(Park City) 6 janvier 2025, aux États-Unis. Le président désigné voit avec stupeur son rival, battu de justesse, en appeler aux forces armées pour renverser le résultat de la présidentielle, tel est le scénario du docufiction War Game qui anticipe un nouvel assaut du Capitole.

Dans la réalité, le 6 janvier 2021, ce ne sont pas des soldats, mais des centaines de partisans de l’ex-président Donald Trump qui ont violemment pris d’assaut le Capitole, siège du pouvoir législatif et sanctuaire de la démocratie américaine, pour protester contre la victoire de son adversaire démocrate Joe Biden.

Présenté au festival du film indépendant de Sundance, War Game met en scène d’anciens responsables politiques et militaires dans un jeu de rôle non scénarisé imaginant une nouvelle attaque du Capitole, un évènement qui hante et divise encore les Américains.

Pour ses réalisateurs, le scénario n’est pas si farfelu, alors que l’élection de novembre devrait voir, sauf surprise, un retour du match Trump-Biden, et que le premier ne cesse de parler de « vengeance ».

« C’est terrifiant à quel point le film est d’actualité », fait valoir le coréalisateur Jesse Moss. « Et je m’inquiète de savoir à quel point il pourrait encore l’être dans un an. »

Dans le film, Steve Bullock, ancien gouverneur du Montana, joue le rôle d’un président des États-Unis qui dispose de six heures pour décider de la manière à adopter pour réagir à cette tentative de coup d’État.

« Pendant six heures, nous avons tous vécu une véritable expérience », raconte Steve Bullock. « C’était un environnement stressant, personne ne pensait à la présence des caméras. »

Dans le film, ses conseillers sont des sénateurs américains, des agents de la police fédérale (FBI) et des renseignements (CIA), mais aussi des colonels ou encore un ancien commandant de l’OTAN.

Réunis dans une salle d’opération inspirée du film culte Dr Folamour de Stanley Kubrick, ils sont pris entre les informations continues des services de renseignement, des réseaux sociaux et d’une chaîne de télévision.

« Sujet controversé »

Au même moment, des paramilitaires, joués par d’anciens vétérans américains, répandent la désinformation en ligne pour encourager les soldats à rompre les rangs.

Cette scène est inspirée d’une tribune du Washington Post écrite par trois généraux américains en 2021, mettant en garde contre la montée de l’extrémisme dans l’armée et appelant à se préparer à une éventuelle insurrection après l’élection de 2024.

Selon eux, « un nombre inquiétant de vétérans et de militaires en service ont pris part à l’assaut du Capitole ».

Vet Voice, une fondation représentant les vétérans de l’armée américaine et leurs familles, a accepté de laisser entrer des caméras pour le film et a rédigé un rapport à destination des autorités.

Pour seule réponse, l’administration américaine lui a envoyé « merci », s’amuse Janessa Goldbeck, directrice de Vet Voice.

« Beaucoup de gens au sein de l’administration travaillent sur ce sujet, mais il est controversé », car perçu par certains comme un « manque de respect envers nos troupes et nos anciens combattants », affirme-t-elle.

« Menaces bien réelles »

Si War Game utilise des personnages fictifs, il est difficile de ne pas y voir l’ombre de Donald Trump.

Le magnat de 77 ans, grand favori de la droite américaine pour l’investiture républicaine en vue de l’élection de novembre malgré plusieurs procès le visant, est même mentionné dans le film par deux conseillers.

Ils discutent de la possibilité ou non d’invoquer la loi qui permet au président de recourir aux troupes fédérales pour ramener l’ordre face à une insurrection.

Accusé au pénal d’avoir conspiré en vue de renverser le résultat de l’élection de 2020, Donald Trump a déjà fait allusion à un possible élargissement du rôle de l’armée aux États-Unis s’il remporte un second mandat.

Ce qui a conduit au 6 janvier 2021, de l’extrême polarisation de la société américaine à « la réalité alternative dans laquelle certains semblent vivre », dépasse toutefois Donald Trump, fait remarquer le coréalisateur Jesse Moss.

« Mais Trump est au cœur » de ce mouvement, ajoute-t-il. « Les menaces que nous mettons en scène dans le film sont graves, terrifiantes et bien réelles ».