– Je suis Nicolas (nom fictif).

– Moi, c’est Geneviève.

– Bonjour, Geneviève. Je te serrerais la main, mais j’ai plein de microbes, lance celui qui est habillé pour aller jouer dehors avec sa salopette et son manteau, les bottes d’hiver en moins. Il vit dans la rue. Nous sommes à huit jours de Noël, le froid approche…

Je me tiens debout devant lui. Alors que Nicolas est assis au sol sur un duvet autrefois immaculé, aujourd’hui marbré de saletés. Il me regarde de son regard bleu océan, en contre-plongée. L’image me chavire…

Le bel homme qui se trouve devant moi (oui, Nicolas arbore un physique attrayant) porte une casquette qu’il soulève de temps à autre pour gratter ses cheveux mi-longs aux reflets blond roux.

L’espace d’un court moment, ici, maintenant, dans la rue, je baigne dans sa réalité… Nicolas n’a plus de famille ni d’amis.

– Des amis comme ça, t’en veux pas, précise-t-il avec un sourire en coin.

Il répète à quelques reprises que ses parents ont été tués. J’écoute. Sa fille adolescente habite avec sa mère. Il ne la voit pas.

« Qu’est-ce que je vais faire ? L’amener ici, dans la rue ? Je la laisse avec sa mère, mais que personne ne la touche ! », dit-il avec résignation, mais bien ancré à l’amour viscéral du père.

Depuis que la vie de Nicolas a basculé il y a plus de 10 ans, il cumule les boulots en construction ici et là, mais jamais assez longtemps pour se permettre un nid à lui. Les policiers exigent qu’il se déplace…

– Je veux juste mon appartement, ma vaisselle… Je suis propre. Quand j’avais mon logement, on pouvait manger sur la céramique.

Nicolas n’est pas imperméable au jugement des autres. Il en pleut, des « il n’a qu’à travailler », mais le filet de sécurité doit être tissé serré pour sortir de la rue. Tant de facteurs et de problématiques avec lesquels jongler et si peu de ressources pour accompagner…

– Je me suis battu, je me suis fait battre. Je suis fatigué. J’ai le goût d’aller rejoindre ma mère au paradis.

Je passe une vingtaine de minutes avec lui parce que son histoire m’intéresse, parce que sa situation me bouleverse, parce que même si je viens de faire sa rencontre, je ne veux pas qu’il se jette devant une voiture comme il vient de l’évoquer. L’écouter et lui offrir des barres protéinées. C’est si peu.

Nicolas, c’est mon égal, c’est mon frère, mon cousin, mon collègue, mon mécano. Un humain qui a besoin d’aide pour se relever. Encore et encore, s’il le faut.

Avant de reprendre mon chemin, je partage mon souhait avec Nicolas. J’espère de tout cœur qu’une main et une autre se tendront vers lui et qu’il les acceptera en sachant qu’il mérite de vivre décemment. Il a du potentiel, un grand cœur et tellement à offrir. Je sais, je l’ai vu dans ses yeux.

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