Les études montrent qu’un conducteur québécois commet en moyenne 700 infractions au Code de la sécurité routière par constat d’infraction reçu.

« Le 700 inclut tout ce qui va à l’encontre du Code, même un changement de voie non signalé avec les clignotants, par exemple, dit Marco Harrison. Des impairs, on en commet beaucoup, et je m’inclus là-dedans. Conduire un véhicule, c’est l’une des choses les plus difficiles qu’on a à faire comme humains. Ça demande toute notre attention, c’est encore plus risqué pour quelqu’un qui est distrait. »

Pour Martin Lavallière, les automobilistes savent bien que les risques de recevoir un constat d’infraction sont faibles. Dans les faits, l’obligation d’adopter un comportement sécuritaire sur la route est facultative.

L’impunité ouvre la porte aux comportements déviants, car on n’a pas l’impression qu’il y a de conséquences. Les gens se disent : “Je peux me permettre de brûler le feu rouge.” Mais les conséquences, elles arrivent par la bande. On les voit dans le bilan routier qui est mauvais.

Martin Lavallière, professeur au département des sciences de la santé de l’UQAC

Le professeur aimerait que les véhicules automobiles puissent eux-mêmes donner des constats d’infraction à leur conducteur. « Avec la technologie, ce serait assez simple. Avec le GPS, le véhicule connaît la limite de vitesse et sait si le conducteur ne la respecte pas. Les gens aiment blâmer les policiers quand ils reçoivent un constat d’infraction, mais là, ils ne pourraient s’en prendre qu’à eux-mêmes. »

Selon lui, les comportements délinquants sont trop tolérés au Québec.

« Conduire pas attaché, une bière entre les jambes, ça ne fait pas si longtemps que ça n’est plus accepté. Il faut arrêter de tolérer les comportements délinquants, le cellulaire au volant, brûler des feux rouges, c’est inquiétant. Est-ce volontaire ? Si les gens ne sont pas conscients, c’est encore plus inquiétant. Qu’est-ce qu’ils font en conduisant ? Quand on conduit, on ne doit pas faire autre chose : on conduit ! »

« L’asphalte n’est pas plus noir »

Même si le bilan routier est moins mauvais en Ontario, cela ne veut pas dire pour autant que les déplacements y sont agréables et sécuritaires, nuance quant à lui Éric Dumont, professeur de neuroscience de l’Université Queen’s, en Ontario.

« On entend souvent dire qu’en Ontario, les automobilistes sont courtois avec les piétons. J’aimerais que ça soit vrai, mais au quotidien, je ne le vois pas, dit-il. L’asphalte n’est pas plus noir chez le voisin, malheureusement. »

À Kingston, la ville universitaire où il habite, les automobilistes dépassent régulièrement la limite de vitesse autorisée et ne s’arrêtent pas pour laisser traverser les piétons, pas même les enfants qui se rendent à l’école. En février 2022, une fillette de 10 ans est morte après avoir été happée par le conducteur d’une camionnette Chevrolet Silverado devant son école primaire.

Des rues larges et l’absence de saillies des trottoirs, et parfois de trottoir tout court, encouragent la vitesse élevée, dit-il.

« Les gens roulent en fou dans des quartiers avec plein d’enfants pour gagner 10 secondes. On a demandé à la Ville d’installer des dos d’âne, mais elle ne veut pas. Elle dit que ça nuirait aux pompiers, même si je n’ai jamais vu un camion d’incendie ici depuis des années. Pendant ce temps-là, mes enfants risquent leur vie tous les jours en se rendant à l’école. Et je pèse mes mots. »