Le chef de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador, Ghislain Picard, annonce aux parlementaires québécois qu’il ne participera pas à la commission portant sur le projet de loi instaurant l’approche de sécurisation culturelle au sein du réseau de la santé et des services sociaux.

Par souci de transparence et soucieux de respecter les principes de saines relations gouvernementales, je me dois de vous écrire pour vous présenter les raisons pour lesquelles je ne participerai pas à la commission parlementaire portant sur le projet de loi instaurant l’approche de sécurisation culturelle au sein du réseau de la santé et des services sociaux (PL 32) qui se tient cette semaine à l’Assemblée nationale.

Non pas que le sujet n’est pas important pour moi et l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador (APNQL). Au contraire. La sécurisation culturelle est un sujet qui interpelle directement les Premières Nations et leurs dirigeants. Depuis trop longtemps, résultant des effets persistants du colonialisme, nos membres subissent maintes injustices lorsqu’ils doivent recevoir des services de l’État québécois, notamment dans le réseau de la santé et des services sociaux. La sécurisation culturelle est donc un concept que doit impérativement intégrer toute institution qui accueille des personnes des Premières Nations.

Le projet de loi à l’étude cette semaine est irrespectueux des droits des Premières Nations.

D’abord, il donne une définition un peu trop courte au concept de sécurisation culturelle, qui ne concerne pas seulement le service offert, mais qui se préoccupe surtout de l’expérience vécue par l’individu. La sécurisation culturelle doit englober plus large. Elle doit permettre d’analyser les déséquilibres de pouvoir, à remédier à toute forme de discrimination et à s’attaquer aux effets persistants du colonialisme sur les iniquités qui persistent toujours entre la population québécoise et celle des Premières Nations. Cela signifie notamment la reconnaissance de la discrimination systémique, surtout dans le réseau de la santé et des services sociaux, mais dans tous les services de l’État québécois également.

Ensuite, la principale raison de mon absence avec vous cette semaine, c’est le mépris envers notre droit inhérent à l’autonomie gouvernementale. Encore une fois, le gouvernement du Québec s’arroge le pouvoir de légiférer sur un sujet qui relève de la compétence de nos gouvernements de Premières Nations. En 2023, on devrait s’attendre à mieux que cette façon de faire paternaliste.

Comme chef de l’APNQL, je représente les chefs de 43 gouvernements possédant des pouvoirs tout aussi importants que ceux des gouvernements fédéral et provinciaux. Je vous rappelle que la Commission royale sur les peuples autochtones écrivait dans son rapport que « les autochtones doivent être accueillis comme des partenaires à part entière dans les structures complexes qui constituent le Canada. En fait, nous soutenons que les gouvernements autochtones forment l’un des trois ordres de gouvernement au Canada – fédéral, provincial et autochtone. Les trois ordres sont autonomes dans leur sphère de compétence respective et ils partagent la souveraineté du Canada dans son ensemble ». C’était en 1996…

Certains chefs de ces gouvernements de Premières Nations participeront à l’exercice, dans un esprit de saine collaboration. Je respecte ce choix et j’appuie leurs positions. Je vous invite à ne pas y voir de contradiction, mais différentes approches qui reposent sur notre volonté d’assumer nos responsabilités gouvernementales et de dénoncer un projet de loi à saveur d’un colonialisme qui n’a plus sa place.

Ainsi, à l’approche de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, je vous invite à faire plus, et surtout, à faire mieux. Nous avons l’occasion de jeter de nouvelles bases politiques, institutionnelles et administratives qui influeront sur l’avenir de nos populations et des générations à venir.

Que l’Assemblée nationale respecte les gouvernements de Premières Nations en n’adoptant pas le projet de loi 32 dans sa forme actuelle, et propose plutôt de revoir le processus législatif à l’égard de la sécurisation culturelle selon une approche réelle de co-développement avec les Premières Nations.

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