En matière d'automobile, le Canada et les États-Unis se confondent souvent, mais il existe quand même des variantes, que ce soit dans les marques jadis réservées au seul marché canadien (Acadian et Meteor, par exemple) ou pour des modèles qui affichent des différences de présentation ou de motorisation.

Et dans au moins un cas, celui que nous vous présentons aujourd'hui, c'est l'appellation qui change. Bref, pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué!

 

Une Saratoga 1961, ça n'existe pas...

À la fin du millésime 1960, Chrysler a éliminé la Saratoga de son catalogue. Pourtant, quelle ne fut pas notre surprise, l'été dernier, de tomber sur une Saratoga 1961! Erreur de transcription de l'année dans notre calepin, croyions-nous. Pourtant, le style est bien celui des modèles 61. Un appel à Gilles Langois, son sympathique propriétaire, nous a confirmé ce que nous soupçonnions... Il s'agit d'un modèle canadien!

Le nom Saratoga paraît pour la première fois chez Chrysler en 1939. Il fait alors partie de la Série C-23, au même titre que les Imperial et New Yorker; il est donc plus abordable que les Custom Imperial de la Série C-24. En 1946, à la reprise des activités industrielles après la Deuxième Guerre mondiale, Chrysler abandonne la désignation par séries. La Saratoga revient, cette fois comme modèle à part entière. En fait, il s'agit de la version huit cylindres de la Royal à laquelle on a réservé le six cylindres. Pour souligner sa supériorité, la Saratoga adopte le même empattement que la New Yorker, un modèle perché un peu plus haut dans la hiérarchie de Chrysler.

Au fil des années 60, la Saratoga reçoit sa part d'améliorations mais demeure toujours un modèle de milieu de gamme, quand il est offert! En effet, de 1953 à 1956 inclusivement, la Saratoga ne figure pas au catalogue. Elle revient en 1957 en se plaçant au-dessus de la Windsor, mais une coche sous les New Yorker et 300C. Puis, en 1961, la Saratoga disparaît du catalogue américain. La Windsor, le modèle d'entrée de gamme, devient ainsi un modèle intermédiaire et c'est désormais la Newport qui occupe le bas de l'échelle.

De la boucane sous les ailes

Au Canada, la situation est différente. La Windsor demeure le modèle le moins huppé, mais la Saratoga retrouve sa place en milieu de gamme en versions berline et coupé, tandis que la New Yorker continue de trôner au sommet. Enfin, presque au sommet, puisque Chrysler propose aussi la très exclusive 300G.

La Saratoga 1961 de Gilles Langlois est un coupé. Lorsqu'il en devient propriétaire en 1991, M. Langlois, qui n'est pas à son premier modèle Mopar, n'a pas à effectuer une restauration très importante puisque le véhicule a toujours été très bien entretenu. Sa très rare voiture (il n'y en aurait que quelques-unes au Québec, voire au Canada) cache un V8 de 383 pouces cubes (6,2 L), surnommé Golden Lion.

Alimenté par un carburateur double corps, le moteur fait 305 chevaux, ce qui est amplement suffisant «pour faire de la boucane sous les ailes», selon le principal intéressé. La version à carburateur quatre corps qui produisait dans les 315 chevaux n'était donc pas nécessaires, mais notre Saratoga comporte néanmoins plusieurs autres options, notamment les vitres électriques, les sièges électriques à trois positions, la radio AM avec recherche de postes et le dégivreur arrière.

Après les envolées stylistiques des années 50, le design automobile s'assagit légèrement au début des années 60, et les fameuses ailes s'estompent graduellement pour finir par disparaître chez Chrysler dès 1963. Par contre, la roue de secours fictive orne encore le coffre arrière de notre Saratoga, et l'imposante calandre avant est flanquée des deux paires de phares disposées en V. Et ce n'est que l'extérieur. Vous devriez voir l'habitacle, qui abrite un tableau de bord pour le moins futuriste orné d'une instrumentation chapeautée d'un dôme transparent. Autre temps, autres moeurs. Mais quelle gueule!

La Saratoga canadienne demeure en production jusqu'en 1964. Ensuite, le nom est mis au rancart pour de bon, sauf sur quelques marchés. C'est ainsi que de 1989 à 1995, la Saratoga roule en Europe, mais sous la forme d'une très modeste Dodge Spirit. Une triste fin pour une voiture jadis si opulente.