Lettre ouverte adressée aux élues et élus de la Ville de Québec, de l’Assemblée nationale et de la Chambre des communes

Entre 1981 et 2009, sur cette période de 28 ans, nous avons siégé, à un moment ou à un autre, au conseil de la Ville de Québec. Nous estimons aujourd’hui que l’heure est venue d’accroître la part modale du transport en commun, contribuant ainsi à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES). Nous prenons ainsi acte des limites de l’autobus comme système de transport public, comme l’ont réalisé les élus montréalais il y a des décennies.

En anticipation de la croissance démographique significative de son agglomération, la Ville de Québec est à la croisée des chemins. Structuré sur la base solide d’études étalées sur 20 ans, le projet de tramway répond incontestablement à un besoin. Québec est, en effet, la seule ville canadienne de plus de 500 000 habitants qui n’a aucun projet concret de transport collectif structurant.

Renoncer au tramway, c’est continuer de miser, à grands frais de fonds publics, sur le transport routier qui, au Québec, représente la source la plus importante de GES, soit 34 % des émissions totales1.

À nos yeux, la résistance au projet de tramway s’explique en partie par la résistance au changement face aux habitudes de déplacement de la population. En effet, Québec détient le triste record de l’agglomération comptant le plus grand nombre de kilomètres d’autoroute par habitant au Canada. Pas surprenant que la dernière enquête origine-destination région Québec-Lévis, datant de 2017, révèle que 63,9 % des déplacements dans l’agglomération sont en mode auto solo2.

L’auto solo est un modèle de déplacement insoutenable à long terme, notamment sur le plan des finances publiques. Cela dit, la hausse visée des parts modales du transport en commun permettra une circulation plus fluide des navetteurs n’ayant pas le choix de se déplacer en auto.

Une légitimité déjà acquise

Le tramway a été appuyé par la majorité des élus municipaux de Québec lors du scrutin du 7 novembre 2021. Il a aussi fait partie des engagements pris par les quatre partis politiques représentés à l’Assemblée nationale. Il est vu d’un bon œil par le gouvernement fédéral, lequel dispose de programmes pour soutenir les infrastructures de transport en commun.

Ce projet innovant du tramway dispose donc de toute la légitimité nécessaire comme grande infrastructure vouée à la lutte contre les changements climatiques et bénéficiant des deniers des gouvernements du Québec et du Canada.

Cette assise démocratique du projet est malgré tout contestée par une partie des contribuables, notamment en invoquant la hausse anticipée des coûts de réalisation qui feront bientôt l’objet d’une mise à jour par le bureau de projet de la Ville. Les hausses de coûts sont pourtant la norme plutôt que l’exception pour de tels ouvrages.

Un média montréalais publiait d’ailleurs récemment que les dépassements de coûts moyens, en matière de mégaprojets, se situent entre 200 % et 300 %, selon les travaux de Bent Flyvbjerg, sommité mondiale dans le domaine et professeur de l’Université d’Oxford.

Vaincre les résistances : l’exemple du métrobus

Nous ne sommes pas surpris qu’une partie de l’opinion publique manifeste des réticences voire son opposition au projet du tramway. Nous avons été témoins d’une telle réaction face à la nouveauté, l’inconnu lors des phases préparatoires du métrobus. Peu de temps après la coupure du ruban, cette innovation a été adoptée par la population et le retour en arrière est aujourd’hui inimaginable.

Dans la ville jumelle de Québec qu’est Bordeaux, les phases préliminaires de la mise en service du tramway ont nourri de l’opposition pour diverses raisons. Une fois le tramway installé sur ses rails, la population a pu graduellement mesurer ses avantages. Finalement, ils ont surmonté les appréhensions techniques, les craintes sur la déviation de la circulation de transit dans les rues résidentielles et les impacts anticipés sur le paysage urbain. Les Bordelais ont même développé un appétit pour de nouveaux tracés, comme ce fut le cas dans les années qui ont suivi la mise en place du métrobus à Québec.

On dit souvent que la politique est l’art du possible. Dans le cas des grandes infrastructures publiques, la politique, à Montréal comme à Québec, doit aussi rendre possible ce qui est nécessaire. Au nom du bien commun.

* Les autres signataires sont les ex-conseillères et ex-conseillers municipaux Ann Bourget, Yvon Bussières, Lynda Cloutier, Winnie Frohn, Jacques Jobin, Marie Leclerc, Réjean Lemoine, Alain Loubier, Pierre Mainguy, Lyse Poirier, Francine Roberge et Odile Roy

1. Lisez le plan pour l’économie verte du gouvernement du Québec 2. Lisez les résultats de l’enquête Origine-Destination 2017 Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue