Le Québec est « certainement l’un des États fédérés les plus actifs » sur la question des changements climatiques, selon Benoit Charette, ministre de l’Environnement du Québec.

Que le ministre de l’Environnement du Québec se rende à Dubaï pour la COP28 est une excellente chose. On aime le voir impliqué sur la scène internationale.

Mais que Benoit Charette s’y livre à ce qu’il faut bien qualifier d’exercice d’autocongratulation est beaucoup plus gênant. « Ça s’explique très simplement par nos actions et nos bilans », a-t-il lancé à notre collègue Jean-Thomas Léveillé pour expliquer sa présence sur place.

Or, les « actions » et les « bilans » du Québec en matière de climat sont pour le moins mitigés.

De Dubaï, le ministre Charette a souligné que le Québec copréside l’alliance Au-delà du pétrole et du gaz, qui milite pour l’abandon graduel des combustibles fossiles. C’est vrai et c’est à saluer. Il est aussi actif dans les négociations, et c’est tant mieux.

Mais si le Québec est « certainement l’un des États fédérés les plus actifs », ce n’est pas seulement par grandeur d’âme ou parce qu’il en fait plus qu’il le devrait.

C’est tout simplement parce que la Constitution canadienne lui accorde un rôle important dans des champs de compétence cruciaux comme l’environnement, le transport, l’agriculture ou l’aménagement du territoire.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Le Québec a d’énormes responsabilités en matière de climat, rappelle Philippe Mercure. Et la vérité est qu’il est loin de s’en acquitter de façon exemplaire.

Bref, le Québec a d’énormes responsabilités en matière de climat. Et la vérité est que chez lui, loin des grandes tribunes internationales, il est loin de s’en acquitter de façon exemplaire.

On peut argumenter et discourir à l’infini, mais au bout du compte, la meilleure mesure de notre engagement climatique demeure la courbe de nos émissions de gaz à effet de serre (GES).

Or, aux dernières nouvelles, celle-ci ne pointe même pas dans la bonne direction.

Le Québec s’est engagé à réduire ses émissions de 37,5 % par rapport à 1990. Avant la pandémie, la baisse atteignait à peine 3 %.

Pire : à ce moment, en 2019, aucun secteur ne générait de baisses convaincantes. Le plus polluant, celui des transports, voit ses émissions exploser. Celles des industries et des bâtiments sont en légère hausse. Les émissions liées à l’agriculture et à la gestion des déchets sont essentiellement stables.

On a bien vu une baisse des émissions en 2020, mais c’était une année pandémique pendant laquelle de grands pans de l’économie ont été ralentis. Depuis, on attend les nouveaux chiffres (le retard dans leur dévoilement est un grave problème en soi).

On n’a toutefois aucune raison de penser que le Québec se dirige vers l’atteinte de ses cibles climatiques. La Chaire de gestion de l’énergie de HEC Montréal a montré que le Plan pour une économie verte du gouvernement Legault a largement repris des mesures qui ne fonctionnaient pas en y consacrant des milliards de dollars. « Les résultats sont consternants », écrivent les chercheurs de la Chaire⁠1.

Québec, par exemple, n’a rien fait de sérieux pour freiner ce qui est devenu la plus grande cause d’augmentation des GES au Québec : le déferlement des véhicules utilitaires sport sur nos routes.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Québec n’a rien fait de sérieux pour freiner ce qui est devenu la plus grande cause d’augmentation des GES au Québec : le déferlement des véhicules utilitaires sport sur nos routes.

Seul l’achat de crédits de carbone en Californie pourrait sauver en partie la mise – une stratégie permise par le marché du carbone, mais qui revient à faire faire les efforts de réduction ailleurs en appauvrissant le Québec.

On comprend que la CAQ n’aime pas qu’on présente les choses de cette façon et il est vrai que les gouvernements précédents n’ont guère fait mieux. Mais la réalité est que les courbes ne mentent pas.

M. Charette pourrait profiter de son séjour à Dubaï pour discuter avec son homologue britannique. Peut-être en tirerait-il une leçon d’humilité.

D’abord, le Royaume-Uni a des chiffres de 2022 depuis le printemps dernier, alors que les nôtres datent de 2020. Ensuite, ces chiffres montrent une baisse soutenue des émissions (- 7,4 % depuis 2019, - 49 % depuis 1990). Les mauvaises langues diront que c’est simplement à cause de l’abandon du charbon, mais c’est faux. L’ensemble des secteurs contribue aux diminutions.

Le Québec aime se vanter d’avoir un faible bilan carbone et d’être le royaume de l’hydroélectricité. Mais on parle de gains réalisés principalement entre les années 1960 et 1990. On ne pourra pas surfer là-dessus éternellement pour se donner bonne image.

Même chose pour le marché du carbone. Oui, le Québec a été un précurseur en Amérique du Nord en s’y joignant en 2008. Mais ça fait tout de même 15 ans et il n’a pas encore généré les résultats attendus.

En matière de climat, le Québec rappelle un peu l’attaquant du Canadien Josh Anderson. On aura beau dire que le gros ailier a été prolifique dans le passé et qu’il fait « les bonnes choses » cette année, son bilan d’un but et quatre aides en 28 matchs l’empêche de bomber le torse devant Nikita Kucherov.

La meilleure chose dans ces situations est encore de se mettre au travail en toute humilité.

1. Consultez l’étude de la Chaire de gestion de l’énergie de HEC Montréal Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue