La première industrie automobile viable est née en France au début du siècle dernier, mais il n'aura fallu que quelques années pour que l'Amérique se hisse au premier rang mondial. Si les productions américaines manquaient de finesse, elles étaient néanmoins robustes et fiables et, dès la Première Guerre mondiale, l'automobile américaine se manifestait sur les marchés mondiaux.

Plusieurs marques américaines trouvent au milieu des années 20 des distributeurs en Europe. Certains modèles sont exportés sous forme de châssis roulants pour être habillés par des carrossiers européens. Parmi ces marques, mentionnons les Duesenberg, représentées par E.Z. Sadovich, et les Packard, vendues par Maurice Barbezat sur la prestigieuse avenue des Champs-Élysées.

Années prospères

Né en 1884, Maurice Barbezat est un ingénieur qui débute dans l'automobile chez Gobron-Brillié. Après la guerre, Barbezat prend en main les établissements Gobron-Brillié à Boulogne pour l'importation de voitures américaines. En 1924, il devient distributeur exclusif de Packard en France.

En cette période de prospérité que furent la fin des années 1920 en France, les affaires de Barbezat roulent rondement et les robustes châssis Packard sont habillés aux goûts des clients par des artisans comme Binder, Kellner, Letourneur&Marchand, Franay, ainsi que Hibbard et Darrin, des carrossiers américains installés en France.

Notre Packard, une Town Car Transformable Série 17 051 939, fut carrossée par Jean-Baptiste Franay, dont les ateliers se sont établis en 1903 à Levallois-Perret, près de Paris. Franay, qui avait travaillé auparavant chez Henry Binder, réussit à créer son propre style, caractérisé par un arrière arrondi et fortement incliné. Outre cette Packard, Franay habillait aussi des Hispano-Suiza, des Duesenberg, des Delahaye et, à l'occasion, des Rolls-Royce et des Bentley. C'est d'ailleurs avec une Bentley S-Type Continental que Franay tire sa révérence quelques années après le conflit de 1939-1945.

Deux fois réquisitionnée

Livrée en février 1939 par Barbezat à Guibal Roxas, un aristocrate français, la Packard est réquisitionnée en 1940 par le général allemand Carl-Heinrich von Stülpnagel, l'un des conspirateurs qui essayèrent d'assassiner Hitler, qui fut, comme les autres, exécuté à Berlin en août 1944. Entre-temps, à la libération de Paris, la Packard passe aux mains des Américains, qui ont la mauvaise idée de la peindre aux couleurs militaires, en vert olive!

En mai 1945, la voiture est rattachée aux quartiers généraux de Frankfort, où elle est endommagée dans une collision et destinée à la casse. Heureusement, le sergent William Kimmel la sauve juste à temps d'une disparition certaine. Le brave sergent restaure la voiture et la repeint en bleu et gris métallisé, puis la ramène avec lui aux États-Unis en 1953.

Restaurée à la perfection il y a une quinzaine d'année, la belle Packard orne la prestigieuse collection Blackhawk jusqu'à son acquisition en 2004 par Art Astor, notable collectionneur californien.

Sous la magnifique robe crème et noir, l'intérieur de cette «transformable» (ainsi qualifiée à cause du panneau de toit amovible au-dessus de la tête du chauffeur) est tendu de velours côtelé Bedford et ses panneaux latéraux sont garnis de bois précieux. Le compartiment du chauffeur est garni de cuir noir. Le compteur marque 94 171 milles. Quant au moteur d'origine, il s'agit d'un huit-cylindres en ligne de 5,2 litres et 130 chevaux.

Souvent primée, cette Packard a été offerte aux enchères avec quelque 200 autres voitures d'exception de la collection Astor, une collection soigneusement bâtie au cours d'une période de 30 ans. Accompagnée de sa plaque d'immatriculation parisienne, du mode d'emploi d'origine pour la dépose du toit amovible et des factures payées pour les travaux réalisés au fil des ans, la Packard «française» fait sans doute la fierté de son nouveau propriétaire.