Lorsqu’une personne décède, les gens se rassemblent pour lui rendre hommage, honorer sa mémoire et soutenir ses proches. Toutefois, lorsqu’il s’agit des milliers d’enfants qui ont disparu alors qu’ils étaient dans les pensionnats indiens, certains semblent penser que les communautés autochtones devraient simplement tourner la page. Pourquoi ?

Les familles et les communautés autochtones ont passé des décennies à chercher les enfants qui ont été envoyés dans ces établissements d’assimilation et de génocide.

Dans un rapport publié en 2015, la Commission de vérité et réconciliation du Canada a recensé 3200 décès confirmés⁠1, mais a ajouté que le nombre réel était probablement beaucoup plus élevé.

Le Centre national pour la vérité et la réconciliation a depuis relevé plus de 4000 décès dans le cadre de son travail de création d’un registre national des élèves dont le décès a été confirmé⁠2.

Par ailleurs, les communautés continuent de faire des annonces concernant l’existence potentielle de sépultures anonymes situées sur les sites des pensionnats indiens et d’autres sites connexes tels que des hôpitaux ou des sanatoriums. Ainsi, certaines familles obtiennent enfin des réponses sur ce qui est arrivé à leurs enfants, mais beaucoup attendent encore.

En raison de l’absence d’un financement suffisant, d’un accès limité ou tardif aux archives et aux sites, et du manque d’autres formes de soutien indispensable, les survivants, les familles et les communautés, de même que les organisations qui s’efforcent de les aider, sont laissés à eux-mêmes pour effectuer le travail.

Il est honteux que les survivants, les familles et les communautés doivent se battre pour que leurs enfants disparus soient traités avec l’honneur, le respect et la dignité que ce  pays leur a refusés de leur vivant.

Pire encore, il existe une vague de négationnisme qui vise à jeter le doute sur les faits fondamentaux au sujet des pensionnats indiens.

En plus d’être profondément blessant, le négationnisme constitue une réelle menace pour les efforts nationaux de vérité et de réconciliation en détournant l’attention des véritables horreurs qui se sont déroulées dans ces établissements.

En 2021, lorsque les Tk’emlúps te Secwépemc ont annoncé qu’un géoradar avait révélé la présence possible des sépultures de 215 enfants⁠3 près de l’ancien pensionnat indien de Kamloops, en Colombie‑Britannique, beaucoup d’entre nous s’attendaient à ce que le Canada reconnaisse enfin ses torts.

Plus de deux ans se sont écoulés, et la situation n’a pas suffisamment évolué.

En mars 2023, le Comité sénatorial des peuples autochtones a entendu le Centre national pour la vérité et la réconciliation et l’interlocutrice spéciale indépendante pour les enfants disparus et les tombes et les sépultures anonymes en lien avec les pensionnats indiens, qui contribuent à la recherche, à la sensibilisation et à la défense des droits concernant les répercussions des pensionnats indiens.

En se basant sur leur témoignage, le comité a publié un rapport provisoire le 19 juillet afin de soutenir leur travail précieux.

Six recommandations pratiques et réalisables

Au total, nous formulons six recommandations pratiques et réalisables à l’intention du gouvernement fédéral. Elles comptent les appels suivants :

  • accélérer le transfert de toutes les archives pertinentes des gouvernements, des Églises et d’autres entités ;
  • prolonger et accroître le financement mis à la disposition des communautés pour effectuer des recherches sur les sites des pensionnats indiens et d’autres sites où pourraient se trouver des sépultures ;
  • mettre en place un mécanisme multijuridictionnel pour aider les familles à accéder aux informations concernant leurs proches ;
  • fournir un financement adéquat, prévisible, stable et à long terme pour que le Centre national pour la vérité et la réconciliation puisse remplir son mandat ;
  • prendre des mesures pour lutter contre la montée du négationnisme.

De plus, notre comité a l’intention d’inviter les détenteurs de registres à une réunion du comité afin qu’ils nous expliquent pourquoi ils n’ont toujours pas divulgué ces registres au Centre national pour la vérité et la réconciliation.

Pour nous, la réconciliation n’est pas qu’un objectif unique, mais le travail de toute une vie. Ce n’est pas seulement une question de présenter des excuses et de reconnaître la vérité au sujet des torts infligés à des générations d’autochtones au Canada. Il s’agit d’un processus qui exige des gouvernements, des Églises et de la société dans son ensemble qu’ils prennent des mesures immédiates et concrètes qui mèneront à un avenir meilleur pour tous.

Comme l’a déclaré la Commission de vérité et réconciliation dans son rapport final, « sans vérité, justice et guérison, il ne peut y avoir de véritable réconciliation. La réconciliation ne vise pas uniquement à “fermer un triste chapitre du passé du Canada”, mais également à ouvrir de nouvelles voies de guérison basées sur la vérité et la justice ».

* Michèle Audette est membre du Comité sénatorial des peuples autochtones, survivante intergénérationnelle des pensionnats indiens et ancienne commissaire de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assssinées ; Brian Francis est président du Comité sénatorial des peuples autochtones et survivant intergénérationnel des externats indiens fédéraux.

1. Lisez le rapport de la Commission de vérité et réconciliation du Canada 2. Consultez le site du Centre national pour la vérité et la réconciliation 3. Lisez le communiqué de Tk’emlups te Secwepemc Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion