(Toronto) L’acteur Elliot Page est dans une position un peu étrange, dit-il, en étant l’un des hommes transgenres les plus visibles au monde.

Il se sent dans une meilleure posture que jamais. L’artiste né à Halifax est lui-même aujourd’hui, sans réserve. Mais en même temps, il se dit membre d’une communauté attaquée de toutes parts.

« La visibilité, c’est compliqué », a-t-il confié à La Presse Canadienne lors d’une récente entrevue.

« Nous avons sans aucun doute besoin de nous voir et de refléter notre joie, et je sais à quel point cela m’a aidé dans mon parcours. Mais cela peut aussi entraîner des réactions négatives, et mener à ce que les membres les plus vulnérables de notre communauté soient touchés davantage de cette façon. »

Cette dissonance est présentée dans Pageboy, ses mémoires publiées par HarperCollins Canada plus tôt ce mois-ci.

« J’essaie juste d’atteindre un équilibre dans ma propre vie », a-t-il raconté.

Le livre donne aux lecteurs un regard non linéaire sur sa vie, explorant son enfance à Halifax, son entrée précoce dans le métier d’acteur, la renommée qui est venue de son rôle dans Juno et le traumatisme qui accompagne souvent le fait d’être queer à Hollywood.

IMAGE TIRÉE DU FILM JUNO

Elliot Page et Michael Cera

Il parle de plusieurs agressions sexuelles, des spéculations publiques sur son orientation sexuelle dans sa jeunesse, du harcèlement auquel il a été confronté lorsqu’il a fait sa sortie du placard en tant que lesbienne en 2014 et de l’incrédulité qui a suivi lorsqu’il a annoncé qu’il était transgenre, six ans plus tard.

Le fil conducteur de son identité de genre est sa réalisation, parfois consciente, de ne jamais être une fille ou une femme. Et avec la puberté est venue l’apparition de la dysphorie de genre – ce qu’il décrit comme « un profond inconfort, une confusion et une incongruité avec [son] esprit et [son] corps ».

« Quelque chose en moi a toujours su, mais c’était comme si je m’en dissuadais, comme si je me trouvais un moyen de le contourner parce que c’était juste trop gros », a-t-il relaté.

Des gains et des reculs

Alors que la société accepte de plus en plus la communauté LGBTQ+, un ressac a émergé et des segments de la population ont tenté de récupérer les gains récents.

Il y a eu un assaut de législations antitrans aux États-Unis, où Page vit maintenant, avec plus d’une douzaine d’États interdisant ou restreignant les soins affirmant le genre pour les mineurs.

Et bien qu’il soit tentant de penser que le Canada est un refuge tolérant pour les personnes LGBTQ+, Page note que ce n’est pas nécessairement le cas.

Le climat est légèrement meilleur au Canada, mais il y a encore beaucoup de chemin à faire. Nous voyons cette rhétorique très forte, agressive et antitrans, ce comportement, ces attaques à grande échelle [et] ces projets de loi qui sont présentés et adoptés. Nous voyons cela se propager au Canada.

Elliot Page

Il a cité l’exemple du Nouveau-Brunswick, où les enseignants sont désormais tenus d’obtenir le consentement parental avant de pouvoir utiliser les pronoms et noms préférés des élèves transgenres et non binaires de moins de 16 ans.

« Nous devons être très, très prudents quant à la façon dont nous encadrons la conversation au Canada, car c’est une pente glissante », a-t-il prévenu.

Les conversations sur les réseaux sociaux peuvent être particulièrement acerbes, un flux constant de haine. Page dit que personnellement, il ignore et évite ces discours et messages.

« Ce n’est pas quelque chose que je veux inviter dans ma vie et dans mon espace, a-t-il expliqué. Je sais qui je suis. »