport à l'an dernier), ce moteur a cependant la réputation de boire beaucoup. Pour pallier ce problème, on l'arrime à une boîte manuelle à six rapports (de série) pour le faire (un peu) mieux paraître. L'ennui est que cette boîte n'est pas des plus agréables à manier; son levier semble attaché à un immense ressort. On lui préfère l'automatique, mais celle-ci nous pénalise sur le plan de la consommation (environ 1 L/100 km de plus) et ne compte que quatre rapports. Et comme si cela ne suffisait pas, le réservoir à été réduit de quatre litres au moment de la refonte, ce qui a pour effet de rendre l'autonomie moins intéressante encore.

 

Tout compte fait, il y a tout lieu de se demander s'il n'aurait pas mieux valu que Jeep laisse le Liberty sans descendance et concocte un petit frère au Grand Cherokee (avec moteur diesel à la clé). Chose certaine, nous lui préférons, et de loin, le Wrangler.