En avril, la Cour suprême de la Californie a rendu son verdict : le gouverneur Gavin Newsom pouvait aller de l’avant avec son plan CARE (Community Assistance, Recovery and Empowerment) visant à obliger les personnes souffrant de problèmes de santé mentale à se faire soigner.

Plus tôt cette année, une coalition de personnes avec handicap avait demandé à la Cour suprême de déclarer inconstitutionnel le projet CARE puisqu’il outrepassait des procédures et mettait en péril la protection des droits des individus.

Avec le projet CARE, une nouvelle cour civile verra le jour. Une cour qui aura pour mandat de diriger les personnes avec des troubles de santé mentale et les sans-abri qui refusent des traitements vers des soins et de l’hébergement.

Des patients qui pourront être dirigés par la police, des personnes œuvrant en santé mentale, des médecins et des membres de la famille.

L’introduction du système CARE fait en sorte que la cour pourra ordonner une évaluation clinique de l’individu et, si son état correspond à certains critères, exiger un suivi auprès de travailleurs de la santé. Le manque de collaboration mènera à d’autres audiences et actions de la cour pouvant aller jusqu’à la tutelle.

À la dérive, sans soins

Depuis une vingtaine d’années, on voit des patients avec des problèmes de santé mentale transférés dans des résidences supervisées ou dans les communautés afin de mettre fin à des pratiques d’institutionnalisation systématiques. On connaît tous des personnes atteintes de problèmes de santé mentale et des familles aux prises avec des enfants malades. Les services de psychiatrie débordent et les communautés manquent de ressources pour aider et prendre en charge les patients.

La très grande majorité des personnes ayant des problèmes de santé mentale, itinérantes ou non, ne pose aucun danger et ces personnes vivent leur vie en toute liberté selon les mêmes contraintes de la loi que les autres. Sauf que les grandes villes sont aussi aux prises avec de plus en plus de personnes avec des problèmes de santé mentale et des sans-abri qui sont laissés à la dérive sans soins, sans supervision, sans toit.

Dans certains cas, des personnes souffrant de troubles de santé mentale peuvent être admises temporairement dans des installations psychiatriques sur une base volontaire ou involontaire, c’est-à-dire si elles y consentent ou non, selon qu’elles posent un danger pour leur sécurité ou celle d’autrui.

Les lois sur la santé mentale des provinces précisent qu’une personne peut être détenue comme patient involontaire si un médecin considère que le patient satisfait les critères de la loi ou si une cour ordonne une évaluation psychiatrique. La détention n’est que de 24 à 96 heures, selon la province. Un patient peut être détenu plus longtemps, mais dans ce cas, il a droit à une révision. La cour doit prendre en considération la liberté et la dignité des personnes avec des troubles mentaux, leur sécurité et celle d’autrui.

Hausse marquée

Une étude portant sur les hospitalisations psychiatriques en Colombie-Britannique montre que les hospitalisations involontaires sont encore bien présentes. Si, en 2008, les hospitalisations involontaires représentaient 44,6 % de toutes les hospitalisations, 10 ans plus tard, elles étaient rendues à 57 %. Un bond qui correspond à une croissance de 65,7 % des hospitalisations involontaires entre 2008 et 2018.

Pour les chercheurs de l’étude, ce n’est pas tant l’hospitalisation involontaire qui doit être privilégiée, mais bien le système de soins volontaires.

Parmi les patients qui avaient visité les urgences en 2017-2018, 25 % des patients avec des problèmes de santé mentale et 75 % des patients toxicomanes (dont 50 % avaient des troubles de santé mentale concomitants) n’avaient pas eu de visite psychiatrique dans l’année. Et 25 % des patients avec des troubles de santé mentale et des problèmes de consommation n’avaient pas de problèmes de santé mentale lors de leur dernière visite annuelle. L’augmentation des hospitalisations serait, pour les chercheurs, le résultat de soins et de suivis non rendus et insuffisants.

De plus, 75 % de toutes les hospitalisations pour les patients schizophrènes étaient involontaires. Les personnes souffrant de schizophrénie pourraient être plus à risque de réhospitalisation étant donné le lien entre hospitalisation involontaire et la non-prise des médicaments. La relation entre clinicien et patient est importante pour prévenir les hospitalisations involontaires.

Plus de ports d’attache

Le gouvernement du Québec a annoncé qu’il allait revoir la loi 38 sur la protection des personnes dont l’état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui. Québec est particulièrement préoccupé par la porte tournante de patients qui sortent d’un établissement pour être réadmis peu de temps après faute de prise en charge dans la communauté.

Certes, le système de santé mentale doit être revu. Les patients atteints de troubles de santé mentale ont besoin de plus de soins, de suivis et de ressources d’hébergement. Forcer des patients à se faire soigner est une option qui ne devrait pas occulter la nécessité d’avoir les ressources suffisantes pour y arriver.

De plus, le communautaire doit faire partie de l’élaboration de la solution.

À l’heure actuelle, le communautaire assure une grande part des hébergements en santé mentale dans la communauté, sans trop de ressources financières.

Il importe d’améliorer la prise en charge, de mieux épauler les patients avec des problèmes de santé mentale et de toxicomanie avec des services de proximité adéquats, de soutenir les familles et de ne pas abandonner ces personnes à la dérive qui ont besoin de soins, de supervision et surtout d’un toit.

La Colombie-Britannique a annoncé des investissements de 1 milliard de dollars sur trois ans pour régler les problèmes de santé mentale et de toxicomanie. Québec devrait prendre exemple, prioriser la santé mentale et investir davantage.

Lisez « Is forced treatment for the mentally ill ever humane ? » Lisez « Trends in Involuntary Psychiatric Hospitalization in British Columbia » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion