Attention à nos enfants, c’est peut-être le vôtre. Le vôtre qui, de sa chambre ou du sous-sol, visionne de la pornographie de plus en plus crue, dégradante et violente.

On aurait tort de blâmer les jeunes. Ils ont les hormones au plafond, ils sont curieux et explorent ce qui est à leur portée. C’est normal. Ce qui ne l’est pas, c’est l’accessibilité et la banalisation de contenu à caractère sexuel à la limite de la légalité.

C’est nous tous qui, comme société, avons la responsabilité de protéger les mineurs contre l’industrie multimilliardaire de la porno.

Le récent dossier du collègue Tristan Péloquin montre que certaines formes de pornographie sont pratiquement devenues des incitations au viol. Il révèle également que les algorithmes favorisent ces scénarios extrêmes une fois visionnés1.

On commence à peine à comprendre les conséquences de tels contenus sur des enfants qui sont en pleine découverte de la sexualité et qui n’ont pas toujours les outils pour relativiser ce qu’ils voient.

Bien sûr, personne ne veut en parler. La pornographie relève de l’intime. Sa consommation est souvent cachée et tue.

Le temps est toutefois venu de crever l’abcès. Parce que ceux qui bénéficient du tabou actuel sont les géants de l’industrie.

Tant qu’on ne discute pas de leurs pratiques, tant qu’on fait semblant qu’ils n’existent pas, ils ont le champ libre.

Ce qui est de plus en plus décrit comme une « crise de santé publique » exige, justement, une réponse publique. Ça devrait être d’autant plus vrai chez nous, alors que MindGeek, le leader mondial du domaine qui exploite les sites Pornhub et YouPorn, est montréalais.

Faire le ménage dans le contenu qui circule ? C’est utopique. Pour la pornographie juvénile et pour les victimes qui se retrouvent sur des vidéos sans leur consentement, ça doit être tolérance zéro. Mais pour le reste, bonne chance pour déterminer quelle pratique est acceptable et laquelle ne l’est pas.

La moindre des choses serait néanmoins de protéger les yeux des mineurs. L’Allemagne, la France, la Grande-Bretagne et la Louisiane font partie des juridictions qui ont décidé d’exiger une vérification de l’âge des internautes qui veulent accéder à la pornographie.

La Louisiane y parvient grâce au « portefeuille numérique », un concept semblable à l’identité numérique qui doit être implantée au Québec en 2025. On n’a toutefois pas à attendre aussi longtemps. Il est déjà possible d’obliger les sites pornographiques à vérifier l’âge de leurs clients par l’entremise d’entreprises tierces qui seraient approuvées par le gouvernement. La plateforme Yoti, par exemple, offre de tels services.

Chez nous, il faut saluer les efforts de la sénatrice Julie Miville-Dechêne, qui a élaboré un projet de loi destiné à restreindre l’accès à la pornographie pour les mineurs (voir autre texte en Débats 5).

Ce projet de loi est maintenant à l’étude par la Chambre des communes et il faut souhaiter une adoption rapide. La fameuse liberté d’expression est parfois invoquée à toutes les sauces, mais il ne s’agit pas de cela ici.

Il s’agit de protéger les mineurs de contenus susceptibles de leur causer toutes sortes de problèmes, de la dépendance aux troubles dans les relations intimes.

La crainte d’avoir l’air puritain ne devrait pas non plus nous empêcher d’agir. Pas plus que l’idée voulant que les entreprises (ou les jeunes eux-mêmes) parviendront à contourner les lois. Ce serait abdiquer nos responsabilités.

En parallèle à la vérification de l’âge, il est aussi impératif de préparer les jeunes à la nouvelle réalité. Le ministère de l’Éducation précise que « les contenus obligatoires en éducation à la sexualité de 2e, 3e et 4e secondaire contiennent des notions en lien avec le matériel sexuellement explicite, ce qui inclut la pornographie ».

On peut toutefois se demander si c’est suffisant.

Le cours Culture et citoyenneté québécoise remplacera prochainement celui intitulé Éthique et culture religieuse partout dans la province. Or, le mot « pornographie » n’est toujours pas présent dans les programmes provisoires affichés sur le web. Il est temps de rectifier le tir.

En attendant, pourquoi ne pas envoyer des spécialistes parler de pornographie dans les écoles ? Ça soulagerait les profs qui n’ont pas toujours les outils pour le faire.

L’idée n’est pas de sombrer dans la morale. Mais à l’heure où tous les fantasmes de la planète sont accessibles du bout des doigts, il faut avoir le courage de reconnaître que cela peut causer des problèmes. Et d’agir en conséquence.

1. Lisez l’article « Pornographie : “Une sorte d’éducation au viol” » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion