Si Québec solidaire était un parti ordinaire, on dirait que son congrès de la fin de semaine a été un grand succès. La principale tête d’affiche du parti, Gabriel Nadeau-Dubois, a été confirmée avec plus de 90 %. La nouvelle porte-parole féminine, Émilise Lessard-Therrien, a été élue avec une grosse majorité de trois voix, sans pour autant causer de division au sein des militants.

Mais QS est un parti d’idées et de débats, et son congrès passera aussi pour une autre occasion manquée de débattre des contradictions qui le minent auprès de l’électorat et qui sont la principale cause du recul – ou, au mieux, du surplace – qui l’afflige actuellement dans l’électorat.

D’abord, les bonnes nouvelles : Gabriel Nadeau-Dubois est bien en selle comme porte-parole masculin et, très probablement, celui qui sera choisi comme candidat au poste de premier ministre. Il reste la figure de proue du parti et sa voix la plus forte.

Son vote de confiance de plus de 90 % dans un parti comme le sien est remarquable, même si son adversaire silencieux était « la chaise », soit de laisser le poste vacant. De toute façon, malgré ses états d’âme, personne n’a cru qu’il voudrait s’occuper à plein temps de son pool de hockey…

L’élection d’Émilise Lessard-Therrien comme porte-parole féminine est aussi une très bonne nouvelle pour le parti. Le fait qu’elle ne soit pas députée à l’Assemblée nationale, loin d’être un handicap, va vite devenir un atout pour le parti.

Au lieu d’être toujours retenue à Québec pour les travaux parlementaires, elle pourra réagir sur le terrain à temps plein et, surtout, en temps utile. Ce qui sera excellent pour le parti, pour sa visibilité personnelle et donc pour ses chances d’être réélue dans Rouyn-Noranda–Témiscamingue aux prochaines élections. C’est ce que Françoise David avait fait à son époque et ce fut loin de mal servir le parti.

Mais surtout, son élection par la plus mince des marges n’a pas causé de division dans le parti. Comme l’a dit la députée de Sherbrooke, Christine Labrie : « Ils nous auraient voulues toutes les trois. »

Mais cela étant dit, Québec solidaire sort de son congrès sans avoir même voulu toucher à certaines des contradictions intrinsèques qui minent son image et sa capacité de croître. Parce que le seul moyen pour le parti d’éviter de faire du surplace, c’est de prendre des positions qui feront croître sa base.

Ça commence par un débat que le parti ne veut tout simplement pas tenir, soit sa position sur la souveraineté. En soi, ça ne devrait pas causer de problèmes, mais quand on regarde les sondages, on voit que la majorité des électeurs de QS ne sont pas des partisans de la souveraineté. Avec le résultat que chaque fois que le parti parle de ce dossier – qui est quand même au centre de la vie politique québécoise depuis plus d’un demi-siècle –, il donne l’impression de marcher sur des œufs…

De même, le parti semble toujours écartelé entre les diverses tendances de gauche qu’il incarne. À QS, cela va des marxistes aux sociodémocrates en passant par pas mal toutes les nuances de rouge et de rose. Ce qui donne parfois des « taxes orange » désincarnées qui font dérailler une campagne électorale.

Enfin, il y a des controverses plus actuelles qui ont été réglées en trois coups de cuiller à pot alors qu’elles risquent de ne pas être comprises par ceux qui ne sont pas membres du parti – et aussi plusieurs qui le sont.

On peut avoir la parité femmes-hommes comme politique officielle du parti. Mais son application rigide à partir d’une décision de l’autorité centrale sans tenir compte de l’opinion de quiconque sur le terrain n’est peut-être pas la meilleure façon de faire.

En particulier, cela fait peu de cas d’un principe essentiel à la vie des partis politiques, soit le respect de la démocratie locale. Le problème, ce n’est pas que le but que l’on poursuit soit tout à fait justifié, c’est la façon rigide dont on veut l’appliquer. Surtout après un débat qui s’est tenu alors qu’il restait, semble-t-il, assez peu de délégués sur le parquet du congrès.

Surtout, c’est dire aux membres du parti qui militent dans les circonscriptions qu’ils ne sont pas les mieux placés pour déterminer quel est le candidat ou la candidate qui serait le plus adapté ou adaptée aux conditions locales et qui aurait donc les meilleures chances de l’emporter.

En fin de compte, cela a mené à la démission fracassante d’Olivier Bolduc, candidat dans Jean-Talon aux deux derniers scrutins, qui n’a pas tort d’y voir une politique d’exclusion.

Un parti politique peut sortir d’un congrès affaibli. Ce n’est pas ce qui s’est passé en fin de semaine à Québec solidaire. Mais il est difficile de dire qu’il se sera beaucoup renforcé.

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