Jacques Duval a participé la semaine dernière à la première étape de l'Expédition Arctique Smart, une épreuve aller-retour de 12 jours entre Kelowna, en Colombie-Britannique, Whitehorse, au Yukon et Inuvik, dans les Territoires du Nord-Ouest, avec retour à Vancouver. Voici son récit de voyage.

On nous avait préparés au pire. Nous allions affronter les conditions routières les plus rigoureuses du monde et, fort probablement, ce que l'hiver a de plus agressif dans son répertoire d'avatars. Bref, apportez vos combinaisons à grandes manches Penman's, vos bottes hydrophobes, vos gants d'esquimaux, vos anoraks à capuchon et tout l'attirail des courageux explorateurs du Grand Nord canadien afin de participer à l'Expédition nordique Smart, longue de 7500 kilomètres.

C'était là le bristol de Mercedes-Benz du Canada, qui proposait à un groupe de journalistes automobile une excursion inoubliable dont le but bien évident était de démontrer que la Smart, si petite soit-elle, est tout à fait capable d'affronter n'importe quel hiver et, surtout, de confondre les sceptiques.

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Malheureusement, la principale vedette de ce marathon hivernal, dame Nature, ne s'est pas présentée à la ligne de départ, ni ailleurs pendant les quatre jours de la première étape de l'expédition. J'exagère un peu en omettant la double sortie de route de deux journalistes dans une Smart et du véhicule de tête (Mercedes GL) sur une portion de route d'environ 200 km où, à cause de la surface glacée, l'on devait conduire sur le fil du rasoir avec toute la concentration et la délicatesse dont on était capable. Et pour ajouter au défi, une neige légère et tourbillonnante transformait la visibilité en un immense écran d'une blancheur aveuglante. L'incident a cependant causé plus de rires que de dommages et les deux véhicules ont été sortis de leur fâcheuse posture en moins de deux.

 

On ne peut sans doute pas sur cette simple occurrence décerner à la Smart son certificat de conduite tout temps, mais disons qu'elle a brillamment tiré son épingle du jeu tout au long de cette aventure, qui ne fut pas dénuée de rebondissements. Par exemple, la route de l'Alaska est jonchée de gravillons et aucun des pare-brise n'a résisté à leur force de frappe. Le nôtre en a été quitte pour trois éclats alors que d'autres en ont récolté une bonne dizaine.

 

Photo fournie par Jacques Duval

La GRC s'en mêle

 

Si dame Nature s'est montrée bienveillante en nous privant de ses sautes d'humeur, on ne peut en dire autant de cette «sympathique» représentante de la loi et de l'ordre dans la région de Fort Nelson qui, après être descendu de son immense pick-up Chevrolet Colorado, nous a lancé que nous n'atteindrions jamais Inuvik (la destination finale) avec «cette stupide petite voiture». Cette «experte» en conduite automobile avait précédemment eu besoin de trois bonnes minutes et de sept essais pour effectuer un virage en U avec son mastodonte.

 

Même si Mercedes a englouti des dizaines de milliers de dollars dans l'économie locale et qu'un groupe de journalistes verront à mieux faire connaître les beautés du Grand Nord canadien, il semble que personne n'est le bienvenu dans cette région éloignée, sauf les résidants du coin avec leurs gros pick-ups.

 

Après un stop pour le lunch à Fort Nelson, nous avons repris la route lentement, mais sûrement, car, il faut l'admettre, la Smart est l'antithèse d'une voiture haute performance avec ses 135 km/h de vitesse de pointe (oui, je sais, on peut faire mieux avec un bon vent) et ses accélérations tranquilles. Tout à coup, un camion vient à notre rencontre gyrophares allumés et filant à toute vitesse. Plus loin, il s'arrête au beau milieu du chemin, comme si son conducteur voulait bloquer la route. Après une éternité, il repart en notre direction et nous roulons à pas de tortue, convaincus que l'occupant du camion veut nous poser des questions sur la présence de sept Smart roulant en caravane. Pas du tout, une demoiselle descend du camion et nous accuse d'avoir croisé une double ligne. Je lui rétorque que je ne suis pas du coin et que ladite ligne double est entièrement couverte de sable, donc invisible. Elle ne veut rien entendre et part dans son camion pour nous dresser une contravention....ou un mot de bienvenue en Colombie-Britannique. Après environ 10 minutes, un second camion intervient et un autre agent de la GRC nous interpelle rudement en nous demandant nos dates de naissance, à mon copilote et moi. On lui pause une question sur ce que nous sommes en train de subir et il reste coi.

 

Vingt minutes plus tard, la «charmante demoiselle» revient avec un constat d'infraction assez juteux: avoir croisé une ligne double, ne pas avoir signalé l'intention de doubler et avoir roulé trop vite pour les conditions. Total 400$ d'amende. Tout cela dans une Smart qui accélère à pas de tortue et qui met une éternité à atteindre les 120 km/h.

Quand je signale à l'agente de la GRC que nous sommes sept voitures identiques, que nous roulons en groupe et qu'aucune des plaques d'immatriculation n'est visible (masquées par la boue), elle affirme qu'elle n'a jamais vu d'autres Smart, seule la nôtre. Et elle se dérobe en murmurant quelque chose qui ressemblait à un mot commençant par «f». Bienvenue dans le Grand Nord canadien.

 

Photo fournie par Jacques Duval

Un avant-goût du paradis

 

Notre carnet de voyage a quand même été meublé par des évènements plus souriants, comme cette baignade à -15 degrés dans les sources thermales de Liard Lake, un avant-goût du paradis où la température de l'eau atteint environ 50 degrés Celsius. En pleine forêt, en pleine nuit, il faut faire preuve d'une bonne dose de courage, mais l'expérience est inoubliable.

 

Et que dire de cette horde de bisons, juste au bord de la route en quittant Muncho Lake? D'habitude, ces charmantes petites bêtes, dont quelques-unes pèsent jusqu'à 2000 livres, dorment sur la route tête baissée, une rencontre que l'on ne veut surtout pas faire dans une Smart ou toute autre petite voiture. Les caribous de la toundra aussi ont eu la diligence de rester en dehors du chemin, mais en pleine vue, un spectacle magnifique.

 

La Smart en hiver oui ou non?

 

Si la Smart a quasiment gagné ses épaulettes comme voiture quatre saisons, qu'en est-il de la vie à bord d'une si petite voiture partagée avec le même copilote pendant quatre jours et 2500 kilomètres. Sans vouloir dire que l'habitacle n'est pas tout à fait conçu pour ceux qui souffrent de claustrophobie, disons qu'il vaut mieux être en bons termes avec votre passager, car l'habitacle devient de plus en plus étroit au fil des kilomètres.

 

Il faut aussi convenir d'un partage du volant, tant il est vrai que la Smart est plus agréable à habiter quand on est au volant. À droite, on manque d'espace pour se détendre en raison d'un dossier qui ne se rabat que de quelques centimètres, surtout si l'arrière est rempli de bagages. À ce chapitre, la Smart se tire bien d'affaire et son coffre est en mesure d'avaler les effets de deux personnes. Une poignée de maintien à droite serait souhaitable également. Quant aux rangements, heureusement que le coffre à gants peut recevoir sa part de babioles, car ils sont rares et pas très pratiques.

 

Photo fournie par Jacques Duval

Une transmission agaçante

 

Au volant, c'est évidemment la fameuse transmission semi-automatique qui attire toute l'attention et qui se place en tête des critiques. En mode automatique, les passages de rapport sont excessivement désagréables en raison de cette pause marquée et plutôt longue entre chacun. Le corps et la tête suivent le mouvement et on finit sans doute par s'y habituer, bien que ce ne soit pas une des meilleures composantes de la Smart... On ne lui décernera jamais un prix d'excellence. La solution consiste à tirer sur la palette de gauche, sous le volant, ce qui a pour effet de mettre la boîte en mode manuel. Les changements de rapport deviennent plus supportables et le ronron du moteur est loin d'être déplaisant à l'oreille. À 6500 tr/min, le petit quatre cylindres de 1 litre et 70 chevaux se donne même une sonorité sportive.

 

En général, la Smart est bien campée sur ses roues et tient la route avec une belle insistance. On ne peut témoigner de la même générosité pour le confort qui, à cause de l'empattement très court, est «net, frette, sec».

 

Pour la conduite hivernale, le système de chauffage s'acquitte fort bien de sa tâche tout comme les sièges chauffants. Le seul bémol vient de la lunette arrière, qui exige de fortes provisions de lave-glace et de très fréquents balayages de l'essuie-glace pour conserver une fraction de visibilité.

 

Côté adhérence, j'ai conduit sur une surface complètement glacée pendant un bon 200 km sans jamais sentir que ma sécurité était en jeu. Il suffit de faire preuve d'une plus grande attention et de conduire comme s'il y avait un oeuf sous chaque pédale. À tout évènement, le système de stabilité qui prend place à bord corrige promptement les écarts de trajectoire des roues arrière motrices.

 

Que conclure de cette expédition arctique, sinon qu'elle ne fut pas à la hauteur de nos attentes aventureuses? Comme des voyageurs pas ordinaires, nous souhaitions une fureur météorologique qui ne s'est jamais concrétisée. Cela n'enlève aucune valeur aux sept vaillantes petites Smart, mais on aurait souhaité leur rendre la vie un peu plus difficile.

 

Photo fournie par Jacques Duval