« Votre sommet a lieu un mois trop tôt », a déclaré le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, en ouverture du Sommet de l’Est qui se tenait au Stade olympique lundi.

Ce n’était peut-être pas la meilleure chose à dire au parterre enthousiaste qui s’était levé au petit matin pour assister à l’évènement, mais il avait raison.

Pourquoi trop tôt ? Parce qu’il faudra patienter encore quelques semaines avant de découvrir le contenu du rapport de l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) qui étudie les options de projet structurant pour l’est de Montréal.

Or, sans projet de transport, on a beau avoir les meilleures idées du monde, il manque l’essentiel.

Le transport collectif, c’est l’épine dorsale du développement de cette portion de l’île.

Le ministre Fitzgibbon, qui est également responsable de la grande région de Montréal, l’a très bien expliqué. Les entreprises qui pourraient être intéressées à s’y installer lui posent toujours deux questions : comment on se déplace et où on se loge ?

À l’heure actuelle, l’Est dépend beaucoup trop de l’auto solo. C’est compréhensible. Essayez de vous rendre voir un match du Canadien de Pointe-aux-Trembles. Ou d’aller travailler au centre-ville en partant de Saint-Léonard ou de Montréal-Nord. À l’exception des quartiers qui longent la ligne verte du métro, c’est le parcours du combattant pour se déplacer en transport collectif.

J’avais souvent entendu dire que pour un jeune de l’extrémité est de l’île, c’était moins long de filer en voiture vers l’Université du Québec à Trois-Rivières que de se rendre à l’Université de Montréal… Je pensais que c’était une boutade, qu’on exagérait. J’ai posé la question à plusieurs personnes lundi et on me l’a confirmé. C’est tristement vrai.

Les gens de l’Est sont admirables. Admirables d’être toujours aussi mobilisés malgré les revers et les refus. On leur a fait tellement de promesses au fil des ans.

Pensez seulement à la dernière campagne à la mairie de Montréal : Denis Coderre voulait faire de l’Est une nouvelle Silicon Valley, Valérie Plante y voyait le « pivot de la nouvelle économie ».

Même le premier ministre François Legault a déjà rêvé de transformer l’Est. Il en avait parlé dans son livre Cap sur un Québec gagnant : le projet Saint-Laurent. « Je fais le rêve, pour l’est de la ville, du développement d’un nouvel espace urbain constitué de bâtiments innovateurs et de belle architecture, avec des espaces verts, des parcs et des pistes cyclables, écrivait-il en 2013. J’y verrais un lieu idéal pour créer une zone d’innovation capable d’accueillir des industries de pointe […]. »

Ce n’est pas la première fois que les gens de l’Est se disent qu’enfin, leur heure est arrivée. Que c’est leur tour ! Avec le REM de l’Est, ils croyaient vraiment que ça y était.

Mais depuis que le gouvernement du Québec a repris le contrôle du projet des mains de la Caisse de dépôt et placement, les choses stagnent.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, ARCHIVES LA PRESSE

Rue Sherbrooke Est, à l’est de la station de métro Honoré-Beaugrand, là où le REM de l’Est devait passer… avant que le projet soit mis sur la glace.

Quelle option l’ARTM mettra-t-elle de l’avant dans son prochain rapport ? Plusieurs personnes à qui j’ai parlé lundi étaient inquiètes ou sceptiques. Un tramway ? Après ce qui vient de se passer à Québec ? Ce serait étonnant. Un métro ? Ça coûte cher et il faut creuser. Une énième version du REM ? Les yeux roulent… mais on s’accroche aux déclarations de Pierre Fitzgibbon et de François Legault qui ont tous les deux affirmé, avec conviction, qu’il fallait un projet structurant pour l’Est. Présent au Sommet lundi, l’actuel ministre des Transports au fédéral, Pablo Rodriguez, s’est quant à lui dit ouvert à un REM.

La pire chose qui pourrait arriver, c’est qu’on reporte encore ce projet de transport de 15 ou 20 ans. Quand on sait que la ligne bleue, dont on parle depuis au moins 20 ans, ne sera pas en opération avant 2030, on frémit.

D’autant plus que les gens de l’Est sont gonflés à bloc. Ce ne sont pas les projets qui manquent et les millions pleuvaient lundi (le PDG de la Chambre de commerce de l’Est évalue à 750 millions le total des engagements). Des exemples : 11 millions de dollars du fédéral pour des entreprises de l’Est, 100 millions de dollars d’Investissement Québec pour créer la Société de mise en valeur de terrains, 56 millions de dollars pour la décontamination des sols, dont 20 millions dans Montréal-Est… Personnellement, ça faisait longtemps que j’avais vu autant de ministres au mètre carré.

Et c’est sans compter les investissements comme ceux de la SAQ qui compte insuffler des dizaines de millions de dollars dans son centre de distribution au cours des trois prochaines années. Des entreprises privées comme Décathlon ont également des visées sur l’Est.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Les projets ne manquent pas pour l’est de Montréal, dont la revitalisation du centre-ville de Pointe-aux-Trembles.

Ça, c’est pour les entreprises. Mais il y avait aussi plein de projets pour les citoyens et leur qualité de vie. On a parlé d’un hôtel rue Viau, d’un centre culturel à Montréal-Est, d’un centre sportif à Montréal-Nord, de revitalisation du centre-ville de Pointe-aux-Trembles, du grand parc de l’Est… Sans compter les nombreux projets d’habitation sur tout le territoire. Vraiment, c’était emballant. Alors que les quartiers centraux sont surpeuplés et de plus en plus hors de prix, voilà que tout un secteur de l’île pourrait accueillir des centaines de nouvelles familles et leur offrir une belle qualité de vie.

Pas de doute, l’est de Montréal est mobilisé. Il ne lui manque que la mobilité pour concrétiser enfin tous ses rêves.

Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue