Chaque vendredi, nous revenons sur la semaine médiatique d’une personnalité, d’une institution ou d’un dossier qui s’est retrouvé au cœur de l’actualité

Il est temps qu’on s’intéresse aux trottoirs montréalais. Pas à leur état d’âme, mais à leur état tout court. Parce qu’on va se le dire, marcher à Montréal l’hiver, c’est souvent un exercice d’équilibre, pour ne pas dire un sport dangereux. Les chevilles qui se tordent dans la neige, les talons qui glissent sur les plaques de glace et bang, nous voilà étendu de tout notre long.

La semaine dernière, plus de 1400 appels ont été faits au 911. Mille quatre cents !

Dans une province où les urgences sont engorgées à un point tel que le ministre de la Santé nous supplie presque de ne pas nous y présenter, il me semble qu’on devrait faire tout ce qui est possible pour éviter les accidents.

Or voilà, chaque année, l’administration municipale montréalaise semble découvrir l’hiver. J’écoutais la mairesse Valérie Plante à la radio mercredi expliquer avoir donné un coup de fil aux arrondissements pour réitérer l’importance de dégager les trottoirs. Ont-ils vraiment besoin qu’on le leur rappelle ? Ça ne devrait pas être un réflexe comme respirer ?

À quand des trottoirs intelligents ?

En octobre dernier, une étude de la Direction régionale de santé publique de Montréal (DRSP) estimait à près de 14 000 le nombre de chutes après lesquelles les ambulanciers ont dû intervenir entre 2016 et 2020⁠1. C’est sans compter toutes celles où la personne qui est tombée s’est relevée sans assistance. L’étude soulignait que c’était dans l’arrondissement de Ville-Marie, un secteur névralgique, que se produisaient le plus de chutes à l’extérieur. La DRSP était claire : Montréal doit déneiger et déglacer davantage ses trottoirs. On allait même plus loin en suggérant que le risque de chutes soit intégré à la politique Vision Zéro, adoptée par la Ville pour tout ce qui touche les déplacements sur son territoire.

Or, jusqu’à maintenant, c’est plutôt « zéro vision » à Montréal tellement on échoue à améliorer l’état des trottoirs.

Un sondage réalisé par l’application mobile de déplacements Transit a révélé que les villes ou arrondissements qui déneigeaient le mieux leurs arrêts d’autobus étaient les villes liées de Mont-Royal et de Hampstead ainsi que l’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville. L’arrondissement de Ville-Marie se retrouvait en fin de liste. Ça va mal quand on dit vouloir attirer plus de gens au centre-ville⁠2.

On envoie des robots explorer la planète Mars, on jase avec son assistant virtuel, mais personne ne semble souhaiter perfectionner l’art de déneiger ou de déglacer les trottoirs. Pourquoi ? On justifie leur état lamentable en nous expliquant que « l’abrasif reste parfois pris entre deux couches de glace », que « le béton absorbe peu la chaleur », etc. Mais trouvons une solution ! Offrons une généreuse bourse à celui ou celle qui développera l’idée de génie ! Cela devrait être une priorité.

On en a parlé à maintes reprises dans le passé, mais pourquoi des villes comme Oslo, Helsinki ou Reykjavik sont-elles capables d’avoir des trottoirs chauffants, et pas nous ? Trop cher ? Je ne pense pas si on compare la facture à ce que coûtent les blessures, les fractures et leurs conséquences. (Cela dit, merci de ne pas m’écrire que les pistes cyclables sont déneigées avant les trottoirs. Les explications à ce sujet me semblent logiques : il y en a moins et leur déneigement, plus facile que celui d’un trottoir, ne nécessite pas le même équipement.)

PHOTO ARNALDUR HALLDORSSON, ARCHIVES BLOOMBERG

Piétonne à Reykjavik, en Islande. Pourquoi des villes comme Oslo, Helsinki ou Reykjavik sont-elles capables d’avoir des trottoirs chauffants et pas nous ?

Des trottoirs peu ragoûtants

Ce qui m’amène à parler de la propreté des trottoirs. Les Montréalais ont un effort à faire. Beaucoup de nos comportements nuisent au déneigement. Une petite marche dans le Quartier chinois ces jours-ci vous exposera à des trottoirs qui ressemblent à des buffets all you can eat pour les rats. Et dans certains quartiers – Villeray, par exemple –, les jours avant et après la collecte des ordures, les trottoirs sont des poubelles à ciel ouvert.

Citoyens, citoyennes, gérons nos sacs et nos bacs ! Et quand nous voyons des ordures devant notre porte, pourquoi ne pas les ramasser, plutôt que de faire semblant de ne pas les voir ? La propreté, c’est l’affaire de tous, pas seulement des cols bleus.

Mais revenons à la neige et à la glace. Avec le gel-dégel de plus en plus fréquent (la faute aux bouleversements climatiques), les villes doivent être plus que jamais prêtes à intervenir. Est-ce que je m’attends à ce qu’un cul-de-sac reculé et jamais fréquenté soit super bien déneigé 30 minutes après une chute de 40 cm de neige ? Bien sûr que non. Par contre, je m’attends à ce que les artères principales soient praticables et sécuritaires le plus vite possible et en tout temps.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Le quart de la population du Québec aura 65 ans ou plus en 2030. À cet âge, une chute a des conséquences pas mal plus sérieuses qu’à 20 ans.

Faut-il le répéter, le quart de la population du Québec aura 65 ans ou plus en 2030. À cet âge, une chute a des conséquences pas mal plus sérieuses qu’à 20 ans. Sans oublier les personnes à mobilité réduite.

Est-ce qu’on veut condamner toute une partie de la population à hiberner de décembre à avril de crainte que les gens se blessent ? Ou est-ce qu’on veut des gens de tout âge autonomes et capables de vaquer à leurs occupations beau temps, mauvais temps ?

Il ressort de toutes ces études et observations la désagréable impression que les piétons sont des citoyens de seconde zone, que leur mobilité n’est pas vraiment une priorité. Or nous sommes tous des piétons à un moment ou un autre de la journée. Manifestons-nous !

1. Consultez l’étude de la Direction régionale de santé publique sur les chutes extérieures sur le territoire montréalais 2. Lisez « Mont-Royal et Hampstead, champions du déneigement », d’Henri Ouellette-Vézina Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue