« On n’est pas des proches aidantes. On est des aidantes éloignées. »

Johanne Labbé a bien résumé le problème de la « gestion par code postal » de certains de nos aînés dans les CHSLD.

Qu’est-ce que la « gestion par code postal » ? En attribuant les places en CHSLD, on refuse à certains aînés de changer de région pour se rapprocher de leurs enfants, même s’ils y ont droit en vertu de la politique gouvernementale.

C’est ce qui s’est passé dans le cas de Georges Labbé, le père de Johanne, âgé de 86 ans et atteint de la maladie d’Alzheimer. Il vivait à Montréal dans une résidence privée avant d’être hospitalisé après plusieurs chutes. Son état s’est dégradé à l’hôpital, et on juge qu’il doit aller en CHSLD.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Georges Labbé et sa fille Manon

Comme trois de ses filles vivent à Québec, Georges Labbé aimerait avoir une place en CHSLD à Québec, où elles pourraient le visiter régulièrement. Impossible, il devra rester à Montréal, a-t-on répondu au départ à la famille Labbé. Déconcertée, perdue dans les « dédales administratifs », la famille Labbé a raconté son histoire à notre collègue Ariane Lacoursière la semaine dernière.

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Finalement, après la publication de l’article dans La Presse, le cabinet de la ministre responsable des Aînés, Sonia Bélanger, a demandé des vérifications au réseau. Celui-ci s’est réveillé : M. Labbé pourra intégrer aujourd’hui un CHSLD à Québec1.

C’est tant mieux pour la famille Labbé. Le journalisme de qualité peut dénoncer les petites et grandes injustices de la vie, parfois même les corriger.

Mais on ne pourra malheureusement pas régler toutes les injustices dans les médias. Et ça n’explique pas la décision initiale. D’autant que la situation de Georges Labbé n’est pas un cas isolé selon le Conseil pour la protection des malades, qui reçoit chaque année des dizaines de dossiers similaires.

En théorie, la politique du gouvernement du Québec est claire : un patient qui doit être transféré en CHSLD a le droit de choisir la région où il sera transféré, dans les limites du raisonnable. Par exemple, s’il veut se rapprocher de ses enfants. Les demandes pour une place en CHSLD doivent être évaluées selon l’état de santé du patient, pas selon son dernier code postal. La « gestion par code postal » est interdite.

Le gouvernement Legault a réitéré ce principe en avril dernier dans son cadre de référence pour l’hébergement dans les établissements de soins de longue durée, après s’être fait taper sur les doigts par le Protecteur du citoyen en 2021.

Une demande de transfert de région pour un aîné qui y a droit devrait être une formalité, ou une affaire de quelques jours.

En pratique, c’est loin d’être le cas, estime le Conseil de la protection des malades. Selon le Conseil, le réseau fait encore en pratique de la « gestion par code postal ». On interdirait des transferts de régions qui devraient être autorisés.

Dans le cas de Georges Labbé, les CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal et de la Capitale-Nationale se sont d’abord renvoyé la balle. On a même suggéré informellement aux filles de M. Labbé d’amener leur père elles-mêmes aux urgences à Québec…

Pas fort.

En plus de l’état de santé de leur parent, les familles ne devraient pas avoir à se battre contre le réseau pour demander un transfert de région.

Heureusement, le gouvernement Legault veut redresser la barre et faire respecter sa politique. « Les volontés des personnes hébergées, les besoins et le rôle des proches aidants sont des facteurs très importants à intégrer pour trouver le bon lieu d’hébergement », nous écrit le cabinet de la ministre Sonia Bélanger.

Il y a beaucoup de problèmes urgents et complexes à régler dans le réseau de la santé. On manque de personnel, les listes d’attente sont trop longues, on manque de places en CHSLD, etc.

D’accord, les demandes de transfert de région en CHSLD ne sont pas le problème le plus urgent. Mais c’est simple à régler et ça améliorera la qualité de vie de nombreux aînés.

Il faut espérer que le cas de Georges Labbé rappelle à tous les gestionnaires du réseau que les aînés québécois dont l’état de santé le justifie ont le droit de choisir la région de leur CHSLD.

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