Sans tambour ni trompette, l’Université du Québec à Montréal a levé, à l’automne 2021, l’interdiction temporaire d’accès au fonds d’archives de Claude Jutra, mesure instituée en février 2016 à la suite de révélations quant à des actes de pédophilie lui étant reprochés.

La Presse a fait ce constat au hasard d’une consultation sur le site internet du Service des archives et de gestion de documents de l’UQAM pour un autre sujet. L’institution n’a pas diffusé un avis ou un communiqué de presse annonçant la levée de l’interdiction.

« Comme c’est le cas pour l’ensemble de nos traitements de fonds, nous n’avons pas publicisé sa réouverture », indique Caroline Tessier, directrice du Service des communications, dans un échange de courriels avec La Presse.

En février 2016, l’auteur Yves Lever publie une biographie de Claude Jutra dans laquelle il indique que le cinéaste, disparu en 1986, a commis des actes de pédophilie dans sa vie.

Deux témoignages, recueillis par La Presse et publiés dans les jours suivants, vont aussi dans ce sens.

Du coup, une tempête se lève dans le monde culturel québécois. Le nom de Claude Jutra est effacé du gala du cinéma québécois et de la salle principale de projection de la Cinémathèque québécoise. Des rues, places et parcs lui rendant hommage changent de nom. Une sculpture à sa mémoire signée Charles Daudelin est vandalisée et enlevée d’un parc montréalais.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

La statue vandalisée au parc Claude-Jutra, à l’angle des rues Clark et Prince-Arthur, en février 2016

Au même moment, l’UQAM suspend l’accès au fonds « par souci de ne pas porter atteinte à la vie privée de tierces personnes ni à leur réputation », indique-t-on alors. Il était question de procéder à une évaluation complète du contenu.

Lisez « L’UQAM interdit l’accès aux archives de Claude Jutra »

Cinq ans plus tard, en mars 2021, La Presse publie un article indiquant que l’ensemble du fonds demeure toujours inaccessible. On nous indique alors que le service des archives n’est pas subventionné pour la conservation d’archives privées, que ses ressources sont limitées et que la pandémie de COVID-19 explique le long délai de traitement.

Lisez « Les archives de Claude Jutra toujours indisponibles »

Finalement, l’interdiction est levée dans les mois suivants.

Nouvelle évaluation en 2040

L’examen approfondi des archives ne s’est pas traduit par « l’élimination de pièces », nous indique Caroline Tessier. Par contre, comme prévu à l’origine, certains éléments du fonds sont sous scellés pour une période de 50 ans, jusqu’au 1er juin 2040. Car ces documents, dont un journal personnel, pourraient contenir des informations sur des tiers.

À compter du 1er juin 2040, cette restriction pourra être reconsidérée grâce à une nouvelle évaluation des documents basée sur les lois en vigueur.

Caroline Tessier, directrice du Service des communications de l’UQAM

Réalisateur et acteur québécois, Claude Jutra a entre autres signé les œuvres Mon oncle Antoine, Kamouraska et À tout prendre. Rappelons que la Cinémathèque québécoise possède aussi une partie, plus restreinte, des archives de Claude Jutra.