L’influence de l’industrie du sport sur notre société est immense. Les athlètes, les équipes, les fédérations, les ligues, les marques, les annonceurs et les médias sportifs forment un puissant tissu culturel qui a la force de faire changer les mentalités et les comportements.

Avec les débuts de la nouvelle Ligue professionnelle de hockey féminin (LPHF) et d’une nouvelle année, souhaitons qu’une véritable nouvelle ère du sport s’amorce ici, à Montréal, au Québec et au Canada. Une ère équitable, saine et inclusive, où on comble enfin l’écart de valeur entre les sports pratiqués par les hommes et ceux pratiqués par les autres.

Le sport professionnel et tout ce qui l’entoure sont, par défaut, masculins. Selon une étude récente publiée par la firme Wasserman, le sport féminin reçoit 15 % de la couverture médiatique sportive (lorsqu’on en parle, c’est souvent selon un point de vue masculin) et à peine plus de 1 % des commandites de l’industrie (statista.com).

Le sport féminin suscite depuis trop longtemps un semblant d’intérêt parce que cela paraît bien sur notre rapport de conscience collective. Oui, on doit avoir des modèles féminins pour les prochaines générations, mais ces athlètes doivent aussi être compensées à leur juste valeur.

L’iniquité est aberrante. Légende du soccer américain, Abby Wambach a symbolisé cette disparité en recevant l’Icon Award lors des ESPY 2016 aux côtés de Kobe Bryant et Peyton Manning. Bien que les trois athlètes aient reçu le même hommage, la réalité de leurs retraites était radicalement différente : les deux hommes étaient milliardaires, alors que Wambach a dû trouver un emploi pour payer son loyer.

Un autre exemple édifiant se trouve dans la NBA : la personne qui se cache sous le costume de la mascotte des Nuggets de Denver gagne 625 000 $ US par année, alors que dans la WNBA, Diana Taurasi, une des plus grandes joueuses de l’histoire de la ligue avec trois titres de championne et cinq médailles d’or olympiques, reçoit 234 000 $ US par an (ce qui en fait l’une des joueuses les mieux payées).

Selon Deloitte, le sport féminin générera en 2024 plus de 1,3 milliard à l’échelle mondiale, soit 300 % de plus qu’en 2021. Et les fans sont présents, si l’on se fie aux records d’assistance et de cotes d’écoute qui ne cessent d’être fracassés. La popularité du sport féminin dans l’espace médiatique et économique se fait particulièrement sentir chez nos voisins du Sud avec les activités du sport universitaire, de la WNBA, de la NWSL et de la WTA. Quand même surprenant qu’un pays qui se dit ouvert et progressiste comme le nôtre semble à des kilomètres derrière eux en ce sens. On peut penser à nos joueuses de hockey, nos boxeuses canadiennes et tant d’autres ; la liste d’exemples d’iniquités est encore beaucoup, beaucoup trop longue.

Les milieux des affaires et des médias doivent faire plus que hocher la tête. Ça prend d’autres Canadian Tire1 qui choisissent d’investir la moitié de leur budget de commandites sportives dans le sport féminin, mais aussi toutes les parties prenantes pour réussir cette évolution : organisations sportives, médias et amateurs. Il faut changer les codes et le visage des vrais décideurs, des personnalités médiatiques et des personnes d’influence dans les milieux sportif et d’affaires en incluant des femmes et des membres de communautés sous-représentées.

Montréal ne pourrait-il pas devenir la première ville canadienne à accueillir une franchise de la WNBA en plus – ou au lieu – d’une franchise de la NBA ? Il est grand temps de transformer le discours sur la valeur commerciale et marketing du sport féminin : il s’agit d’une stratégie de croissance d’affaires et non d’une stratégie d’implication communautaire. Le respect et une véritable reconnaissance des athlètes féminines passent par un engagement financier et de la visibilité médiatique à heure de grande écoute.

Le marché ne sera rééquilibré que lorsque les fédérations, les ligues, les annonceurs, les investisseurs et leurs partenaires médias reconnaîtront la valeur des athlètes féminines.

La bonne nouvelle, c’est qu’il est encore temps d’investir. Le milieu des affaires montréalais devrait se bousculer aux portes du Centre de hockey haute performance 21.02, de la LPHF, de la future ligue de soccer professionnelle menée par Project 8 et Diana Matheson, et de tout autre projet qui assure la pérennité et le développement du sport féminin.

C’est une page d’histoire qui pourrait s’écrire en reconnaissant celles qui forment après tout 50 % de la population. Qu’un match de hockey féminin professionnel fasse salle comble ne devrait pas être une nouvelle, ça doit être la norme pour tous les matchs en 2024. Il est temps d’embarquer, d’investir, de changer la culture et d’enfin avoir un impact positif et durable.

1. Lisez « Sport féminin : Canadian Tire va augmenter ses commandites »