Les sondages indiquent qu’au moins la moitié des Américains ne voudraient pas que l’élection de novembre prochain soit un match revanche entre Joe Biden et Donald Trump. Ils ont intérêt à s’habituer parce qu’à moins d’un évènement imprévisible – comme un grave problème de santé – c’est exactement ce qu’ils vont avoir.

Le résultat de la première rencontre avec des électeurs de cette campagne, les caucus de l’Iowa, signifie que Donald Trump est à peu près assuré d’être le candidat républicain. Alors que personne dans le camp démocrate ne semble intéressé à défier le président Joe Biden.

Normalement, la série de caucus et de primaires qui se déroulent chaque semaine est une sorte de course à obstacles qui implique plusieurs rebondissements et revirements, si bien que la course à la nomination des deux grands partis est tout sauf un long fleuve tranquille.

Pas cette fois. Du côté démocrate, non seulement il se fait tard pour qu’un candidat accumule les appuis et les sommes requises pour faire campagne, mais les deux fois dans l’histoire moderne où un candidat a tenté de renverser un président en exercice, cela s’est soldé par un échec.

En 1968, au plus fort de la contestation de la guerre du Viêtnam, Lyndon Johnson avait décidé de se retirer après une mauvaise performance à la primaire du New Hampshire (qu’il avait gagnée, mais de justesse contre le « candidat de la paix », Eugene McCarthy).

Mais McCarthy ne fut pas choisi comme candidat démocrate, ce fut plutôt le vice-président Herbert Humphrey, qui, miné par les divisions internes de son camp, devait être battu de justesse par le républicain Richard Nixon.

En 1980, en pleine crise des otages américains en Iran, le sénateur Edward Kennedy a décidé de défier le président Jimmy Carter. Mais celui-ci l’a emporté pour la nomination démocrate, pour ensuite être battu par le républicain Ronald Reagan.

Morale de l’histoire : quand les démocrates se divisent, ils perdent. Personne n’a envie de vivre la même chose cette année, donc, pour le meilleur et pour le pire, ce sera Joe Biden.

PHOTO LEAH MILLIS, REUTERS

Joe Biden sera fort possiblement le candidat démocrate lors de l’élection présidentielle aux États-Unis, en novembre prochain.

Les résultats de l’Iowa sont non seulement une énorme victoire pour Donald Trump, mais ses adversaires, le gouverneur de Floride, Ron DeSantis, et l’ex-ambassadrice à l’ONU, Nikki Haley, ont fini si loin derrière qu’il est déjà clair qu’ils ne feront pas le poids contre Donald Trump. En fait, pour l’instant, ils ont plutôt l’effet de s’annuler l’un et l’autre.

Comment expliquer un tel appui à Donald Trump, même en tenant compte du fait que l’Iowa est un État particulièrement conservateur ? Les sondages faits à l’entrée des caucus, lundi soir, sont révélateurs.

Selon une synthèse de ces sondages diffusée par le Washington Post1, pas moins de 66 % des électeurs républicains interrogés estimaient que Joe Biden n’avait pas été légitimement élu en 2020, contre 29 % qui pensent le contraire. Même si cela fait maintenant plus de trois ans et que personne n’a encore réussi à démontrer un seul exemple de fraude.

Autre question : si Donald Trump était reconnu coupable d’un crime, lui qui fait face à 4 procès et à 91 chefs d’accusation, pourrait-il quand même être président ? 65 % disent oui, contre 31 % non.

PHOTO CHRISTIAN MONTERROSA, AGENCE FRANCE-PRESSE

Ron DeSantis, gouverneur de la Floride et candidat à l’investiture républicaine

Aux yeux de Ron DeSantis, il n’y a qu’une explication : la désinformation. « Il [Trump] est protégé par une garde prétorienne de médias conservateurs, de Fox News aux sites web qui ne le tiennent responsable de rien parce qu’ils ont peur de perdre des cotes d’écoute. J’aimerais mieux que ça n’existe pas, mais c’est la réalité. » On notera l’ironie de voir le candidat DeSantis critiquer les médias, mais pas Donald Trump qui a propagé cette désinformation depuis trois ans.

C’est une explication qu’on entend normalement dans la bouche des commentateurs de gauche. Qu’elle vienne maintenant du gouverneur conservateur d’un État comme la Floride est très révélateur.

Mais ce sondage est surtout révélateur de l’état d’esprit des électeurs républicains qui feront le choix de leur candidat au cours des prochaines semaines. Et il semble déjà quasi impossible d’arrêter Donald Trump.

Même ses ennuis juridiques ne semblent pas le ralentir. Au contraire, il l’a encore démontré mardi, il entend bien utiliser ses présences devant les tribunaux comme tribune électorale.

Pour Nikki Haley ou Ron DeSantis, il faudrait à l’un ou l’autre une victoire aux deux prochains rendez-vous : le New Hampshire mardi prochain ou la Caroline du Sud le 24 février pour dire qu’il y a maintenant une véritable course.

En passant, en Caroline du Sud – là où Mme Haley fut gouverneure en 2011 et en 2017 – Donald Trump mène dans les sondages avec 55 % des voix, contre 25 % pour Mme Haley et moins de 15 % pour M. DeSantis⁠2.

Il faudra d’abord surveiller le New Hampshire, mardi prochain, puisque la plus grande part de l’électorat est composée d’indépendants – qui s’inscrivent comme tels sur la liste électorale – et qui peuvent voter dans la primaire républicaine. Ce qui peut possiblement conduire à des surprises.

1. Consultez la synthèse des sondages publiée par le Washington Post (en anglais – abonnement requis) 2. Consultez le sondage sur le site 538 (en anglais) Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue