(Paris) C’est très rare qu’un musée majeur consacre une exposition aux transports en commun. C’est pourtant ce que fait depuis dimanche la Cité de l’architecture et du patrimoine au Trocadéro, à Paris. Et, avec le nouveau mandat qu’on leur a donné à Québec, les dirigeants de la Caisse de dépôt et placement feraient bien d’y faire une petite visite.

Il faut le dire d’entrée de jeu, le projet du Grand Paris Express et le combo tramway-troisième lien n’ont pas grand-chose en commun. Ni pour la population visée ni pour l’ampleur du projet.

Le Grand Paris vise à permettre aux gens des couronnes plus éloignées de se déplacer entre elles sans passer par le centre-ville. Le projet, c’est 200 kilomètres, 72 gares – dont 68 nouvelles – avec 80 % qui sont connectées aux réseaux existants, et on prévoit 3 millions de voyages chaque jour⁠1. Le projet de Québec est bien évidemment beaucoup plus modeste.

Mais, à la visite, on peut dégager quelques principes et façons de faire qui devraient nous inspirer.

D’abord, la transparence. Si on doit bouleverser la circulation et la tranquillité des riverains, il faut bien expliquer ce que l’on fait, pourquoi et comment. C’est d’ailleurs l’un des buts de cette exposition. On ne lésine pas sur les cartes, les chiffres (en particulier sur les coûts) et les désagréments que la construction va causer.

IMAGE AGENCE KENGO KUMA & ASSOCIATES, TIRÉE DE L’EXPOSITION

La future gare Saint-Denis Pleyel, en banlieue de la capitale française, sera desservie par les lignes 14, 15, 16 et 17 du Grand Paris Express.

Ça évitera d’arriver en cours de route avec des explications mensongères, du type « si on ne fait pas ça, les édifices du centre-ville pourraient s’effondrer », que l’on a malheureusement entendues dans le projet du REM de l’Est.

Il y a aussi l’attractivité du projet. Au lieu d’avoir des stations qui ne sont qu’un édicule au-dessus d’un tunnel. Une gare, ce peut être tout autre chose. On a donc invité les meilleurs architectes à dessiner des gares toutes différentes – contrairement à l’uniformité du métro de Paris – avec des œuvres d’art, des commerces, des espaces d’animation, des lieux de rencontre, etc. Elles sont intégrées à leur environnement, avec un accès direct à des hôpitaux, des établissements d’enseignement ou – crise du logement oblige – de nouveaux projets immobiliers.

Toutes les maquettes de ces nouvelles gares sont exposées au musée, et certaines sont spectaculaires. Mais tout cela est incompatible avec un mandat qui dit que le projet est trop cher et qu’il doit nécessairement respecter à la lettre le principe du plus bas soumissionnaire.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Chantier dans la rue des Embarcations, à Québec, pour le projet de tramway que le gouvernement du Québec vient de mettre sur la glace.

Le projet fait aussi une large part à l’interconnectivité. Il faut que le nouveau projet ne soit pas en concurrence avec les systèmes existants, comme l’était le projet du REM de l’Est dont la rentabilité exigeait qu’il cannibalise la ligne verte du métro.

Enfin, il ne faut jamais perdre de vue l’objectif principal du projet, soit de désengorger la ville. Que le bénéfice du projet n’est pas tant financier qu’environnemental et pour la qualité de vie, en particulier.

Un système de transports en commun ne doit pas être une façon de faire des rendements financiers. Tant mieux si on peut, mais ce ne peut pas être le but ultime du projet.

Or, le modèle que voulait instaurer la Caisse de dépôt et placement pour le REM était précisément basé sur le profit. C’était d’ailleurs la justification pour la technologie retenue : des trains sans conducteurs et des voies surélevées dont la Caisse était nécessairement propriétaire. On peut certainement craindre que ce modèle soit encore retenu pour le projet de Québec.

C’est d’autant plus inquiétant que le gouvernement – par la voix de la ministre des Transports, Geneviève Guilbault – affirme ne pas avoir de compétence au MTQ pour des projets de transports en commun et remet donc son sort complètement dans les mains de la Caisse. Même si celle-ci s’est vu retirer son REM de l’Est faute d’acceptabilité sociale.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Le REM à Montréal, un modèle basé sur le profit

Dans l’histoire récente du Québec, que ce soit pour le REM de l’Ouest, le trajet du train de banlieue de l’Est, le métro à Laval (par la branche déjà la plus achalandée du métro…), on a vu que les commandes politiques pesaient toujours plus lourd que les avis des spécialistes des transports en commun.

Malgré l’indépendance formelle de la Caisse de dépôt, on peut craindre que les réponses au mandat que lui a confié le gouvernement soient fortement influencées par celui-ci.

Comme dans le cas de son mandat sur la fluidité du trafic entre Québec et Lévis. On va devoir étudier le troisième lien, mais sans avoir étudié – et encore moins mis en place – des solutions beaucoup plus légères, comme des voies réservées, des voies en contresens aux heures de pointe et la reconfiguration de la tête des ponts.

Mais une chose est certaine, ce n’est pas demain la veille qu’un musée de Québec voudra organiser une grande exposition sur le projet de tramway et le troisième lien. Il y a déjà eu et il y aura encore trop de revirements pour qu’on ait une expo qui puisse célébrer le projet.

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