Ai-je maintenant toute votre attention ? Bien sûr, le titre sensationnel est intentionnellement manipulateur, mais il est conçu pour faire valoir un point, comme vous le constaterez ci-dessous.

Il va sans dire que le fait de vivre au Québec fait de la langue un sujet omniprésent. Dans mon cas, ayant grandi dans une famille anglophone dans la banlieue d’Anjou, les particularités et les hilarités de la langue ont eu un impact significatif dans ma vie.

En tant qu’anglophone ayant vécu hors de la province pendant de nombreuses années avant d’y revenir il y a environ 10 ans, mon retour à Montréal s’est avéré être une heureuse révélation. Le fait de ne pas avoir utilisé ou entendu beaucoup de français pendant les décennies passées hors du Québec a fait de mon retour dans la Belle Province une aventure plutôt amusante, surtout lors des premières rencontres.

Bien sûr, la plupart des francophones voient mon nom de famille « Leclair » et supposent naturellement que je suis de langue maternelle française. La première présentation se déroule généralement de la manière suivante :

La personne : « Bonjour, monsieur Leclair. Ravie de vous rencontrer. »

Moi (avec un accent anglophone) : « Enchanté aussi. Appelez-moi Mike. Comment ça va ? »

La personne : (Silence et perplexité pendant qu’elle essaie de déchiffrer l’accent auquel elle ne s’attendait pas.)

Les réactions initiales, inévitables et déconcertantes, n’ont jamais déçu, mais ce qui n’a jamais déçu non plus, c’est la gentillesse et le désir sincère de ces personnes de poursuivre la conversation en français, me donnant l’occasion d’utiliser un étrange mélange de mots avec un fort accent anglais, qui, miraculeusement, permet tout de même de me faire comprendre.

Le fait d’être « un Anglais » semble me procurer un passeport automatique et une banque de pardon associée pour massacrer les mots et malmener les genres lorsque je m’exprime en français.

En fait, c’est expressément grâce à ces personnes patientes et merveilleuses que j’ai acquis la confiance nécessaire pour avancer sans crainte de m’exprimer à l’aide d’un mélange éclectique de mots. Je crois que je suis passé du statut de simple anglophone à celui de franglophone.

La langue a également donné lieu à des situations comiques dans ma vie. Lorsque j’ai rencontré pour la première fois la mère de ma conjointe québécoise, elle m’a pris la main, m’a regardé dans les yeux et s’est exclamée bruyamment : « BONJOUR ! BIENVENUE DANS NOTRE FAMILLE ! », comme si le volume sonore élevé allait améliorer ma compréhension. Ma conjointe s’est empressée d’intervenir : « Maman, il n’est pas sourd. Il est juste anglais. »

Et c’est là où réside la clé : garder le sens de l’humour. La grande majorité des personnes que je rencontre sont patientes et amicales, et apprécient tous mes efforts, malgré les lacunes linguistiques évidentes. Voilà pourquoi de mon point de vue, ce n’est pas vraiment une question de langue.

Je souscris pleinement à la beauté et à la richesse de la langue officielle du Québec, mais j’éprouve un réel malaise lorsque la communication humaine de base est transformée en une arme politique qui divise.

Lorsque les notions de culture et d’identité sont jetées dans la même marmite que la langue, il en résulte un ragoût désordonné et infect, qui ne sert qu’à satisfaire certains esprits alarmistes, tout en aliénant les nouveaux immigrants, les visiteurs, les touristes et d’autres personnes qui souhaitent simplement se sentir accueillies et entendues.

Au fond, les êtres humains ont un désir fondamental de communiquer et de se rassembler. Alors que nous sommes en pleine célébration des Fêtes de fin d’année avec notre famille et nos amis, rappelons-nous que, quelles que soient notre origine et la langue principale que nous parlons, nous faisons tous de notre mieux pour nous entendre et vivre une vie convenable et pleine de sens.

Aujourd’hui, en tant que responsable d’une organisation communautaire qui aide les familles de nouveaux immigrants, je me retrouve immergé dans le domaine des langues. Il arrive que ces familles parlent à la maison plusieurs langues différentes autres que le français ou l’anglais. Elles essaient de se forger une nouvelle vie, en se concentrant sur les besoins fondamentaux tels que le logement, la sécurité alimentaire, l’éducation et l’emploi. Par-dessus tout, elles s’efforcent de communiquer, de s’adapter à leur nouvel environnement et de s’y retrouver.

En tant que société progressiste et ouverte d’esprit, si nous voulons être accueillants et accommodants pour une foule d’immigrants et de visiteurs, nous allons devoir trouver un moyen de nous entendre et de communiquer respectueusement. Faire preuve de patience et de bienveillance, ce n’est pas une question de langue, n’est-ce pas ?

* Michael Leclair est directeur général du Projet communautaire de Pierrefonds, un organisme communautaire de Montréal qui offre divers programmes et services familiaux conçus pour aider les nouveaux immigrants à faire la transition vers une vie réussie et autonome au Québec.

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